Dans Pieds nus dans la gravelle, premier roman de Maude Michaud, la fondatrice du blogue La parfaite maman cinglante évoque un sujet délicat : le deuil périnatal. Entrevue sur la mort, les défis de la vie de famille et la charge mentale.

Avec un sujet comme le deuil périnatal, avez-vous voulu montrer à quel point la souffrance peut être extrême ?

La perte d’un enfant et de son conjoint, en même temps, ce sont les deux thèmes du livre. C’est un sujet qui touche beaucoup de gens, même si on ne l’a pas vécu.

Je tenais à montrer que, oui, on pleure dans son salon longtemps, c’est dramatique, mais la vie continue aussi, en bien, en mal, mais elle continue. J’ai voulu montrer le deuil au quotidien, comment on l’affronte, comment on vit avec son chagrin, dans la vie de tous les jours. Il y a de belles journées, où la vie redevient presque normale, où on sort, ça fait du bien, puis on retourne chez soi et on est confronté de nouveau à la douleur extrême. Je tenais à ce que l’on comprenne mieux cette réalité.

Souvent, on ne veut pas trop s’approcher des personnes qui vivent un deuil. On en a presque peur.

Oui, on ne sait pas comment agir avec les gens qui vivent un deuil. Ce n’est pas quelque chose que j’ai vécu, le deuil périnatal, je ne pouvais pas l’imaginer, moi, comme maman, ce que pouvait être la perte d’un enfant. C’est un roman d’émotions, alors j’ai décidé de parler à des mères qui ont perdu leur bébé pour bien les comprendre et savoir comment les choses se passent. Je pense qu’on banalise cette douleur, car perdre un bébé à 15, 20 ou 30 semaines de grossesse, aux yeux de beaucoup de gens, ce n’est pas quelque chose de réel, car le bébé n’a jamais existé, ce n’est pas comme s’il avait vécu, alors on a tendance à penser que c’est moins grave. Mais ce n’est pas la réalité du tout. C’est extrêmement douloureux. En lisant mon livre, peut-être que les gens pourront apporter un soutien différent, et comprendre l’ampleur de la peine que les personnes vivent.

Dans votre roman, on voit que la vie peut basculer d’un seul coup…

Oui. C’est l’horreur, la vie peut basculer d’une seconde à l’autre. J’ai vu ma cousine vivre cela : son conjoint est mort subitement dans la nuit, à 30 ans. La capacité à s’adapter à la perte, à la suite des choses, au changement, à penser peut-être un jour à refaire sa vie. Il y a un très long cheminement.

IMAGE FOURNIE PAR LES ÉDITIONS LIBRE EXPRESSION

Pieds nus dans la gravelle, de Maude Michaud

Vous êtes la fondatrice du blogue La parfaite maman cinglante, dans lequel vous posez un regard très réaliste sur la vie de famille. Est-ce que c’est aussi un thème de votre roman ?

C’est tellement difficile de trouver un équilibre entre la famille et le travail. Les mamans se sentent surchargées, elles ont l’impression qu’elles n’ont jamais de temps pour elles, ça va loin, le poids qu’on se met sur les épaules avec la conciliation travail-famille. Les femmes sont plus que jamais présentes sur le marché du travail, ce qui est très bien, mais la réalité des mères est plus compliquée et difficile qu’on ne le pense.

Les mères se sentent coupables !

Il y a un grand sentiment de culpabilité des mamans qui est bien ancré. La situation s’améliore, mais on est encore dans le sentiment de devoir être la mère parfaite. Mais la pression sociale, disons-le franchement, elle vient aussi de nous. Oui, on voit de belles photos de familles parfaites sur les réseaux sociaux, mais je pense que les mères veulent avoir du plaisir dans tout, être bonnes dans tout, et c’est difficile d’accepter qu’on n’y arrive pas en tant qu’individu. On a un grand travail à faire, chacun sur soi, et je pense que tout repose là-dessus.

La situation va-t-elle s’améliorer ?

Je ne suis pas certaine qu’on aille dans la bonne direction avec la charge mentale. La femme pense à tout, elle doit déléguer [des tâches] à son conjoint, mais c’est quand même elle qui pense à tout. Quelle est la solution ? L’égalité ? L’homme doit deviner les tâches à faire ? J’ai beaucoup de difficulté avec ce concept, car les hommes et les femmes n’ont pas les mêmes priorités, alors, forcément, si papa ne voit pas que le panier à linge sale est plein, il ne fera pas le lavage, il le fera quand il n’aura plus rien à se mettre, et maman trouvera que ce sera trop tard, et ce sera encore dans sa charge mentale ! Il faut vraiment déléguer de manière permanente, quitte à ne plus rien avoir à se mettre !

Pieds nus dans la gravelle. Maude Michaud. Éditions Libre Expression. 240 pages. En librairie.

Consultez le blogue de La parfaite maman cinglante : https://parfaitemamancinglante.com/