Première nuit, premier repas, premiers mots. La vie de bébé est jalonnée de ces «premières fois» qui soulèvent bien des questionnements et des inquiétudes pour ses parents. La Presse rencontre parents et experts autour de ces mémorables moments.

Lorsque Victor a fait ses premiers pas, on aurait dit qu'il s'entraînait depuis des semaines en cachette. Par un vendredi soir tranquille à la maison, le tout-petit a lâché la chaise sur laquelle il prenait appui pour marcher huit pas en direction de sa maman.

Avant ce jour, le poupon de 13 mois avait fait quelques tours de rez-de-chaussée de sa maison carrée en poussant son trotteur, mais jamais il ne s'était hasardé à marcher seul. «Il était dans la salle à manger et j'étais au salon lorsqu'il s'est mis à se déplacer les bras tendus vers moi, s'émerveille encore Sophie Spencer, enseignante d'anglais de 31 ans. Il n'était pas très stable, mais il riait abondamment. Au bout de sa traversée, il m'a sauté dans les bras.»

Son papa a filmé la dernière séquence. «C'était impressionnant de voir la vitesse à laquelle il s'est décidé, raconte Jean-Simon Langlois, webmestre de 34 ans. À l'intérieur d'une fin de semaine, il avait appris à marcher à quatre pattes et voilà qu'en une fin de semaine, il s'est mis à marcher!»

On tombe et on recommence!

Depuis ce jour, Victor livre un combat contre la gravité pour améliorer son équilibre. «Il marche comme un robot et tombe souvent sur les fesses !, observe sa maman originaire d'Angleterre, qui réside à Matane depuis 2008. On dirait qu'au bout d'un moment, il se tanne ou ses jambes se fatiguent. La marche à quatre pattes demeure cependant sa méthode de choix lorsqu'il veut aller vite!»

Laisser Victor explorer librement afin qu'il apprenne par lui-même sans le surprotéger, c'est la philosophie qui guide les deux parents.

«Au lieu d'intervenir, on préfère l'accompagner afin qu'il découvre ses limites. Je me suis fait tellement de bleus quand j'étais petit! Ça fait partie de l'apprentissage», pense Jean-Simon Langlois.

Un pas de plus vers l'autonomie

Petit à petit, Victor gagne de plus en plus en confiance et apprend même à plier les genoux, s'amusent ses parents. Dernièrement, le couple a regardé des photos récentes de lui. «On a constaté qu'on ne le percevait plus comme un bébé, mais comme un petit garçon, souligne la maman. La marche est un pas de géant vers l'autonomie. C'est d'autant plus réjouissant que je suis enceinte d'un deuxième enfant. C'est comme si Victor se préparait aussi à devenir un grand frère.»

«Marcher est une nouvelle aventure pour lui, ajoute le papa. Son énergie est différente. Il prend de plus en plus d'indépendance pour jouer par lui-même. Il a sa petite vie à lui, et c'est vraiment beau à voir.»

Conseils de l'ergothérapeute

Moment magique, les premiers pas constituent le plus grand défi du petit humain. Si cette phase survient habituellement entre 10 et 18 mois, elle est le résultat d'un long processus constitué d'une série d'étapes. «Les parents ont parfois tendance à s'inquiéter de savoir quand leur enfant marchera alors qu'ils pourraient s'attarder davantage à l'acquisition des bases motrices qui lui permettront de marcher, comme bouger la tête et le cou, les bras, le tronc, se déplacer à quatre pattes, se lever et se tenir debout», énonce Judith Beaulieu, ergothérapeute à la clinique L'ergothérapie de la maison à l'école.

Bébé prolonge la marche à quatre pattes? «Tant mieux!, rétorque l'ergothérapeute. Il y a beaucoup de développement musculaire et de connexions nerveuses qui se font à cette étape! Avant 18 mois, il n'y a vraiment pas lieu de s'inquiéter.»

Qu'est-ce qui décide un tout-petit à soudainement faire quelques pas hésitants? «Sa curiosité, son désir d'explorer plus loin, d'aller voir un objet hors de portée, suggère Judith Beaulieu. Cette curiosité va d'ailleurs le guider tout au long de son développement.»

D'abord avec les pieds à plat au sol, les jambes écartées et les bras surélevés, le petit bout de chou apprendra peu à peu à rapprocher ses jambes et à dérouler son pied du talon aux orteils pour gagner en vitesse, apprendre à freiner, à reculer et à tourner. «À 2 ans, l'enfant aura normalement acquis une belle marche mature», précise l'ergothérapeute.

Afin de favoriser les étapes du développement moteur de l'enfant, le parent doit déposer bébé aussi souvent que possible au sol, idéalement en position couchée, recommande Judith Beaulieu. «Cela lui permet de changer de position et de pratiquer les transitions [couché, assis, à quatre pattes, etc.]. Les sièges vibrants, les coquilles et autres exerciseurs sont à éviter le plus souvent possible.» En revanche, les jouets à tirer ou à pousser font fureur chez les apprentis marcheurs et ne nuisent pas à leur apprentissage, ajoute-t-elle.

Lorsque l'enfant est fin prêt à mettre un pied devant l'autre, le parent peut l'accompagner en se penchant et en tendant les mains à sa hauteur, à une distance raisonnable.

«Certains enfants seront ultra prudents, d'autres plus téméraires, signale la professionnelle. Avec l'enfant plus craintif, on peut tenir avec lui un objet [un doudou, un bâton] d'abord tout près, puis de plus en plus loin, afin qu'il gagne confiance en ses capacités.»

«Pendant l'apprentissage, l'enfant doit être nu-pieds aussi souvent que possible, insiste-telle. Cela favorise l'équilibre et lui permet d'ajuster sa motricité en fonction des informations reçues par les terminaisons nerveuses sous son pied. Autrement, on privilégie les pantoufles antidérapantes ou les souliers à semelles molles.»

Concernant les inévitables chutes, l'ergothérapeute conseille d'éviter d'y accorder trop d'importance en criant «attention!» ou «tu vas tomber!» «Lorsqu'on sent que bébé se met en danger, on reste proche afin de le laisser explorer sans peur, explique-t-elle. Et s'il tombe, on dédramatise.»

La période est toutefois propice à resserrer la sécurité de l'environnement de l'enfant en limitant l'accès aux escaliers, fils électriques, plantes ou autres objets dangereux.

Pour en savoir plus

Le développement de l'enfant au quotidien de 0 à 6 ans Deuxième édition, de Francine Ferland, Éd. CHU Sainte-Justine, 2014, 260 pages.

L'apprentissage de la marche chez l'enfant - Naître et grandir