La mort d'un enfant est un électrochoc pour un couple, comme le rappelle la pièce Le terrier, qui raconte l'histoire d'un couple qui tente de surmonter le deuil de son garçon de 4 ans, reprise ces jours-ci chez Duceppe. Mais même au bout de ce tunnel, il y a de la lumière.

Vivre la mort de son enfant est sans doute la pire épreuve qu'un parent puisse traverser. C'est un espoir et un avenir qui s'effondrent. «C'est un deuil très difficile et long, dit Marie De Serres, cofondatrice de Solidarité - Deuil d'enfant, organisme qui vient en aide aux parents endeuillés. C'est une question d'années. Parfois de beaucoup d'années.»

«C'est vraiment insupportable les premiers temps. Vraiment insupportable, insiste Pascal Brullemans. C'est difficile à décrire.» Près de 20 ans après avoir perdu son deuxième enfant, une fille, deux semaines après sa naissance, il est encore à court de mots pour raconter cette tragédie.

Sa compagne et lui ont longtemps bercé leur petite à l'hôpital. Puis, il leur a fallu rentrer à la maison. Sans elle. 

«C'est le néant. Tu ne peux pas allumer la télé, tu ne peux pas manger, tu ne peux téléphoner à personne. Il n'existe rien.» 

«Ce néant-là, il n'y a pas de mots pour le décrire», se rappelle-t-il.

Le deuil d'un enfant est complexe, dit la psychologue Josée Jacques. À l'immense peine s'ajoutent la colère, l'incompréhension... et la culpabilité. «Les parents ont l'impression d'avoir fait quelque chose de pas correct, expose-t-elle. Le devoir d'un parent est de protéger son enfant. Alors, ils se sentent facilement coupables ou responsables.»

Trouver du soutien

Le soutien de l'entourage dure un temps. Puis, les jours reprennent leur cours. «Il est normal que la vie continue», dit Pascal Brullemans. Mais le vide demeure. Quelques mois après la perte de sa fille, le couple s'est joint à un groupe de parents endeuillés. «C'est ma blonde qui m'a traîné là, précise-t-il. Toutes les fois, c'était super, mais toutes les fois, je voulais mourir en y allant...»

Des parents accablés, Marie De Serres en a vu des centaines depuis qu'elle a cofondé Solidarité - Deuil d'enfant, il y a plus de 30 ans, après avoir elle-même perdu des jumelles de 2 mois. «Souvent, ils ont l'impression que les autres ne les comprennent pas», explique-t-elle. Le malaise et même le silence de l'entourage au sujet de l'enfant disparu sont souvent ressentis comme une blessure par ses parents.

«Il y en a qui ont peur d'oublier, explique Josée Jacques, mais on n'oublie jamais un enfant. Ça réconforte les parents de l'entendre.» Se donner la permission de vivre et de parler de sa peine est essentiel au deuil, rappelle la psychologue. Pascal Brullemans, qui est auteur, et sa compagne Nini Bélanger, qui est metteure en scène, l'ont fait à leur manière: en 2011, 10 ans après leur épreuve, ils l'ont transposée dans une pièce.

«Sur le coup, j'avais peur de faire de la thérapie sur scène», dit pourtant Pascal Brullemans, au sujet de Beauté, chaleur et mort, spectacle dépouillé et bouleversant qu'il a d'ailleurs interprété avec sa compagne. Avec le recul, il le voit bien: raconter cette histoire sur scène l'a aidé.

Assister à une pièce qui raconte un drame qu'on a vécu peut aussi s'avérer positif, selon Josée Jacques. «Il peut effectivement être aidant pour les parents de constater que leur expérience de deuil est similaire à celle des personnages. Cela vient en quelque sorte normaliser leurs réactions, dit-elle. La pièce peut éveiller certaines émotions... Or, elle vient les légitimer puisque les personnages sont aussi pris avec certains tumultes émotifs.»

Le couple mis à l'épreuve

«Ce qui est particulier avec le deuil d'un enfant, c'est que le couple tombe en dépression en même temps. Si tu perds ton frère, ton conjoint ou ta conjointe peut t'aider. Là, il n'y a pas de support : on est deux affalés dans le divan», raconte encore Pascal Brullemans. La plupart des couples qu'il a rencontrés n'ont pas survécu à cette épreuve.

«Les parents sont limités dans l'aide qu'ils peuvent s'apporter. C'est un peu comme un aveugle qui guide un autre aveugle», illustre Marie De Serres.

Chacun vit son deuil à sa façon, à son rythme, comme le montre la pièce Le terrier, aussi adaptée au cinéma sous son titre original, Rabbit Hole.

PHOTO CAROLINE LABERGE, FOURNIE PAR DUCEPPE

Sandrine Bisson et Frédéric Blanchette dans Le terrier

Marie De Serres précise que son expérience à Solidarité - Deuil d'enfant ne lui permet toutefois pas de dire que la majorité des couples endeuillés se séparent. En creusant la question, Josée Jacques s'est aperçue que rien ne confirmait ce préjugé. «Comme thérapeute, on est content de pouvoir défaire ce mythe, avoue la psychologue. Parce que lorsqu'on perd un enfant et qu'en plus, on te dit que ça va être difficile pour ton couple d'y survivre, ça met un poids supplémentaire.»

Avoir déjà un autre enfant constitue en général un facteur aidant. «Je me souviens très bien de pleurer dans la chambre avec Nini et, ensuite, de traverser le corridor pour aller jouer aux Lego [avec mon fils]. Et de me dire : une chance qu'il est là, sinon on serait complètement dans le trou, témoigne Pascal Brullemans. L'enfant te ramène à la vie, en fait.»

La pièce Le terrier, de David Lindsay-Abaire, traduite par Yves Morin et mise en scène par Jean-Simon Traversy, est présentée jusqu'au 23 mars.

Ressources

> Consultez le site du Phare - Enfants et Famille: http://www.phare-lighthouse.com/fr

> Consultez le site des Amis de Simon, groupe de soutien pour parents en deuil d'un enfant: http://www.lesamisdesimon.com/index.html

> Consultez le site de Solidarité - Deuil d'enfant: http://www.sdequebec.ca/organisme/organisme-et-mission/

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Pascal Brullemans a perdu un enfant il y a près de 20 ans.