Les refuges pour animaux voient transiter des centaines de cas à longueur d’année, et certains de ces hôtes les ont marqués de leur patte. Nous vous présentons quelques histoires touchantes racontées par le personnel de ces institutions.

Quand on songe aux refuges pour animaux, un diaporama de chiens et chats vient généralement à l’esprit. Pourtant, sous le toit de la SPCA de Montréal, il n’y a pas que du poil au programme. S’y niche une foule de bêtes qui sautent du coq à l’âne : du lapin au faucon, du gecko au hamster, de l’écureuil au cochon…

Ainsi, à l’automne, le refuge a accueilli un invité aussi spécial que mal en point, répondant au nom d’Anthar, une jeune chèvre même pas âgée de 1 an. « On a tendance à l’appeler la chèvre, mais c’est un bouc ! », corrige d’emblée Marianne Bond, médecin vétérinaire de l’établissement, qui a pris en charge l’animal. Outre ses pupilles rectangulaires et son affectuosité contagieuse, il a surtout marqué les esprits du personnel par son tourment, une vilaine blessure à une patte arrière.

« On ne sait pas trop ce qu’il s’est passé, sa patte arrière gauche était très enflée et présentait une plaie très rouge avec une infection chronique, qui datait de plusieurs semaines. Il y a sûrement eu un trauma qui n’a pas été traité. Le propriétaire n’ayant pas les moyens de subvenir aux soins, il l’a confié à la SPCA », explique Mme Bond, précisant qu’il ne s’agit pas d’un animal d’élevage, le bouc ayant plutôt grandi auprès de la famille d’un particulier.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

La Dre Marianne Bond en voit passer de toutes les couleurs, appelée à soigner des rongeurs, des reptiles et toutes sortes d’animaux, petits et grands, recueillis par l’établissement.

La lésion provoquant une courbure de sa patte, le pauvre Anthar ne pouvait plus marcher sur son sabot, prenant appui sur une partie fragile du membre, provoquant une autre infection. Malgré un premier traitement par antibiotiques et antidouleurs, le couperet est vite tombé : l’amputation était inévitable. La médecin vétérinaire, qui traitait pour la première fois un bovidé dans le cadre de ses fonctions, a aussitôt sollicité un coup de pouce extra-muros.

« Nous avons contacté un chirurgien de la faculté de médecine vétérinaire à Saint-Hyacinthe, spécialisé dans les animaux de ferme, pour nous aider à gérer son cas et faire l’intervention », indique Mme Bond.

Le bouc a donc bouclé ses valises pour un petit séjour au bloc opératoire de Saint-Hyacinthe, avant de retourner à la SPCA pour sa convalescence, qui s’est parfaitement déroulée.

« Sa patte est guérie. L’amputation a été effectuée assez bas pour pouvoir lui installer une prothèse et lui permettre de se déplacer plus aisément. Elle a été moulée et, en attendant de la recevoir, il arrive quand même à se déplacer relativement bien », remarque la vétérinaire. À la mi-décembre, Anthar a finalement reçu sa patte artificielle et a appris à se déplacer avec le nouvel appareillage. Le coût de sa prise en charge s’est élevé à 1500 $, excluant les frais de la prothèse.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE PENNY LANE FARM SANCTUARY

Anthar, renommé Mac, a reçu sa prothèse à la mi-décembre et a commencé à apprendre à déambuler autrement.

Ne pas amputer le bonheur

Recevoir des animaux aussi divers, de la chauve-souris à la moufette blessée, requiert une grande capacité d’adaptation pour le personnel du refuge. « Comme la SPCA accepte tous types d’animaux, cela nous demande des ajustements. C’est tout un défi pour assurer un environnement et une alimentation adéquats, combler les besoins spécifiques à chaque espèce », rapporte la Dre Marianne Bond, qui confie avoir traité une tarentule peu auparavant – en ces lieux, l’Halloween s’invite à tout temps de l’année ! Dans le cas d’Anthar, des enclos accueillant habituellement des chiens ont été agrémentés de paille et agrandis, afin d’être adaptés à sa taille et d’assurer son confort.

Le petit bouc définitivement remis sur ses quatre pattes, qu’adviendra-t-il de lui ? L’idée de le replacer dans une ferme a été envisagée, une vétérinaire étant prête à l’intégrer dans sa tribu en région. Mais le risque d’en faire un bouc émissaire était réel. « Les autres chèvres auraient pu le rejeter en raison de son infirmité, alors on a trouvé un plan B », indique Mme Bond. Un plan B comme bouc, mais aussi comme Beatles : fin octobre, le bouc a finalement pris la direction du sanctuaire pour animaux de ferme Penny Lane, situé en Ontario, où son intégration a été couronnée de succès. Rebaptisé Mac, il y écoulera ses jours futurs. « C’est un refuge qui accueille les animaux comme lui, qui ont trois pattes ou sont mal en point, pour leur offrir le confort dont ils ont besoin », explique la vétérinaire. Et devinez où on l’on pourra désormais cueillir régulièrement quelques nouvelles de l’animal, rebaptisé Mac ? Sur la page « Face-Bouc » du sanctuaire, bien entendu !