« Ma grand-mère disait : ‟Quand on chante, on ne peut pas être triste.” »

C’est la première fois que Brigitte participe à Chœur d’un soir. Contrairement à moi, elle ne semble pas nerveuse. Même qu’elle a hâte : « Chanter en groupe, c’est thérapeutique ! »

Je ne sais pas. Si j’adore m’égosiller en voiture ou sous la douche, je doute qu’on puisse trouver mes fausses notes thérapeutiques. Je me trouve malgré tout dans la salle de spectacle La Casona, par un dimanche après-midi pluvieux, prête à me lancer…

Une centaine de personnes ont également répondu à l’appel. Dans les deux prochaines heures, on chantera en harmonie Mes blues passent pu dans’porte d’Offenbach et Modern Love de David Bowie. Pas besoin de savoir lire la musique ou d’être sur la note. Tout le monde est bienvenu.

C’est la 14édition de l’évènement quasi mensuel organisé par Chœur de loups, la chorale fondée par Marie-Josée Forest et Jean-François Fortier.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Marie-Josée Forest, cofondatrice de la chorale Chœur de loups

Marie-Josée était graphiste depuis 25 ans et souhaitait se réinventer. Quand son acupuncteur lui a conseillé de chanter pour favoriser la santé de ses poumons, elle s’est jointe à une chorale. Elle a rapidement compris que ce qu’elle voulait faire, au fond, c’était en diriger une…

« Je me demandais en quoi ma chorale pourrait être différente des autres, m’explique Marie-Josée, tandis que Jean-François accorde sa guitare. Comme mon grand plaisir est de chanter en harmonie, on a invité des amis à le faire avec des chansons des années 1980. D’où le nom Chœur de loups. »

En deux heures, Marie-Josée Forest a su enseigner à ses convives comment chanter deux titres et ce, en utilisant de simples gestes de la main. Fière de cette réussite, en septembre 2018, elle commençait à diriger sa propre chorale.

Depuis, une centaine de personnes de 20 à 70 ans se retrouvent chaque semaine sans auditions, partitions ou spectacle de fin de session.

Je suis qui, moi, pour te dire si tu chantes bien ou non ? Tout le monde a le droit de chanter et de voir ce que ça fait !

Marie-Josée Forest, cofondatrice de la chorale Chœur de loups

Justement, qu’est-ce que ça fait ? Ça oblige au moment présent, selon elle. Lorsqu’on se concentre pour apprendre une harmonie, on n’a pas le temps de penser à autre chose. Puis, une fois les notions intégrées, on se détend.

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Des participants à l’évènement Chœur d’un soir

Pour que tous puissent connaître cette sensation, le duo a lancé les évènements Chœur d’un soir, ouverts au grand public : « On n’est pas dans la perfection, mais ça donne de très beaux résultats », précise Marie-Josée.

Je suis celle qui viendra tout anéantir. Jean-François Fortier nous rejoint juste à temps pour me rassurer : « C’est quoi, chanter mal ? On est souvent sévère envers soi-même. »

J’insiste : je fausse.

« Peut-être que tu fais une harmonie et que tu ne le sais pas ! », tente Marie-Josée avec beaucoup de générosité.

Je les laisse filer avant de paraître trop pitoyable et j’en profite pour sonder les participants attroupés autour du bar. (Ici, on chante avec un verre à la main, si on le souhaite.)

Je découvre que la chorale a engendré plusieurs amitiés. Marie-Christine Létourneau, une habituée, me fait cadeau du titre de cette chronique : « Ce qui est beau, au-delà de la musique, c’est le côté humain. C’est plus qu’une chorale. »

Une dénommée Annie Quintin m’offre pour sa part du réconfort : « Quand on chante avec d’autres gens, on dirait qu’on chante mieux. Tu remarqueras qu’il manque d’hommes, par exemple. Surtout de célibataires. Avec une barbe. »

Tandis que je tente d’évaluer le ratio hommes-femmes parmi les participants, j’aperçois un bédéiste. Michel Rabagliati a 19 ans d’expérience en chant choral et il admire la technique employée par Marie-Josée Forest : « C’est facile de la suivre et on voit le gâteau monter de minute en minute… C’est écœurant ! »

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La chorale a engendré plusieurs amitiés.

Selon lui, Chœur d’un soir est le genre d’évènement qui peut nous réconcilier avec la musique.

Il y a tellement de gens qui se sont fait exclure de la chorale, à l’école, et qui ne veulent plus chanter ! C’est terrible, faire ça à un enfant. La voix, c’est personnel. Ça sort du cœur. Tu peux venir chercher la guérison ici…

Michel Rabagliati, bédéiste

Marie-Josée et Jean-François nous invitent maintenant à nous approcher de la scène. Annie Quintin me repère tandis que je me cache derrière la foule. Si je veux rapporter l’expérience avec rigueur, je dois me poster au centre du groupe, franchement ! Au même moment, un homme devinant ma gêne me lance : « Si tu es ici, il faut que tu chantes. Tu ne murmures pas, TU CHANTES ! »

Je m’avance en me promettant de ne pas me défiler.

Après quelques exercices de respiration, on entonne instinctivement Mes blues passent pu dans’porte. Marie-Josée invite les gens à l’aise avec la mélodie à rester devant elle. Ils seront les altos. Elle nous offre ensuite une première harmonie. Si on préfère chanter comme ça, on peut aller à sa gauche et faire partie des basses. Puis, elle nous en fait découvrir une seconde et somme les chanteurs qui le souhaitent de bouger à sa droite pour être des sopranos.

Je choisis les basses.

Couplet par couplet, Marie-Josée nous indique comment livrer la mélodie et les différentes harmonies. Lorsqu’on chante en chœur, elle utilise ses mains pour guider chaque clan.

Je remarque que je murmure, par peur de ruiner le travail du groupe. Je pense aussitôt à l’homme rencontré plus tôt et JE CHANTE.

Quand j’arrête de m’écouter pour plonger dans les sons émis en chœur, je suis soufflée par la beauté de ce que j’entends. On s’appuie les uns sur les autres, on met la pudeur de côté pour faire aller notre voix. Quelle qu’elle soit.

Je ne suis pas en auto ni sous la douche, mais je souris en m’époumonant. Une liberté à laquelle je vous souhaite de goûter.

Consultez le site de Chœur de loups