Pendant que les adultes travaillent de la maison, nombreux sont les enfants — et les adolescents — qui tuent le temps devant un écran. « Les prédateurs le savent », avertit Cathy Tétreault, directrice générale du Centre Cyber-aide.

En 2017, 12,8 % des adolescents québécois de la 1re à la 5secondaire avaient déjà reçu au moins une demande d’envoi de photos ou de vidéos osées, selon le groupe de recherche SEVEQ. Les filles (10,2 %) étaient bien plus nombreuses que les garçons (2,5 %) à recevoir ces requêtes. Chez les élèves de 14 ans et moins, ces demandes venaient surtout d’inconnus, tandis que chez les 15 ans et plus, les solliciteurs étaient connus de leurs cibles. Ces statistiques datent d’avant que les écoles ferment et que les jeunes soient isolés, en manque de contacts sociaux…

Projet Empa-TIC

Pour prévenir le sextage, le Centre Cyber-aide lance le projet Empa-TIC. Il comprend un guide gratuit pour les parents et une docufiction, dans laquelle des élèves du Séminaire des Pères Maristes de Québec jouent tous les rôles.

« On a pensé en parler aux parents, car ils offrent des cellulaires à leurs enfants à partir de la 3e année du primaire, maintenant », observe Cathy Tétreault. Or, partager des vidéos sur TikTok ou YouTube — comme le font par exemple les enfants dès 7 ou 8 ans — n’est pas sans risques.

PHOTO FOURNIE PAR CATHY TÉTREAULT

Cathy Tétreault, directrice générale du Centre Cyber-aide, un organisme à but non lucratif

« En ce moment, TikTok fourmille de prédateurs, dit Cathy Tétreault. Ça peut être aussi sur Fortnite, YouTube, Messenger, Instagram ou un jeu de console. Ce qu’on voit souvent, ce sont des gens qui se font passer pour des jeunes. Ils vont liker une petite vidéo, après ils vont entrer en relation avec l’enfant en lui écrivant et en échangeant. Tranquillement, ils vont s’intégrer dans un groupe de discussion et aller chercher un lien de confiance. » La demande pour une photo ou une vidéo à connotation sexuelle suit.

Garder le lien de confiance

Les enfants savent que bien des choses pouvant les rendre mal à l’aise se passent en ligne. Dans le cadre du projet Empa-TIC, des adolescents du Séminaire des Pères Maristes se sont rendus en janvier au Saguenay pour discuter avec des enfants de l’école primaire La Source de Saint-Honoré. « Pour être franc, nos élèves de 4secondaire étaient surpris de constater à quel point ceux de 6année étaient au fait », dit Maxime Lehoux, enseignant au profil Créatif du Séminaire des Pères Maristes.

Si un enfant reçoit une photo d’homme nu (par exemple de quelqu’un qui lui a écrit sur le populaire jeu Fortnite, avant de l’inviter à aller échanger sur une autre plateforme), il faut l’assurer qu’on ne lui coupera pas l’accès à l’internet, pour garder sa confiance. « Le parent doit dire : “Je suis content que tu m’en parles”, indique Cathy Tétreault. “Viens me montrer ça et ne t’inquiète pas, tu vas pouvoir continuer à jouer.” » Le parent doit ensuite dénoncer à la police celui qui a demandé ou envoyé une photo à son enfant, pour éviter qu’il récidive.

Uu jeune sur cinq accepte d’envoyer des photos

Bon à savoir : 22,5 % des jeunes sollicités acceptent d’envoyer des photos ou des vidéos à caractère sexuel, surtout à partir de 15 ou 16 ans, selon le groupe de recherche SEVEQ. Le désir de plaire et d’explorer sa sexualité est impétueux chez les adolescents, qui ont du mal à saisir la portée de leurs gestes.

Empa-TIC vise aussi à prévenir le slut shaming, soit la cyberintimidation liée au sextage.

Si votre fils a un compte Instagram et qu’il voit passer une photo d’une élève de son école nue, qu’il la partage, ça brise la réputation de cette jeune fille. S’il a 12 ans ou plus, le Code criminel s’applique.

Cathy Tétreault

Plusieurs comportements (intimidation, harcèlement, diffusion de pornographie juvénile, etc.) sont effectivement passibles de poursuites. Que faire, comme parent ? Demander si la jeune fille nue sur la photo ou la vidéo va à l’école de son enfant. Si oui, on contacte l’école. Sinon, on contacte la police.

« Les jeunes ne sont pas plus dégourdis qu’avant, relativise Cathy Tétreault. Mais aujourd’hui, ils ont des modèles d’hypersexualisation qui banalisent certaines expériences entre adolescents et préadolescents. » Il faut en être conscient, surtout en cette période où communiquer par l’entremise d’un écran est si important.

> Consultez le Guide Empa-TIC

> Regardez la docufiction Empa-TIC