Avec la fermeture des écoles et des services de garde, encore en vigueur dans la grande région de Montréal, l’intérêt pour le gardiennage virtuel est en hausse. Que ce soit des séances animées par des éducatrices qualifiées ou des activités organisées par les grands-parents, la méthode a bien sûr ses limites, mais elle permet aux parents forcés de travailler à la maison d’accomplir une tâche sans crainte d’être interrompus.

À une époque pré-pandémie, Josée Brunelle et son conjoint, Robert Poirier, se rendaient régulièrement à Granby pour garder leurs trois petits-enfants âgés de 1, 3 et 6 ans. Les contacts physiques n’étant plus possibles depuis la mi-mars, ils se sont tournés vers FaceTime pour garder le lien avec les petits, mais aussi pour offrir du soutien à leurs parents. Tous deux travailleurs essentiels, ils n’ont eu accès à des places en service de garde que lors de leur réouverture, le 11 mai dernier.

Évidemment, à distance, les grands-parents ne peuvent donner à boire au bébé et changer ses couches, mais, jusqu’à ce que la fratrie reprenne le chemin de l’école ou de la garderie, ils ont réussi à occuper les plus vieux pendant la sieste du poupon, alors que la mère était en visioconférence et le père, sorti travailler. Parfois, ils n’étaient qu’une présence pendant qu’Edmond et Bénédicte dessinaient ou faisaient un casse-tête, mais souvent, ils animaient une activité que les enfants devaient faire à tour de rôle, comme des devinettes, des mimes, des jeux de Cherche et trouve ou des exercices physiques. La meilleure façon, selon eux, de garder les enfants captifs.

« La plupart du temps, ça me donnait une grosse heure pour travailler », souligne leur mère, Virginie Brunelle-Fortin. Elle voit dans cet arrangement une belle façon pour les grands-parents de s’impliquer. « Avec le confinement, on se retrouve dans une situation où eux ont peu de choses à faire et nous, on est submergés », dit celle dont l’aînée a aussi participé à plusieurs activités offertes par la Ville de Granby dans le cadre d’un camp de jour virtuel pour les 6 à 12 ans.

Des éducatrices offrent leurs services

Pour aider les parents à mieux vivre avec cette surcharge, plusieurs entreprises établies aux États-Unis offrent maintenant des services de gardiennage virtuel, rapportait le New York Times il y a deux semaines. C’est le cas aussi de SOS Garde, une entreprise québécoise fondée il y a 10 ans pour mettre en relation des familles avec des personnes offrant du gardiennage et d’autres formes d’aide à domicile.

À la mi-mars, les familles se sont retrouvées à la maison sans gardienne et les gardiennes, à la maison, sans travail. Beaucoup de gens sont en télétravail, moi incluse. Il y a un besoin énorme.

Paulina Podgorska, fondatrice et présidente-directrice générale de SOS Garde

Elle a donc mis sur pied, à l’aide de la plateforme Zoom, un programme d’activités en groupe, de six enfants maximum, pour les 4 à 8 ans. Chaque séance d’une durée de 40 minutes est animée par une éducatrice, souvent issue du milieu des garderies ou des services de garde au primaire et dont les antécédents judiciaires sont vérifiés. Le parent peut opter, par exemple, pour une séance de bricolage, de dessin, de yoga et méditation ou une heure du conte. Il en coûte 12 $ par séance. Des forfaits sont aussi offerts.

IMAGE FOURNIE PAR SOS GARDE

Alanis De Sa-Sousa, éducatrice pour SOS Garde

L’entrepreneure se dit surprise de voir, hormis quelques défis technologiques chez les clients, à quel point cette méthode fonctionne bien. Les parents ont très rarement à intervenir pendant l’atelier, assure-t-elle. « C’est ce que je veux offrir aux parents. La mission de SOS garde, il y a 10 ans, était d’enlever ce stress de trouver quelqu’un. Ici, c’est d’enlever ce stress d’être dérangé pendant le travail. »

La fille de Rachel Faust, âgée de cinq ans et demi, participe à des ateliers offerts par SOS Garde chaque jour depuis trois semaines. « Mon conjoint et moi travaillons de la maison, ça devient parfois lourd d’organiser les journées, affirme-t-elle. On y arrive, mais ça ne nous laisse pas beaucoup de temps pour nous concentrer. »

Installés dans la pièce d’à côté, ils peuvent travailler tranquilles. « Les éducatrices gardent l’intérêt de l’enfant, poursuit-elle. Elles discutent de plein de choses avec eux. La première fois, ils sont un peu gênés, mais après ça passe. » Ils ont décidé de poursuivre parce que leur fille en redemande.

Environ 80 % des parents qui achètent une première séance virtuelle sur le site sosgarde.ca reviennent, précise Pauline Podgorska.

Ma fille a fait 12 sessions depuis le début du confinement. Parfois, elle avait moins envie parce que son attention était sur autre chose, mais une fois que l’activité est commencée, elle embarque.

Gwen Grondin

Puisque l’école ne débutera pas avant septembre à Montréal, elle compte bien continuer à utiliser le service.

« C’est juste 40 minutes », remarque-t-elle. Mais ce sont 40 précieuses minutes où elle peut se concentrer sur son travail, sans être obligée de mettre sa fille devant la télé. Quarante minutes où sa fille, qui n’a ni frère et sœur, n’a pas à jouer seule dans sa chambre. « J’ai fait appel à ces ateliers pour contrer son ennui », résume-t-elle.

Les limites du virtuel

Le gardiennage virtuel a toutefois ses limites. En tête de liste, la discipline. Quand le petit Edmond a tapé sa sœur avant de prendre la fuite, Mamie et Papi n’ont pas pu faire grand-chose. « Tant qu’ils restent devant la caméra, on peut gérer la situation, mais quand ils partent, c’est plus compliqué », remarque Josée Brunelle.

Mieux vaut tenir les séances le matin, quand l’enfant est bien reposé, et l’installer dans une pièce tranquille, loin des sources de distraction. Avant l’âge de 4 ans, il est plus difficile de maintenir l’attention de l’enfant pour une longue période, observe Pauline Podgorska.

François Couture, intervenant en petite enfance et consultant pour le Centre d’aide et de soutien aux intervenants et organismes en petite enfance (CASIOPE), invite les parents tentés de se tourner vers le gardiennage virtuel à la prudence. « Ça peut être une solution pour un court moment, mais ça a beaucoup de limites en termes d’apprentissages et de développement pour l’enfant. » Les limites, précise-t-il, sont plus grandes lorsqu’il n’y a pas de lien affectif déjà établi entre l’enfant et l’adulte qui le garde.

Et il y a la question de l’exposition aux écrans qui le préoccupe. La période passée en gardiennage virtuel devrait, selon lui, être prise en compte par les parents afin que le temps d’exposition aux écrans qui est recommandé ne soit pas dépassé.

Une solution temporaire à un problème ponctuel, le gardiennage virtuel ? Pauline Podgorska croit que le service survivra à la pandémie. « Même sans confinement, il y a beaucoup de situations dans une année où le parent doit rester à la maison parce qu’il y a une journée pédagogique ou que l’enfant ne se sent pas très bien, sans être vraiment malade, note-t-elle. Aussi, je pense que le télétravail deviendra la norme et c’est un service qui est super pour ça. » Des entreprises l’ont d’ailleurs contactée et songent à offrir des séances à leurs employés. Un avantage social qui s’inscrit certainement dans l’air du temps.