Que faire quand bébé pleure ? Mon bébé est-il sauvage ? Qu’est-ce que le sentiment de compétence parentale ? Telles sont quelques-unes des questions auxquelles répond la psychoéducatrice Mélanie Bilodeau dans son livre Soyez l’expert de votre bébé.

Q. Votre livre est présenté comme le premier au Québec à se pencher sur la psychologie du bébé.

R. La plupart des ouvrages au Québec portent davantage sur les soins. Le mien, pas du tout. Je parle un peu du développement moteur, mais surtout de l’enfant vu de l’intérieur, sur le plan de la psychologie, du développement affectif, social et émotionnel du bébé. Je m’appuie sur les récents développements des neurosciences pour déboulonner des mythes.

PHOTO FRANCIS KÈGLE, FOURNIE PAR LES ÉDITIONS MIDI TRENTE

Mélanie Bilodeau, psychoéducatrice et auteure

Q. Quelle est la différence entre le développement affectif et le développement émotionnel ?

R. Le développement affectif est l’interaction des parents avec l’enfant, le développement d’un attachement sécurisant. L’affectif, c’est la sécurité affective, qui va être déterminante pour le développement plus tard dans l’enfance, pour créer des relations avec les autres. L’émotionnel, c’est l’autorégulation, comme bébé et comme futur ado et adulte. Gérer mes émotions, faire face à l’adversité et au stress. Je veux amener les parents à accompagner l’enfant vers la sécurité affective. Les 1000 premiers jours de l’enfant sont déterminants pour cela.

Q. Ce qui nous amène à parler de la garderie. Si on a le choix, vaut-il mieux attendre que l’enfant soit plus vieux ?

R. Au départ, j’avais un chapitre sur l’intégration en garderie, comment choisir une éducatrice qui va devenir une figure d’attachement, en moyenne à l’âge de 9-10 mois. Finalement, ce sera un deuxième ouvrage. Attendre, c’est une question très délicate qui peut devenir extrêmement culpabilisante. Je vais un peu dans le sens du D[Jean-François] Chicoine : attendre, ce n’est pas la réalité des parents actuels, mais dans un monde idéal, si on pouvait attendre 18 mois ou 2 ans, ça serait préférable. À cet âge, le bébé a davantage consolidé les figures d’attachement. Entrer en garderie plus tôt, ça ne bousille pas un enfant, mais c’est encore plus important de bien choisir l’éducatrice et la garderie.

Q. Certains parents vont avoir quelqu’un chez eux. N’est-ce pas la même chose qu’envoyer son enfant à la garderie ?

R. Je ne suis pas d’accord. Un milieu de garde est extrêmement stimulant. On est bombardé de sensations, il faut s’adapter aux rythmes, au groupe, aux installations, il y a des odeurs que le bébé ne reconnaît pas, un roulement de personnel. Alors en très bas âge, ça peut être une bonne idée de privilégier un milieu familial, où au moins l’éducatrice ne change pas, où il y a moins d’enfants.

Q. Que pensez-vous des garderies avec présence obligatoire de l’enfant ?

R. Des fois, c’est pire que l’école primaire ! C’est hyper protocolaire, on ne tient pas du tout compte des besoins des familles et des enfants. L’enfant a toute sa vie pour socialiser. En bas de 2 ans, ce dont il a besoin, c’est d’être avec ses parents, sauf s’ils sont plus ou moins présents sur le plan affectif.

Q. Allons-y en rafale. On laisse pleurer la nuit ?

R. La science est très claire, en bas de 1 an on ne laisse jamais pleurer bébé. Jusqu’à 6 mois, on va le voir le plus rapidement possible. À partir de 18 mois, l’enfant peut progressivement tolérer un peu de frustration, un peu de délai.

Q. Peut-on faire l’apprentissage de la propreté trop tôt ?

R. Oui, absolument. Notre société veut beaucoup prôner l’autonomie, mais je suis contre les check-lists. Un bébé commence à marcher entre 10 mois et 2 ans. C’est la même chose pour la propreté, c’est plus une acquisition qu’un apprentissage.

Q. Dormir avec les parents ?

R. L’autonomie arrive entre 18 et 36 mois, mais il n’y a pas de limite d’âge, pourvu qu’on ne réponde pas au besoin des parents. Il ne faut pas le prendre dans notre lit pour se rassurer ou pour mettre une barrière avec son conjoint.

Q. La durée de l’allaitement ?

R. Je ne suis pas une puriste. La décision de l’allaitement repose sur les épaules du couple, c’est un travail d’équipe de la mère et de son conjoint. Ça sert à quoi de culpabiliser les mères ? L’important, c’est comment on va nourrir l’enfant. Si on utilise un support pour que la mère puisse aller sur Facebook quand elle allaite ou donne le biberon, on perd le contact visuel.

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Soyez l’expert de votre bébé, Mélanie Bilodeau, Éditions Midi trente, 220 pages.

Q. Si un couple va mal, vaut-il la peine d’attendre que bébé soit plus grand avant de se séparer ?

R. S’il n’y a pas trop de tensions, en théorie, on devrait attendre 2 ans avant de se séparer après la naissance d’un enfant, qu’il s’agisse du premier ou du quatrième, parce que c’est toujours une période d’adaptation pour les parents. Ensuite, il faut penser à l’attachement. C’est sûr que généralement, dans les six premiers mois de la vie, la première figure d’attachement est la mère et il ne faut pas que l’enfant en soit séparé trop longtemps. En bas de 18 mois, il ne faut pas que l’enfant soit séparé de sa première figure d’attachement plus de deux jours d’affilée.

Q. Vous citez des auteurs d’il y a longtemps, les psychanalystes John Bowlby (1907-1990) et Donald Winnicott (1896-1971).

R. Bowlby, c’est le père de la figure de l’attachement. Il faut en parler, même s’il y a des choses qui ont évolué depuis, notamment le rôle du père. Winnicott, c’est la « good enough mother », la mère qui est suffisamment adéquate. C’est réellement le propos de mon livre, je veux déculpabiliser les parents, les amener à se fier à leur instinct.