Asthmatiques, accidentés, cardiaques ou souffrant d’une pathologie chronique : au sein des refuges, chiens et chats malades ou âgés, entraînant parfois des frais médicaux importants, se trouvent souvent écartés par de potentiels adoptants. Heureusement, des humains qui ont le cœur sur la patte sont prêts à recueillir ces animaux réprouvés et éclopés.

Il fallait tout sauf un cœur de pierre pour prendre sous son aile Granit, un berger australien de six ans, abandonné l’automne dernier dans une fourrière pratiquant l’euthanasie. Son bilan de santé s’annonçait grave : il urinait du sang et présentait de sévères problèmes de peau – une biopsie a révélé un pemphigus foliacé, maladie auto-immune requérant un traitement à vie. Granit est passé à un poil de la peine capitale, sauvé in extremis par l’organisme Les Aristopattes, qui vient en aide exclusivement aux animaux mal en point en les plaçant chez des hôtes temporaires, dans l’attente d’une adoption providentielle.

C’est ainsi que le canidé a trouvé asile chez Daphné Divry-Blainey qui, après quelques mois comme famille d’accueil, vient de décider de le garder définitivement, en dépit des contraintes imposées par son état : traitements coûteux, médicaments à administrer, bains réguliers, surveillance serrée de sa pancréatite (sous cortisone les premières semaines, il était sujet à vomissements et diarrhées, et devait uriner toutes les deux ou trois heures). Il risque aussi de contracter plus facilement d’autres maladies, ce qui le prive de parc à chiens.

Daphné, qui a déjà travaillé comme réceptionniste dans des cliniques vétérinaires, savait pertinemment dans quoi sa famille s’engageait. Après avoir fait le tour des refuges « classiques », cette mère de deux jeunes enfants n’avait pas trouvé le pitou idéal. « J’avais fait ma réflexion, parce que je sais que Granit est un chien particulier. Mais pour moi, un animal, ce n’est pas du matériel. Il fait partie de la famille », lance-t-elle. Actuellement, les soins pour Granit lui reviennent à 500 $ par mois environ ; des frais qui diminueront à mesure que son état de santé se stabilisera.

C’est comme avec des enfants : quand on les envoie à la garderie, il y a des coûts. Je sais que je dois me prévoir un budget. Je préfère ça que me payer un voyage à Cuba tous les ans. C’est une question de valeurs.

Daphné Divry-Blainey

De plus en plus responsables

Pour soulager les adoptants, Les Aristopattes, seul organisme au Québec à aider uniquement les cas médicaux, ne demande pas de frais d’adoption si la condition médicale ne peut être guérie. « Cela compense le fait qu’il y a un engagement pour toute la vie de l’animal. Mais nous avons aussi une clause dans notre contrat d’adoption comme quoi si jamais l’adoptant n’est plus capable de payer pour les soins, nous pouvons reprendre l’animal pour le replacer », précise Geneviève Castillo-Huard, présidente de l’association qui a réalisé 64 adoptions en 2019. Les cas les plus courants : les allergies alimentaires qui nécessitent une nourriture spécialisée et les insuffisances pancréatites exocrines, dispendieuses.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Claudia Moisan a d’abord hébergé Rufus à titre de famille d’accueil, pour finalement l’adopter, malgré son insuffisance cardiaque et le fait qu’il soit porteur du VIF, le sida du chat.

« On se fait beaucoup contacter, ça peut aussi être des accidents et les gens ne peuvent pas régler une facture de milliers de dollars pour une opération. Mais les propriétaires d’animaux sont de plus en plus responsables, on voit qu’il y a plus en plus de sociofinancement quand il y a un problème », souligne-t-elle.

Même si le chemin vers l’adoption est plus long et tortueux pour les animaux à la santé précaire, certains refuges parviennent à fournir les béquilles nécessaires. Le Berger Blanc a ainsi instauré pour eux un « programme humanitaire », représentant aujourd’hui près du tiers des adoptions.

« Dépendamment de la sévérité des cas, il peut être effectivement plus long avant de trouver le foyer idéal. Toutefois, nous préférons prendre le temps nécessaire afin de nous assurer de la pérennité des soins accordés à l’animal, explique Alexandrine Couture, directrice des opérations au Berger Blanc. Selon les besoins, nous sélectionnons habituellement des foyers ayant déjà effectué ces dépenses dans le passé, par exemple pour un autre animal. »

Coup de cœur pour chat cardiaque

Au refuge du Réseau Secours Animal (RSA), le constat est là : les chats à la santé précaire (souffrant d’asthme, de diabète, d’insuffisance rénale, du virus d’immunodéficience féline…) ou âgés sont moins souvent élus que leurs homologues bien portants. Pour autant, l’organisme n’en reste pas moins très transparent sur les investissements subséquents, qu’il s’agisse de coûts médicaux ou de disponibilité (par exemple, un chat asthmatique a besoin d’une inhalation quotidienne). « On ne va jamais pousser pour faire adopter ces chats-là, il faut que la personne soit prête à s’investir, que ça vienne d’elle », insiste Agathe Thierry, du RSA, déplorant que des adoptions soient freinées par la circulation de certains mythes, notamment autour du très fréquent VIF, le « sida du chat », lequel ne se transmet qu’entre félins dans des conditions précises.

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Rufus a un grave au souffle au cœur et le VIF, le sida du chat. Son état s’est amélioré depuis son adoption, son état cardiaque étant passé du stade le plus grave (6/6) au stade le moins grave (1/6).

« Ce qui facilite les choses, c’est la communication, parler de l’histoire de ces chats. Des gens sont alors prêts à leur donner leur chance. Pour des chats souffrant d’asthme, on a déjà eu des contacts avec des adoptants qui étaient asthmatiques eux-mêmes et disaient : “Moi, je n’aimerais pas être discriminé pour ça”. »

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DU RÉSEAU SECOURS ANIMAL

Rufus a été errant pendant longtemps. Beaucoup de chats contractent le VIF pendant leur vie sans toit, notamment à la suite de bagarres avec des chats infectés. 

Par ailleurs, recueillir un animal malade n’est pas forcément synonyme de gros investissements et dépenses. Rufus, chat porteur du VIF et atteint d’un souffle cardiaque, a seulement besoin de pilules pour son cœur coûtant une dizaine de dollars par semaine et d’un environnement calme. « Avant d’aller au refuge, je n’étais pas trop informée à ce sujet en général. Mais la condition de Rufus ne pose pas forcément problème. Il avait une personnalité qui me convenait, ça s’est fait tout seul », indique Claudia Moisan, qui s’occupe depuis plus d’un an de ce beau matou nonchalant, dont la santé cardiaque s’est nettement améliorée.

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Beaucoup de gens désirant adopter un animal sont réticents à jeter leur dévolu sur un chat ou un chien présentant des problèmes de santé, de peur d’être entraînés dans une spirale de dépenses. Or, ce n’est pas forcément le cas. Actuellement, Rufus nécessite une dépense de 10 $ par semaine seulement.

Même si les frais médicaux restent pour l’instant limités, il faut aussi se préparer psychologiquement à l’éventuel développement de la maladie. « J’ai un budget pour ça, ce qui est normal pour n’importe quel animal, même s’il n’est pas malade. Il pourrait partir n’importe quand, là aussi comme tout animal, mais j’en profite tant que son état est stable », se résigne celle qui songe à recueillir un deuxième félin atteint d’une pathologie.