Non, franchement, il n'y a pas de quoi fêter. Le retour des poux n'est jamais une bonne nouvelle. Pourtant, ici et là, partout au Canada, des familles se prennent en main. Et au lieu de se cacher, honteuses et déprimées, épouillent en gang: leurs enfants, leurs amis, leurs voisins, dans la bonne humeur, et pourquoi pas, autour d'un verre de vin.

Mieux: ce ne sont pas ici les parents qui se chargent de la lourde, longue et peu ragoutante tâche d'épouiller les troupes. Ce sont plutôt des professionnels qui, en prime, offrent une formation aux parents, pour mieux les armer pour le suivi (parce que suivi il y aura, fatalement), l'inspection, la prévention, en cas, malheureusement, de nouvelle éclosion.

Quoi? Trop beau pour être vrai, vous dites? Pourtant, des entreprises ont en effet vu le jour ici et là depuis quelques années, notamment aux États-Unis et en Ontario, se spécialisant dans ce méticuleux métier: l'épouillage. Dawn Mucci, mère ontarienne de trois enfants, détient l'original titre d'experte en poux. Aujourd'hui à la tête d'un mini-empire de guerrières (sa boîte s'appelle très justement Lice Squad, ou brigade antipoux), elle a lancé, en plus de services d'épouillage en clinique, dans les écoles et dans les services de garde, des «partys de poux».

«L'idée est de réunir un groupe d'amis. Au lieu de montrer du doigt les gens, on travaille ensemble tout en s'amusant. Souvent, autour d'un vins et fromages, dit-elle. L'idée est de faire ça dans la bonne humeur. Avec les poux, soit on pleure, soit on en rit. Nous, notre mission, c'est d'en finir avec la stigmatisation. Après tout, c'est toujours bien juste des poux!»

Lina De Ciantis travaille pour la «brigade» de Toronto. C'est elle qui, à la demande d'une cliente, a organisé le tout premier «party de poux», il y a de cela trois ans. Depuis, la demande augmente sans cesse. Si elle voulait, elle pourrait en faire tous les jours. «Je ne m'attendais vraiment pas à ce que la demande soit aussi explosive, dit-elle. L'objectif, c'est de rassurer les parents. Calmer les esprits. Ils me voient épouiller, et tout se fait dans la bonne humeur. Ce qu'on veut, c'est vraiment dédramatiser.»

Les partys réunissent généralement une dizaine d'enfants. Les familles se partagent les frais, qui tournent autour de 75$ l'heure. La durée? De deux à cinq heures, selon le nombre et la sévérité des cas.

Pour en finir avec la stigmatisation

«J'ai eu souvent des poux, enfant. Et je me suis sentie ostracisée. Mes parents étaient toujours malheureux, parce qu'ils devaient prendre congé, et moi, je devais rater l'école, raconte au bout du fil Dawn Mucci, directrice générale de Lice Squad. Quand, une fois devenue parent, mon enfant a eu des poux à son tour, toutes les émotions négatives entourant les poux de mon enfance me sont revenues.»

Après moult recherches, elle a mis au point sa propre technique d'épouillage. Elle a déniché le peigne parfait, créé un traitement «naturel» et est finalement venue à bout des poux de son enfant. Sa technique s'est raffinée et, rapidement, elle est devenue la référence du quartier. «Au bout d'un moment, je recevais trop d'appels!», se souvient-elle en riant. D'où l'idée, devant ce marché évident, de se lancer en entreprise. «Bien des gens se demandent comment je fais. Vous savez, il y a des infirmières qui sont capables de changer les couches de leurs patients. Moi, je suis bonne avec les poux, c'est tout!»

Sa boîte compte aujourd'hui 18 franchises, essentiellement dans les grandes villes du pays: à Toronto, Ottawa et Vancouver. Non, le Québec ne fait pas encore partie de son territoire. «Mais nous cherchons des partenaires», glisse-t-elle.

Des bémols

À vue de nez, l'idée de faire des partys de poux n'est pas mauvaise, car elle offre, dans la bonne humeur, un dépistage systématique, réagit Diane Lamarre, porte-parole de l'Ordre des pharmaciens du Québec. «Cela étant dit, nuance-t-elle, la technique pour épouiller, c'est quelque chose que les gens peuvent apprendre à faire. Il n'est pas nécessaire de dépenser autant de sous pour cela!»

Il ne faut pas non plus oublier que ces entreprises ont aussi, économie oblige, des produits à vendre, lesquels ne sont pas nécessairement approuvés par la santé publique, ajoute Julio Sotto, médecin à la Direction de la santé publique du Québec, et l'un des auteurs du guide d'intervention québécois de la pédiculose du cuir chevelu. Même s'il comprend «l'émoi social» entourant la découverte des poux («ces insectes ne sont pas les plus sympathiques que vous pouvez trouver...»), il lance quelques mises en garde aux parents qui pourraient être tentés d'avoir recours à ce genre de services: oui, les «experts en poux», à force d'épouiller, ont certainement acquis une véritable expertise. «Mais avec la mode du bio et du naturel aujourd'hui, on trouve aussi, sous cette étiquette, des produits parfois bien pires que ceux que nous utilisons.» Solution? Toujours se méfier des recettes miracles, dit-il.

«Les poux sont avec nous depuis 22,5 milliards d'années. On ne peut pas s'en débarrasser. Ils sont beaucoup plus forts que nous. Il faut accepter de vivre avec, et les combattre avec des moyens rationnels.» Lesquels? Pas de miracle ici: un bon peigne et un traitement reconnu. «On veut un produit efficace, dont l'efficacité a été prouvée par une étude impartiale.»

Le peigne idéal, c'est :

> 2 mm d'écart maximum entre chaque dent

> Des dents fortes et flexibles, mais pas trop,toutes parallèles entre elles et plus longues, pour peigner les longues chevelures.

> D'une couleur plutôt claire, pour contraster avec la couleur foncée des poux.

> Idéalement en métal, notamment pour peigner la tête des filles.

> Parfois cher, mais mieux vaut y mettre le prix (plus de 20$).

Mal informés, vous dites?

Malgré toutes les campagnes de sensibilisation, les lettres envoyées presque mensuellement aux parents, seuls 7% des gens infestés peuvent répondre correctement à 10 questions simples de type «vrai» ou «faux» sur les poux, révèle une étude australienne. 

Pas moins de 53% des parents ne se préoccupent même pas des poux. 

Si vous attendez que vos enfants se grattent la tête pour les inspecter, il est peut-être beaucoup trop tard. En fait, d'après une étude française, seuls 14% des écoliers infestés signalent une démangeaison.

Vous pensez bien faire en inspectant la tête de vos enfants en cas d'alerte aux poux à l'école? C'est bien insuffisant. En fait, la santé publique recommande d'inspecter la tête des enfants chaque semaine, tout particulièrement à la rentrée scolaire et après les Fêtes en janvier. Et en cas de poux dans la famille, une inspection quotidienne est recommandée. 

Source : Ligne directrice pour le contrôle de la pédiculose du cuir chevelu dans les écoles et les services de garde éducatifs à l'enfance

Photo fournie par Lice Squad