Victor Bal étudie en techniques de génie mécanique au cégep de Saint-Laurent. Il ne passe pas inaperçu dans ses cours. D'abord, il est toujours accompagné de Kwanza, sa chienne MIRA. Ensuite, quand Victor en ressent le besoin, il se lève pour aller flatter Kwanza et lui parler doucement.

«Dans certains cours où l'on fait des travaux, je m'assois à terre avec mon chien, je mets mon cahier sur mon chien et je travaille, explique Victor, que nous avons rencontré à l'heure du midi au cégep de Saint-Laurent. Le prof me regarde, trouve ça drôle, mais il comprend.»

Le professeur comprend que, pour Victor, la présence de Kwanza n'est pas un caprice; c'est un besoin. À l'âge de 10 ans, au terme de cinq années de suivi en pédopsychiatrie, Victor a reçu le diagnostic d'autiste de haut niveau. L'année suivante, l'organisme MIRA lui a fourni Kwanza, une chienne labernois spécifiquement formée pour répondre à ses besoins: l'anxiété et la modulation des émotions.

Victor est ainsi devenu le premier garçon autiste au Québec à aller à l'école primaire avec un chien MIRA. Il a aussi été le pionnier à l'école secondaire, puis au cégep, où il vient d'entreprendre des études.

Sans Kwanza, estime Victor, il n'aurait jamais réussi à terminer sa sixième année du primaire, tant il était stressé sur les bancs d'école. «Kwanza, c'est elle qui m'a sauvé», résume-t-il. 

«Je n'aurais probablement jamais atteint 18 ans sans elle. C'est elle qui m'empêche de me suicider.»

À ses côtés, sa mère, Stéphanie Larose, essuie ses larmes en l'écoutant parler des immenses défis qu'il a dû surmonter. «Kwanza, va voir maman», dit Victor. La chienne s'exécute et se colle contre Stéphanie. (C'est d'ailleurs sa spécialité: réconforter Victor - ou un autre membre de la famille - lorsqu'on le lui demande ou lorsqu'elle sent elle-même l'anxiété monter chez lui.) Victor se joint à eux et enlace sa mère. «Je suis affectueux et je n'aime pas ça quand ma maman pleure», dit-il en souriant.

Des dragons dans la tête

Victor avait 5 ans lorsque ses comportements ont soulevé l'inquiétude de ses parents. Sa mère s'est présentée aux urgences après avoir constaté chez lui ce qui semblait être des tentatives de suicide. Le psychiatre lui a confirmé que son petit garçon avait bel et bien tenté de se suicider.

«J'étais quasiment bipolaire, raconte Victor à propos de son enfance. Je pouvais partir de l'hilarité à en perdre le souffle à une dépression profonde juste avec une seule variable qui change. Je pouvais passer de "J'adore quelqu'un" à "Je vais le tuer"», dit-il. «Il y a un truc qui pète quelque part», résume-t-il.

Victor faisait plusieurs crises par semaine. Il disait qu'il avait des dragons dans la tête. Il ne voyait plus clair, ne comprenait plus où il était, n'était plus capable de parler. Ses parents ne voyaient pas toujours l'élément déclencheur. «Je le serrais fort fort dans mes bras et on restait là, se souvient Stéphanie, émue. Ça ne me donnait rien de vouloir lui parler, le raisonner.»

«À l'époque, on était capables de le contenir physiquement. Là, on n'est plus capables de le contenir physiquement. S'il venait à se désorganiser, c'est 9-1-1. Je ne peux rien faire, je vais me faire mal.»

Depuis qu'il a Kwanza, Victor ne se désorganise plus et ne fait plus de crises. L'effet a été «quasiment automatique». «Les chiens, autant ils vont intervenir quand ils vont voir que ça dégénère, autant leur simple présence fait baisser le stress, explique Victor. Mon stress, mais également celui de tout l'environnement. En examen, le chien ne m'aide pas juste moi; elle va aider toute la classe.»

Stéphanie s'estime chanceuse d'avoir croisé des directrices d'école ouvertes à la présence de Kwanza en classe, ce qui n'est pas le cas de tous les bénéficiaires de MIRA, se désole-t-elle. Victor doit parfois faire valoir ses droits lorsqu'on lui signifie que sa chienne n'est pas la bienvenue dans un endroit public, comme le métro, par exemple.

Kwanza a maintenant 9 ans. Bien qu'il trouve cela difficile à envisager, Victor est conscient qu'un chien MIRA plus jeune prendra un jour le relais de Kwanza dans ses activités quotidiennes. MIRA a toutefois confirmé que Kwanza pourra toujours rester au sein de la famille, même après sa retraite.

Une chose semble certaine, aux yeux de Victor: il sera toujours accompagné d'un chien. D'ailleurs, avec Kwanza, il travaille depuis deux étés à Polytechnique Montréal, qui sait mettre à profit ses grandes forces en matière de modélisation, de gestion de systèmes électroniques et de programmation.

Victor a bon espoir que les entreprises et les agences sauront s'adapter pour permettre la présence de chiens MIRA sur les lieux de travail. «Je suis quelqu'un de plutôt brillant, dit-il. Si une entreprise me refuse parce que j'ai un chien, c'est elle qui aura perdu le plus, selon moi.»

Photo François Roy, La Presse

Kwenza est arrivée dans la vie de Victor lorsqu'il avait 11 ans pour l'aider à diminuer son anxiété et à moduler ses émotions.

MIRA au service des enfants autistes

Mille enfants

Depuis l'implantation du programme Schola MIRA, en 2010, plus de 1000 enfants autistes ont bénéficié de la présence d'un chien MIRA. La Fondation reçoit près de 200 demandes par an. «La demande est tellement forte», souligne Noël Champagne, psychologique et directeur de la recherche et du développement à la Fondation MIRA. Les délais atteignent plus de 30 mois.

Bienfaits

Avant de lancer le programme, l'équipe de M. Champagne a réalisé des recherches pour comprendre l'impact du chien MIRA chez l'autiste. On recense des bienfaits à plusieurs égards, indique Noël Champagne: anxiété de l'enfant et de la mère, sommeil, climat familial, crises, relations sociales, déplacements... Les enfants qui présentent un autisme «moyen» sont ceux qui en retireraient le plus de bienfaits.

Un bon coup de main

«La présence de l'animal vient régulariser toutes les émotions de l'enfant, explique Noël Champagne. On vient niveler un ensemble de problèmes. Quand c'est bien fait, quand les diagnostics sont bien établis et qu'on a mesuré l'attirance de l'enfant et des parents à l'égard du chien, on vient de donner un bon coup de main à un enfant et aussi à toute sa famille.»

Photo François Roy, La Presse