Une question morale titille votre conscience? Chaque semaine, La Presse répond à vos questions. Cette semaine: l'alcool et les adolescents.

La question

Votre enfant de 15 ans va à une fête. Il vous demande de lui fournir un peu d'alcool, pour lui et quelques copains. Certes, c'est illégal, mais vous aussi, vous buviez au même âge. Que faire, et surtout, comment?

La réponse

Avant de répondre, encore faut-il comprendre l'enjeu, suggère Julien Bureau, professeur adjoint à la faculté des sciences de l'éducation et membre de l'Institut d'éthique appliquée, à l'Université Laval.

Permettez d'entrée de jeu une petite parenthèse. Tous les parents d'ados le savent: à l'adolescence, on perd tranquillement le contrôle des activités de nos enfants. On sait de moins en moins ce qu'ils font, où et avec qui. On sait ce qu'ils veulent bien nous révéler, en fait.

D'où la question: qu'est-ce qui fait que certains ados racontent tout, d'autres moins, voire rien? Au-delà des questions de personnalité, «quels sont les éléments qui favorisent ce lien-là?», s'interroge le professeur.

«D'après mes recherches, les adolescents vont se confier lorsqu'on les considère comme des personnes à part entière.»

Et comment exprime-t-on cette considération? En leur expliquant la raison derrière certaines règles, en reconnaissant leurs besoins et en leur donnant des choix.

Tout cela pour dire qu'ici, dans le cas qui nous intéresse, «ce qu'on veut, c'est maintenir une bonne relation, garder le lien, pour être sûr que ce qui se passe à cette fête, notre enfant ait envie de nous en parler», résume Julien Bureau.

Cet habile détour théorique permet au chercheur de poser la question autrement: «Est-ce qu'on peut ne pas lui en donner [de l'alcool] tout en maintenant ce lien-là?»

En effet, poursuit-il, on pourrait croire que le fait de ne pas répondre à sa demande briserait le lien. Mais notre expert croit que non. «Oui, c'est possible [de maintenir ce lien]», tranche-t-il. Comment? «En reconnaissant son besoin», tout simplement.

Gare aux sermons

Comment? Trouvez les mots pour expliquer que de donner de l'alcool à un mineur, c'est illégal, tout en entendant sa demande. «On reconnaît son besoin et son désir de faire la fête, on respecte son envie, on faisait la même chose [au même âge], et on reste disponible s'il veut parler de consommation d'alcool.» Toutefois, enchaîne-t-on: «Je ne peux pas, et voici pourquoi.» Ici, «c'est au parent de démontrer que c'est une raison valable», souligne le professeur.

Même si on se doute que notre enfant va trouver d'autres moyens d'arriver à ses fins? Oui. «Il est important de se rappeler que le lien n'est pas là pour que le jeune fasse ce qu'on dit, mais pour qu'il nous dise ce qu'il fait», nuance le professeur.

À noter: s'il y a d'autres motifs derrière votre refus (le manque d'argent, par exemple), vous devez être honnête et les lui exprimer. Pourquoi? «Parce que si on ne veut pas qu'il nous mente, on ne ment pas non plus.» Attention, surtout, de ne pas avoir l'air de faire un discours ou un sermon.

«On accepte que l'enfant aille à la fête et on respecte son autonomie.»

Si, comme parent, vous prenez au contraire la décision de répondre à la demande de l'enfant et de lui acheter une bouteille, encore faut-il ici vous questionner. «Pourquoi je le fais? Si c'est pour avoir un contrôle sur sa consommation, il faut reconnaître que c'est une illusion.»

Impossible, en effet, de savoir s'il va se limiter. Et s'il y a d'autres motifs, à vous de juger, en votre âme et conscience, s'ils sont valables ou non. Notre expert préfère, pour des raisons évidentes, ne pas se prononcer. «Moi, je ne me prononce pas, parce que c'est illégal, conclut Julien Bureau. Mon expertise à moi, c'est la relation parent-enfant.»