Du tapis d’éveil aux petites voitures en passant par la poupée, le jeu de construction et le cheval à bascule, en quoi le jouet est-il utile au développement des enfants dès le plus jeune âge ? Des spécialistes nous éclairent.

Psychologue clinicienne et docteure en psychopathologie, Béatrice Vandevelde a beaucoup travaillé en pédopsychiatrie. « Le vrai jouet est très important pour apprendre, pour contribuer au développement sensoriel des tout-petits. Ça passe par la manipulation, le toucher, les matières pour distinguer ce qui est doux, rugueux, chaud, froid, solide, fragile », explique-t-elle. 

La suce est souvent le premier objet avec lequel le bébé va jouer : dès qu’il arrive à l’attraper avec ses doigts, il va découvrir le côté mou, le côté dur, la taper sur son lit et constater que plus il tape fort, plus ça fait de bruit. L’enfant fait ces découvertes avec l’intervention des parents, ce qui l’aide à appréhender son espace, son environnement.

Par exemple, il comprend que ce qui est doux et moelleux est réconfortant et qu’on peut s’appuyer sur ce qui est solide. En plus de lui permettre de se développer sur le plan du monde physique et réel, le jouet est aussi en lien avec le monde symbolique. Ainsi, quand on a un chagrin, on va plutôt aller vers une personne douce et rassurante parce qu’on a retrouvé ça à travers son toutou. Par contre, on ira vers une personne solide quand on voudra se surpasser.

Diversifier les jouets

L’enfant développe donc sa motricité fine et globale grâce au jouet, qu’il soit authentique ou bricolé, mais il va également associer des mots au jeu. « Son langage va se développer en même temps que sa motricité, car quand un parent donne un objet à l’enfant, il le nomme ; c’est comme ça que l’enfant apprend et qu’il finira par le nommer lui-même », précise la Dre Christine Grou, présidente de l’Ordre des psychologues du Québec.

Le tout-petit développe aussi son attention, apprend à fabriquer, à assembler, et découvre les formes et les couleurs grâce au jouet. 

Deux choses sont fondamentales : il faut diversifier les jouets, ce qui ne veut pas dire en acheter beaucoup, mais donner un éventail de stimulations à l’enfant. Le deuxième fondement, c’est qu’il ne faut pas oublier d’interagir avec lui.

La Dre Christine Grou, présidente de l’Ordre des psychologues du Québec, en ajoutant qu’il faut aussi lui laisser de l’espace pour créer et éviter la surstimulation.

Le livre est un bon exemple de jouet interactif. La Dre Christine Grou souligne que de 0 à 6 mois, l’enfant s’émerveille en écoutant son parent lui lire une histoire tout en étant sur ses genoux, ce qui crée une interaction. Par ailleurs, le bébé manipule le livre, tourne les pages, le mordille. « Le livre-jeu est un bon stimulateur de lecture pour plus tard et il peut diminuer les possibilités de trouble de l’apprentissage. Ça devient un plaisir plutôt qu’une contrainte », note la Dre Vandevelde.

Interaction et exploration

Chez le petit, les objets sont là, disparaissent, reviennent, sont cachés : c’est une façon de faire l’expérience du « je ne te vois plus, mais tu existes encore et je te retrouve ». C’est ce qui l’aidera à comprendre que quand son parent s’absente, il va revenir. La Dre Grou explique que l’enfant a besoin de stimuler l’ensemble de ses sens pour se développer et interagir.

Plus grand, en jouant à un jeu de société, il apprend à respecter des règles, à attendre son tour, à perdre, à gagner, ce qui accroît son esprit d’équipe. Tout ça ne peut être remplacé par le jeu électronique. 

« Dans la dynamique de limiter l’encombrement, certains parents justifient de ne pas acheter de jouets en prétextant qu’ils ont un impact sur l’environnement ; une application se télécharge très vite, ça ne prend pas de place, mais on ne voit pas toute l’empreinte écologique qu’il y a derrière et qui pollue énormément.

« Il faut savoir que le jeu numérique est virtuel, et l’enfant ne peut pas interagir ou explorer avec le virtuel », note la Dre Vandevelde, qui a pu constater des troubles sociaux qu’on pouvait associer à l’autisme, mais qui se sont avérés en fait une dépendance à l’écran. 

« C’est un danger important chez les petits. Les écrans sont très pauvres ; c’est paradoxal, car ils surstimulent le cerveau. Si on met en compétition un objet avec un jeu virtuel, l’enfant ira plus vers le virtuel parce qu’il a un côté addictif, et je pense qu’on parlera bientôt de dépendance numérique », dit la psychologue. Il est donc important d’offrir de vrais jeux à ses enfants en tenant compte de leurs goûts, sans oublier d’être présents pour s’amuser avec eux.