C’est le temps de boucler les derniers détails pour occuper les marmots pendant l’été. Quel camp de jour fera le bonheur de notre enfant ? Et s’il apprenait le mandarin ? Il pourrait aussi en profiter pour faire des expériences scientifiques. Ou devenir champion de karaté. Sommes-nous devenus à ce point obsédés par la performance ? Les vacances d’été sont-elles faites pour que les enfants soient stimulés ou pour qu’ils puissent jouer et se reposer ?

Odile Archambault, auteure du blogue et du livre Maman a un plan, est très ambivalente face à cette question. Elle estime qu’il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse. « Tout dépend de l’enfant. S’il est heureux en étant stimulé et en apprenant de nouvelles choses comme une langue étrangère, pourquoi pas ! Si ça lui fait plaisir, car il ne faut pas que ce soit une corvée. Mais, dans mon cas, je vois bien que mes enfants de 6 et 8 ans ont besoin de jouer », explique-t-elle.

La psychoéducatrice Stéphanie Deslauriers pense qu’en tant qu’adulte, on a tendance à toujours vouloir en faire plus. Résultat ? On culpabilise et on projette nos ambitions sur nos enfants. « On veut que nos enfants ne manquent de rien. On veut leur ouvrir des portes, qu’ils soient intelligents, sportifs, qu’ils parlent plusieurs langues, qu’ils réussissent. On compare nos enfants aux autres et on se met à avoir des complexes ! », dit-elle.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

La psychoéducatrice Stéphanie Deslauriers

« Même pendant nos vacances, on se sent coupable de se reposer et de ne rien faire ! On essaie de les optimiser, on veut tout voir, tout visiter, et on revient plus fatigué qu’au départ ! » — Stéphanie Deslauriers, psychoéducatrice

Odile Archambault a l’impression que, dans notre société de performance, les enfants doivent profiter de leur été pour se perfectionner ou développer de nouveaux talents. « On entend des choses comme “on ne va pas gaspiller notre été à s’ennuyer” ! Est-ce la société qui nous pousse, ou alors, est-ce nous-mêmes ? On veut le meilleur pour nos enfants, mais peut-on s’attendre à un niveau d’excellence en tout temps, même l’été ? », s’interroge-t-elle. La mère de famille observe aussi un autre phénomène : la volonté des parents de vouloir faire vivre des expériences à leur enfant qu’ils n’ont pas eu la chance de faire eux-mêmes.

Elle confie avoir choisi des camps de jour en fonction des intérêts de ses enfants, mais aussi situés près de la maison. « Est-ce que je vais courir à l’autre bout de la ville dans le trafic entre deux camps spécialisés pour mes deux enfants ou choisir un camp près de la maison et, de cette façon, vivre moins de stress ? », demande Odile Archambault.

Plaisir et repos

Nos expertes interrogées rappellent qu’il y a deux éléments qui sont essentiels pendant les vacances : le plaisir et le repos. « Le système nerveux a besoin de se reposer, d’être apaisé, de ne pas être stimulé. C’est très rare de nos jours malheureusement, car c’est presque devenu un luxe de prendre le temps de ne rien faire », analyse pour sa part la Dre Johanne Lévesque, neuropsychologue. Pourquoi ? Elle souligne que nous sommes toujours connectés et constamment stimulés à travers nos cellulaires et tablettes.

« Ce n’est pas facile de se reposer et de décrocher ! » — La Dre Johanne Lévesque, neuropsychologue

Et pourtant, c’est nécessaire, car un enfant reposé va commencer son année scolaire avec plus de confiance, de force et de calme. « C’est bien de mettre son cerveau à “off” et de décompresser. Dans les choix de camps de jour, il faut aussi regarder le programme, est-il très rigide ou plus souple ? », pense-t-elle. La neuropsychologue rappelle que les plus beaux apprentissages de la vie se font au quotidien dans ce qu’on appelle en psychoéducation « le vécu éducatif partagé ». « Ce sont les petits moments anodins du quotidien qui sont dans les interactions, les conflits qu’on a évités, les peurs qu’on surmonte, on apprend beaucoup dans ces moments », rappelle l’auteure du livre Le bonheur d’être un parent imparfait.

La Dre Johanne Lévesque est bien consciente que les parents travaillent, mais un camp de jour pendant tout l’été n’est pas conseillé. « Quand on a un horaire strict et imposé pendant tout l’été, les enfants ne décrochent pas et ça les empêche de développer leur débrouillardise et de prendre des initiatives. Il faut avoir le loisir de ne rien faire à 10 h du matin et de s’ennuyer. On ne le dit pas assez, mais c’est primordial. »