À trois ans et demi, Édouard Boivin pouvait identifier faucons pèlerins, cardinaux et nombre d’oiseaux. Il savait dévaler une montagne à vélo et décocher un sourire même aux plus aigris.

« Il réussissait tout ce qu’il entreprenait, se souvient Laurence Gauvin Couture. Puis, il a commencé à avoir des problèmes de langage et des troubles moteurs. Les deuils se sont accumulés, accumulés et accumulés… Mon petit garçon n’a jamais pu apprendre à lire, à cause de sa maladie. »

Laurence était enceinte de son troisième enfant quand elle a su que son fils aîné souffrait d’épilepsie. Du même coup, elle a appris que les traitements fonctionnent chez environ 70 % des patients.

Pour Claude-André Boivin, le père d’Édouard, « c’était réglé ». Tout irait bien. Laurence, elle, avait un sombre pressentiment.

En deux mois, Édouard est passé d’une crise occasionnelle à plusieurs par jour. Rapidement, c’est devenu clair : son épilepsie était pharmacorésistante. Il faisait partie de ceux pour qui la science n’a pas encore de réponse.

PHOTO FOURNIE PAR LA FAMILLE

Édouard Boivin

Or, jamais la famille ni l’équipe soignante n’ont baissé les bras. Édouard a subi trois opérations au cerveau et connu une kyrielle de traitements. À ce rythme, la mort n’était pas une conclusion probable pour Laurence Gauvin Couture.

« J’avais beaucoup plus peur pour l’avenir d’Édouard que du fait qu’il pouvait potentiellement mourir. Je voulais qu’il soit autonome et lui offrir une vie normale ! Quand il est décédé, je me suis dit qu’il y a bien des soirs où j’aurais dû couper les leçons et aller jouer dans le bois avec lui… »

Mais tu sais, comme parent, tu as la responsabilité de ne pas abandonner et de donner tous les outils du monde à ton enfant.

Laurence Gauvin Couture

Édouard a été hospitalisé au CHU Sainte-Justine le 5 août 2021. Même si l’heure était visiblement grave, ses parents croyaient en ses chances de survie. « Édouard se relevait toujours », me répète quelques fois sa mère.

Claude-André Boivin y va d’une preuve : il y a quelques années, la famille a participé à une course pour amasser des fonds pour le CHU Sainte-Justine. Édouard avait fait une crise d’épilepsie dans la voiture, en s’y rendant, mais il tenait tout de même à être de l’évènement. Il avait attendu le départ sous la pluie, grelottant, puis s’était élancé sur la piste comme jamais auparavant.

« J’ai un puits infini d’admiration pour cet enfant-là », glisse son père.

Édouard est mort le 23 août, à l’âge de 9 ans. Et en ce jour tragique où il n’a pu se relever, ses parents ont décidé de le faire pour lui.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Laurence Gauvin Couture et Claude-André Boivin

Deux semaines plus tard, ils imaginaient déjà le Fonds Édouard Boivin de la Fondation CHU Sainte-Justine.

Que des parents endeuillés soient si proactifs me renverse.

Claude-André Boivin me répond que pour lui, c’était une façon de dire : « Regarde, Édouard, ça n’a pas marché pour toi, mais on continue, OK ? » Puis, il laisse aller un sanglot sans s’en excuser. Il assume les larmes qui coulent et je m’incline devant ses émotions libérées.

Tu sais, le fonds, c’est notre choix. On s’est tellement fait imposer de choses… Le fonds, c’est notre décision.

Claude-André Boivin

Laurence et Claude-André ont foi en la recherche. Ils évoluent tous deux dans le milieu de la santé et sont infiniment impressionnés par l’équipe du CHU Sainte-Justine. Ils veulent lui donner plus de moyens pour qu’elle arrive à percer les mystères de l’épilepsie pharmacorésistante. Et ils sont convaincus que le jour où tous auront droit au bon traitement viendra.

« Le centre de recherche, on y croit, résume le père de famille. On les a vus en immunologie, en génétique, en neurochirurgie, en neurologie, en pharmacologie ! On sait de quoi ils sont capables. »

Il ajoute qu’Édouard était bien, à l’hôpital. Jamais il n’y est entré de reculons ou en pleurant. Non seulement il avait droit à une véritable expertise, mais il avait aussi droit à un environnement aimant.

L’objectif du couple est maintenant d’amasser 1 million de dollars pour l’institut. Il en est à 700 000 $. Laurence Gauvin Couture m’explique que l’argent ira dans un fonds capitalisé, ce qui veut dire qu’une fois le million atteint, c’est le rendement de ce capital qui sera distribué annuellement aux équipes de recherche.

J’aime penser que quand tu as des enfants, tu les amènes à la maturité. Ils font leurs études et se trouvent un emploi, puis ils contribuent à la société à leur façon. Édouard, lui, va aider les générations futures. Des fois, j’ai peur qu’on ne parle plus de lui. Je sais que ça n’arrivera pas, mais… Là, il va être là pour toujours.

Laurence Gauvin Couture

Et son legs sera multiple.

Le couple tiendra le 17 juin la deuxième édition du Défi Roule à fond. Quelque 300 cyclistes parcourront le mont Loup-Garou, à Sainte-Adèle, pour remplir les coffres de la fondation. Un circuit d’un kilomètre sera réservé aux enfants. Laurence et Claude-André y voient une manière d’initier la jeunesse à la philanthropie, de rappeler à tous de chérir leur santé, de sensibiliser la population à l’épilepsie – qui touche 300 000 personnes au pays, dont 50 % pour qui on ignore la cause de la maladie – et de montrer aux familles qui composent avec celle-ci qu’elles ne sont pas seules.

« C’est difficile à expliquer, mais il y a tellement de vie dans ce projet-là… Et il y a Édouard, à la base de tout ça. C’est une façon d’être avec lui sans que ça fasse nécessairement mal. Tu sais, le deuil, on le vit encore. Il ne finira jamais et il ne faut pas qu’il finisse. Autrement, ça voudrait dire qu’on aurait épuisé tout l’amour qu’on porte à notre enfant. »

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