Ancienne Musica.ly, l’application TikTok n’est pas nouvelle. Pourtant, elle n’a jamais fait autant parler d’elle. Nous avons plongé dans l’univers de TikTok pour comprendre ce qui fait tant courir ses centaines de millions de (jeunes) utilisateurs.

«Ça faisait un bout de temps qu’un nouveau réseau social était devenu assez gros, assez vite, pour faire sentir à ceux qui n’y sont pas qu’ils manquent quelque chose», a récemment écrit le New York Times à propos de TikTok.

TikTok (connue sous le nom de Douyin en Chine) a été lancée en 2016 par la chinoise ByteDance, qui a racheté sa concurrente Musica.ly en 2017. En août dernier, les deux plateformes ont été fusionnées sous le nom de TikTok. L’esprit est resté sensiblement le même. On y partage de courtes vidéos (lipsync, danse ou humour) agrémentées d’une trame sonore trouvée sur la plateforme ou ailleurs ou de petits effets spéciaux comme des filtres à la Snapchat.

Mais sur TikTok, comme dans la vie, tous les talents ne sont pas égaux. Si certaines vidéos sont divertissantes et d’assez bonne qualité, d’autres laissent une sensation de malaise tellement elles sont embarrassantes, ce que les anglophones appellent cringe (chanter avec du papier de toilette autour du cou, vraiment?). Ces vidéos malaisantes font d’ailleurs l’objet de compilations sur YouTube.

Avec un milliard de téléchargements et 500 millions d’utilisateurs dans le monde, on ne peut pas espérer que de la qualité. Cinq cents millions? Vous y retrouverez bien quelques amis ou contacts Facebook, non? Vous êtes bien naïfs. Au mieux, vous y croiserez quelques petits cousins qui s’y sont inscrits en donnant la date de naissance de leurs parents. Ou un ou deux collègues qui sont sous l’emprise de cette peur de rater quelque chose.

Si l’on retrouve quelques adultes sur la plateforme, ce sont surtout des jeunes, voire très jeunes, qui l’utilisent, et ce, même si l’âge requis pour y ouvrir un compte est officiellement de 13 ans. 

«TikTok est un cas particulier, parce que c’est un des premiers réseaux sociaux à attirer de si jeunes enfants. On parle d’enfants de 7, 8 ou 9 ans. Même Snapchat ne rejoint pas d’aussi jeunes enfants», précise Catalina Briceño, professeure invitée à l’École des médias de l’UQAM et coautrice du livre Parents dans un monde d’écrans.

Pour Nina Duque, chargée de cours au département de communication sociale et publique de l’UQAM et candidate au doctorat, il n’est pas étonnant que TikTok attire autant les jeunes. Quel ado n’a jamais fait de lipsync dans son salon? «Ça répond tellement à leurs besoins, remarque celle qui s’intéresse aux pratiques des adolescents sur les réseaux sociaux. Ça cadre dans leur façon de penser. C’est court. Court, ça veut dire que c’est faisable. Pas besoin de passer par des cours de montage. Il y a une certaine intelligence derrière ça.»

«Un monde créatif»

«Il y a plein de choses que tu peux faire avec les vidéos. C’est un monde créatif», note sa fille Elsie Duque-Hills, 11 ans, qui est sur TikTok depuis quelques mois. Comme c’est le cas chez plusieurs jeunes de son âge, le compte d’Elsie est accessible à tous. «Si je le mets privé, c’est juste moi et mes amis qui peuvent le voir. Il y a une chance que je devienne une grande star, alors je me dis : oui, je vais la prendre!», dit-elle en riant.

TikTok est un monde en soi. Les «vedettes» y sont différentes de celles du monde réel et même d’autres réseaux sociaux comme Instagram ou YouTube. Les influenceurs n’y ont pas encore débarqué. L’application travaille à créer et à promouvoir ses propres stars. N’y cherchez pas les Kardashian. Les vedettes de TikTok s’appellent entre autres Lisa et Lena (32,7 millions d’abonnés), Baby Ariel (29,3 millions d’abonnés) ou Jacob Startorius (20,1 millions d’abonnés).

On y retrouve également un nombre surprenant de jeunes, du Québec et d’ailleurs, qui comptent des dizaines, voire des centaines, de milliers d’abonnés. C’est le cas de Daïna Lachance, une adolescente de 13 ans des Laurentides, qui en rejoint 165 000. Sur Musica.ly depuis 2016, maintenant sur TikTok et sur une autre application du genre appelée Like, Daïna, qui souhaite devenir comédienne, s’est surtout fait connaître pour ses vidéos humoristiques, dont certaines où on la voit aux côtés de sa mère, laquelle gère d’ailleurs le compte de sa fille.

Dans la rue ou au centre commercial, il n’est pas rare que Daïna se fasse reconnaître pour ses vidéos sur Like et TikTok. «Après un certain moment, on s’est dit: on va commencer à faire des vidéos de qualité, on va faire les challenges [défis entre utilisateurs], dit sa mère, Nathalie Lachance. Ils nous ont mis à l’affiche.» Elles sont toutefois moins actives sur TikTok depuis que, selon Mme Lachance, «ByteDance a mis l’accent sur les plus vieux» en matière de promotion du contenu à l’accueil.

Le revers de la médaille

PHOTO FOURNIE PAR JULIA MAROIS

Catalina Briceño, professeure invitée à l’École des médias de l’UQAM et coautrice du livre Parents dans un monde d’écrans.

TikTok a été beaucoup critiquée parce qu’elle compte de nombreux enfants parmi ses utilisateurs. Plusieurs ont dénoncé la collecte de données sur eux, l’hypersexualisation des jeunes filles qui cherchent à imiter les plus vieilles et la présence de pédophiles et d’exhibitionnistes sur l’application.

«C’est sûr qu’en tant que maman, on est inquiète. C’est la raison pour laquelle je me suis impliquée. J’ai rarement vu des vidéos inappropriées, mais c’est arrivé. C’est assez facile de les dénoncer. On est plusieurs parents sur l’application à le faire», explique Nathalie Lachance, mère de Daïna, qui compte 165 000 abonnés sur TikTok.

Quant à la cyberprédation, bien qu’elle comprenne les inquiétudes des parents, Catalina Briceño apporte quelques nuances. «Les recherches démontrent clairement que la cyberprédation, surtout la cyberprédation sexuelle, est un phénomène relativement marginal dans les médias sociaux.»

TikTok, qui tire la majorité de ses revenus de partenariats avec des marques et de jetons que les utilisateurs peuvent acheter pour les distribuer à d’autres, est-elle là pour durer? «Ce sont souvent des applications qui sont créées de façon explosive, mais pas nécessairement avec une vision à long terme, observe Nina Duque. Je me demande à quel point il va y avoir une pénétration ici. On n’est pas dans une adoption massive, comme YouTube. YouTube a encore beaucoup plus la cote en termes de longévité et de stabilité d’usage.»

«Il y en a qui aiment beaucoup TikTok, d’autres qui détestent et d’autres qui ne savent pas c’est quoi. Alors que YouTube… le monde est sur YouTube!», conclut Elsie.

D’autres Québécois sur TikTok

@takecareofmeofficial

https://playtik.com/takecareofmeofficial-6549459526272160783

(29 000 abonnés)

Un «vieux» qui connaît du succès sur TikTok, ça se peut! Cet entrepreneur de Québec produit des vidéos humoristiques, dont certaines très drôles à partir d’extraits de Passe-Partout.

@feministabulous

(5000 abonnés)

Journaliste et féministe, Montréalaise d’origine, New-Yorkaise d’adoption, Elizabeth Plank produit de sympathiques vidéos humoristiques, de lipsync et de danse.

@theoreocat

https://www.tiktok.com/share/user/78708550151122944

(1,7 million d’abonnés)

Ce chat «influenceur» est sur tous les réseaux sociaux et il est québécois!

500 millions

Nombre d’utilisateurs de TikTok dans le monde