Un bébé, ça peut produire énormément de déchets : les couches, mais aussi les produits et emballages de toutes sortes. Pendant un mois, La Presse a maintenu (le plus possible) un mode de vie sans déchets pour les soins d’un bébé de 11 mois. Notre expérience, en cinq défis.

Les couches

Soulignons-le d’emblée : en matière de couches, on ne part pas de zéro. Fillette utilise depuis sa naissance des couches lavables… sauf la nuit. Et c’est là notre plus grande crainte : la couche lavable va-t-elle déborder la nuit ? Bref, bébé va-t-il recommencer à se réveiller ?

Nous en parlons à deux mamans zéro déchet. Leur réponse : ça dépend des bébés.

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Les couches lavables sont une solution des plus écologiques.

« Avec ma fille, aucun problème avec les couches lavables, de jour comme de nuit, raconte Cindy Trottier, fondatrice du Circuit zéro déchet, qui aide les gens à trouver des produits sans emballage dans leur région. Mais avec mon gars, je n’ai jamais réussi à trouver une couche lavable qui faisait la job la nuit. Je me levais trois, quatre fois par nuit pour changer les couches… J’ai dû lâcher prise. »

De toute façon, souligne Laure Caillot, consultante zéro déchet et auteure du blogue Lauraki, le but n’est pas d’être zéro déchet (personne ne l’est entièrement !), mais de tendre vers le zéro déchet. « Si, pour nous, la meilleure solution, c’est la couche jetable de nuit, c’est correct ! On fait ce qui a du sens dans notre routine et pour notre enfant. »

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La boutique Câlins et popotin, dans Rosemont, offre des couches lavables et une section de produits pour bébé en vrac.

Nous nous rendons à la boutique Câlins et popotin, dans Rosemont, où l’on trouve notamment des couches lavables et une section de produits pour bébé en vrac. Pour la nuit, la gérante Emmanuelle Robidou nous conseille de mettre un modèle de couche très absorbant. On en achète une… et on croise les doigts.

À notre grande surprise, bébé ne se réveille pas plus que d’habitude avec sa couche de nuit, ni même avec ses couches lavables habituelles, qui ont cependant tendance à fuir la nuit.

Considérant qu’il reste environ 550 nuits à bébé avant sa propreté, devrions-nous acheter quatre autres couches de nuit ou lui mettre 550 couches jetables ?

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D’un point de vue environnemental, le poids des couches lavables est surtout attribuable au lavage.

« D’un point de vue environnemental, le problème des couches lavables, c’est le lavage. Or, vous n’allez pas faire plus de brassées si vous avez quatre couches de plus », fait remarquer Jean-François Ménard, analyste au Centre international de référence sur le cycle de vie des produits. L’option des quatre nouvelles couches lavables est sûrement la meilleure sur le plan environnemental, dit-il.

Une tonne : jusqu’à la propreté, un bébé qui porte des couches jetables produit une tonne de déchets en couches. Source : Ville de Montréal

Lingettes

L’autre deuil que nous avons à faire, c’est celui des lingettes humides jetables, ô combien polluantes, mais ô combien pratiques.

Pour le changement de couche, nous avons déjà plusieurs débarbouillettes lavables, mais les lingettes humides sont bien tentantes quand nous n’avons pas envie de faire un détour par la salle de bains pour mouiller la débarbouillette.

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Pour le changement de couche, des débarbouillettes lavables sont tout indiquées.

Il y a plusieurs options pour remédier à cela, souligne Emmanuelle Robidou, de Câlins et popotin. On peut garder à proximité de la table à langer une bouteille d’eau ou encore une bouteille de liniment – un produit qui lave et protège les fesses de bébé. On peut aussi installer un chauffe-lingettes et y mettre quelques débarbouillettes mouillées chaque matin (attention de les changer chaque jour pour éviter la prolifération bactérienne).

Finalement, on décide simplement de se discipliner et de prendre ces quelques secondes de plus pour passer au robinet. En sortie, on met quelques débarbouillettes mouillées dans un sac de plastique. Et on les lave ensuite avec les couches.

Les lingettes ne nous ont pas (trop) manqué.

Les produits d’usage quotidien

L’idée derrière le zéro déchet, c’est de réduire à la source, note Laure Caillot. « Chez moi, le recyclage n’a pas augmenté quand je me suis mise à réduire la taille de la poubelle, souligne-t-elle. Le recyclage a aussi progressivement diminué. » Bref, il faudrait bien limiter la quantité d’emballages qu’on balance au recyclage.

Les soins

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Un gel douche et une pommade pour les fesses ont été achetés en vrac.

Armés de pots Mason bien propres, nous achetons, en vrac, un gel douche et une pommade pour les fesses. On achète aussi un shampoing sec, dont on aime le résultat sur les cheveux des trois enfants, mais moins sur ceux des adultes. Pour ce qui est de la crème solaire, on opte pour le format de 1 litre. Le plus grand format demeure celui qui génère le moins de déchets d’emballage, à condition de ne pas en gaspiller.

Les dents

En vrac, il existe du dentifrice sans fluor, mais il est désormais recommandé d’utiliser du dentifrice fluoré dès l’éruption de la première dent et d’en mettre la quantité d’un grain de riz. On opte donc pour un tube de dentifrice ordinaire. Quelques jours plus tard, sans trop y réfléchir, on achète une brosse à dents en plastique. La brosse en bambou, dont le manche est compostable, est-elle aussi efficace ? Il n’existe aucune étude à ce sujet, note Caroline Quach, dentiste spécialiste pour les enfants. « Les poils sont souvent plus rigides que ceux des brosses à dents conventionnelles et la sensation du bambou en bouche semble être un désavantage », note-t-elle. On se promet quand même de l’essayer la prochaine fois.

Les médicaments

Autre dilemme : l’acétaminophène en sirop. Encore là, le choix le plus écologique serait de prendre le plus gros format, mais fillette a une préférence notable pour une marque qui n’est offerte qu’en format de 15 ml – qu’on décide d’acheter. « Perso, côté médicaments, je ne fais pas de compromis, dit Cindy Trottier. Si bébé préfère une sorte en particulier, j’opte pour cette sorte pour éviter le gaspillage. »

Les vêtements

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Des vêtements usagés pour bébé se trouvent facilement sur la plateforme Marketplace de Facebook.

Quant aux vêtements d’été pour bébé, on achète des morceaux usagés, qu’on trouve aisément sur la plateforme Marketplace de Facebook. « Les choses pour les bébés durent peu de temps ; on se retrouve donc avec un marché de l’occasion vraiment de qualité », constate Laure Caillot.

Alimentation

Encore là, nous partons avec une longueur d’avance : bébé est allaité (ce qui évite les emballages de lait maternisé), n’a jamais mangé de purée commerciale, nous avons l’habitude de composter et nous achetons peu de plats préparés. Mais en matière d’emballage, on peut faire mieux.

Nous visitons donc l’épicerie zéro déchet de notre quartier. Nous qui avons l’habitude d’acheter nos produits en gros, les prix, bien que raisonnables pour un commerce local, nous semblent élevés : le couscous est 34 % plus cher que celui que nous achetons en gros, la farine, 62 % plus chère, le sucre, 43 %, les pois chiches, 29 %, le riz arborio, 40 %…

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Notre journaliste a cessé de mettre les fruits et légumes achetés dans des sacs de plastique transparents.

Cindy Trottier nous rassure : l’achat de produits de base en gros format (farine, légumineuses, pâtes…) génère des quantités de déchets similaires à l’achat en vrac. « Et quand on est une famille, c’est avantageux», souligne-t-elle. À condition, bien sûr, d’éviter le gaspillage.

On conserve donc nos habitudes d’achat en gros, mais on cesse de mettre nos fruits et légumes dans des sacs de plastique transparents. Notre boucher refuse malheureusement de nous servir dans nos contenants, arguant une question de salubrité. Enfin, on se procure également des pellicules alimentaires en cire d’abeille – compostable – pour remplacer la pellicule plastique.

L’anniversaire

À la fin du mois se présente notre dernier défi : l’anniversaire de fillette. Les bébés n’ont pas d’énormes besoins en matière de jouets, rappelle Cindy Trottier. « Un enfant va avoir bien plus de fun avec le ressort derrière la porte qu’avec n’importe quelle bébelle colorée au monde », résume-t-elle.

On avise d’abord les grands-parents, qui acceptent de se prêter au jeu. Ils apportent même leur propre assiette chez le pâtissier pour y déposer le gâteau…

Parce que fillette ne manque de rien, elle reçoit simplement quatre nouveaux livres, deux livres d’occasion, et d’anciens jouets de son frère et de sa sœur qui étaient entreposés au sous-sol. Les deux aînés lui offrent avec enthousiasme un de leurs (trop nombreux) toutous.

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Les bébés n’ont pas d’énormes besoins en matière de jouets. D’anciens jouets du frère ou de la sœur qui étaient entreposés au sous-sol font l’affaire.

On se permet une folie : les grands-parents lui achètent une nouvelle petite piscine en plastique rigide (plus durable), parce qu’on ne trouvait rien d’intéressant sur le marché de l’usagé.

Pour la décoration, on installe au salon une guirlande de lumières qu’on avait déjà, et on demande aux deux aînés de décorer la pièce avec leurs (trop nombreux) toutous.

En plus de permettre aux grands de s’impliquer, cette fête ne nous a coûté presque rien… et bébé n’y a vu que du feu.

Bilan

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Les déchets générés par les soins exclusifs de bébé pendant un mois

Pendant ce mois, les soins exclusifs de bébé ont généré peu de déchets : deux couches jetables, utilisées pour dépanner, un ruban de plastique entourant le gâteau de fête, un cordon et deux étiquettes autocollantes. Dans le recyclage, une étiquette et une boîte cartonnées, et du papier d’emballage déchiré.

Ce premier mois sans déchets s’est fait facilement. Il a fallu un peu plus d’organisation (penser à apporter ses sacs à fruits à l’épicerie et ses débarbouillettes humides en sortie, préparer des collations sans déchets…), mais tout cela prend moins de temps et d’argent que nous ne l’avions appréhendé.

Nous conserverons nos nouvelles habitudes… sauf peut-être pour les lingettes humides.

Consultez le blogue Lauraki de la consultante zéro déchet Laure Caillot

Consultez le blogue de Cindy Trottier Consultez le site web Circuit Zéro Déchet