À l’Hôpital vétérinaire de l’Est, à Anjou, on en rit encore. Ou plutôt devrait-on dire : on en « riz » encore. La scène s’est déroulée en début d’année passée, alors qu’une dame avait confié son labernois Jabba à sa fille, le temps d’un séjour dans le Sud.
Dès le premier jour, laissé seul dans son logis provisoire un bref instant, l’animal a semblé vouloir s’offrir, lui aussi, un petit buffet exotique pour célébrer le début de ses vacances. Pendant que personne ne regardait, la chienne a ouvert d’un coup de patte la porte du garde-manger et a jeté son dévolu sur ce délicieux paquet de riz cru. Que voulez-vous, à l’âge de 2 ans, tout paraît appétissant…

PHOTO FOURNIE PAR LA VÉTÉRINAIRE
Jabba, très beau labernois de 2 ans, qui n’est pas très regardante sur la cuisson de ses collations
Quand sa gardienne provisoire a regagné ses pénates, elle n’a pu que constater les dégâts : le sac de riz éventré au sol, vidé, et la chienne repue, l’air satisfait. Quelle quantité avait-elle dévorée ? La fille de la propriétaire n’en avait aucune idée et a préféré l’amener en clinique, même si Jabba ne semblait pas particulièrement souffrante.
« Et elle a bien fait ! », se souvient la vétérinaire Florence Deschênes, qui s’est occupée du cas, a senti l’estomac bien rempli à la palpation et a demandé une radiographie. « Comme le corps du chien est chaud, cela a fait gonfler le riz comme dans une cocotte, explique-t-elle. Elle en avait vraiment mangé beaucoup, je n’avais jamais vu d’estomac aussi gros. »
Les tentatives pour faire vomir la chienne ayant échoué, direction la table d’opération, qui aurait pu être rebaptisée pour l’occasion « comptoir du chef » : en incisant l’abdomen de Jabba, la vétérinaire a eu la surprise de constater que le riz avait complètement cuit, devenant un gros sushi ! « On n’avait pas vraiment d’instrument chirurgical pour ce genre de situation, alors on a dû emprunter la cuillère à soupe d’un collègue pour son lunch, après l’avoir stérilisée », raconte la vétérinaire.
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RADIOGRAPHIE FOURNIE PAR LA VÉTÉRINAIRE
Sur les images radiographiques, on voit l’estomac de la chienne Jabba complètement gonflé.
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PHOTO FOURNIE PAR LA VÉTÉRINAIRE
Rasé en vue de l’opération, l’abdomen de Jabba paraissait plein à craquer.
Imaginez la scène : près d’une heure durant, il a fallu vider la cocotte cuillerée après cuillerée, ce qui a permis de récolter plus de 3 kilos de riz bien chaud. Et si une opération chirurgicale n’est pas vraiment ce qu’il y a de plus appétissant, celle-ci dérogeait à la règle. « L’odeur de riz cuit s’est répandue dans toute la salle d’opération, c’était fascinant, parce que ça sentait vraiment bon ! », dit en rigolant la Dre Deschênes.
Une fois la gloutonne recousue, le suivi postopératoire s’est déroulé sans souci, et la chienne se porte aujourd’hui à merveille. Cerise sur le gâteau (de riz) : pour atténuer les diarrhées consécutives à l’intervention, Jabba a vu atterrir durant quelques semaines dans sa gamelle… quelques poignées de riz ! Déjà cuit, il va sans dire.
L’avis de la vet
On le sait tous : les toutous gobent tout, tout, tout. Les vétérinaires trouvent régulièrement des surprises au fond de ces estomacs très sollicités : jouets, morceaux de tissu, couvre-visages, roches… et même des sous-vêtements. La Dre Lucie Hénault, dont nous racontions l’histoire la semaine dernière, a déjà récupéré une petite culotte de style string avalée par un pitou coquin. Le propriétaire du chien avait d’ailleurs formellement interdit à la vétérinaire de faire part de la trouvaille à sa femme !
> (Re)lisez le texte « Molly, la chatte qui rajeunit »
« Les chiens mangent vraiment n’importe quoi. Ils ne font pas toujours la différence entre ce qui est comestible ou non », indique Florence Deschênes. Dès lors, peut-on prévenir ces fâcheuses absorptions inopinées ? Comme pour les enfants, il faut s’assurer que les aliments et les produits de pharmacie et ménagers soient entreposés dans des endroits bien fermés, rappelle-t-elle. Attention également aux routines brisées. « Quand l’animal vit un changement, comme dans le cas de Jabba, dont la propriétaire était partie, il peut avoir un changement de comportement. Si son gardien s’absente, on pourrait peut-être le mettre en cage ou dans une pièce plus sécuritaire », conseille la vétérinaire.