C'était une tradition américaine à la fin du XVIIIe siècle. À Noël, les chasseurs sortaient avec leur fusil et c'était à qui reviendrait avec le plus gros butin, qu'il s'agisse d'oiseaux ou d'animaux à fourrure.

Un ornithologue américain, Frank M. Chapman, membre de la Société nationale Audubon, une organisation environnementale américaine, n'appréciait pas vraiment cette tradition.

« Il a décidé de lancer une contre-tradition, raconte Jean-Sébastien Guénette, directeur général du Regroupement QuébecOiseaux. Plutôt que de tirer sur les oiseaux, pourquoi ne pas les compter ? »

Vingt-sept ornithologues ont participé à un premier recensement des oiseaux de Noël en décembre 1900 dans divers lieux en Amérique du Nord. Au Québec, le premier recensement remonte au début des années 20. Depuis, le recensement des oiseaux de Noël se répète d'année en année.

Des dizaines de milliers de bénévoles participent maintenant à ce programme de science citoyenne partout en Amérique du Nord. Cette année, l'événement se tiendra pendant une journée choisie entre le 14 décembre et le 5 janvier. Au Québec, la plupart des recensements auront lieu le 15 décembre.

Les cycles des oiseaux hivernaux

« C'est super intéressant, c'est le seul programme de suivi d'oiseaux en hiver, s'enthousiasme M. Guénette. Ça nous permet de voir, entre autres, les cycles des oiseaux hivernaux. »

Il donne l'exemple de la population du sizerin flammé, qui varie selon l'abondance des grains dans les lieux de nidification. Il cite aussi le cas du harfang des neiges.

« Avec les données du recensement des oiseaux de Noël, on voit très bien le cycle des harfangs, qui est lié au cycle de la population de lemmings dans le Grand Nord. »

- Sébastien Guénette, directeur général du Regroupement QuébecOiseaux

L'hiver a ses avantages. Une fois le feuillage disparu, les oiseaux sont plus visibles.

« Ce qui ressort notamment, ce sont les oiseaux de proie, les buses, indique Jean-Sébastien Guénette. En hiver, ils sont soit en vol, soit dans un arbre nu en plein milieu d'un champ. C'est plus facile à détecter qu'en été. »

Il donne aussi l'exemple de l'alouette, très discrète en été, qui se tient surtout au sol dans les champs cultivés.

« En hiver, elle se tient sur les bords de route. Quand on se promène dans les rangs, en milieu agricole, on lève les alouettes facilement. »

Pour que les données soient comparables d'une année à l'autre, il faut qu'elles soient recueillies de la façon la plus semblable possible. Les clubs régionaux d'ornithologie ou les individus qui organisent un recensement local retournent toujours dans le même secteur, un cercle de 24 km de diamètre.

« Ils divisent le cercle en sous-secteurs et assignent une équipe pour chaque sous-secteur, souvent la même équipe d'année en année, dit M. Guénette. Ils lui donnent une carte avec les routes à sillonner. Moi-même, je fais exactement le même itinéraire sur le mont Saint-Hilaire depuis 2001. »

Les équipes se rencontrent en fin de journée pour mettre en commun leurs observations. Et socialiser.

« C'est devenu la principale activité sociale pour bien des clubs. »

Le fait de retourner aux mêmes endroits d'une année à l'autre permet de constater les tendances, que ce soit sur le plan climatique ou des populations d'oiseaux.

« Au début des années 2000, quand on allait sur le bord du fleuve, dans le coin des rapides de Lachine, c'était pas mal gelé, se rappelle M. Guénette. Il n'y avait qu'un trou d'eau et les canards s'aggloméraient autour. Maintenant, le fleuve est rarement gelé à la mi-décembre. »

Des données fort utiles

C'est la Société nationale Audubon qui recueille les données. Celles-ci sont accessibles à tous, qu'il s'agisse des gouvernements ou des scientifiques. Ou des organisations comme QuébecOiseaux.

« Nous avons utilisé abondamment ces données, affirme M. Guénette. La dernière fois, c'est lorsque le Ministère a voulu ouvrir la chasse à la tourterelle triste. Or, avec les données, nous avons constaté qu'il y avait un déclin de 40 % de la population de tourterelle triste au cours des 20 dernières années. Ça nous a permis de questionner le Ministère. »

Le gouvernement a fini par permettre la chasse à la tourterelle triste, mais heureusement, celle-ci n'est pas très populaire.

« La première année, il n'y a eu que 18 tourterelles tristes abattues. L'impact n'est pas si grand que ça. Nous suivons le dossier, mais il n'y a pas urgence nationale : l'espèce ne va pas disparaître demain matin. »

Pour participer au recensement, il est évidemment important de s'y connaître un peu en oiseaux. Toutefois, bien des clubs accueillent des gens un peu moins expérimentés en les encadrant avec des ornithologues d'expérience.

« En hiver, il y a moins d'espèces d'oiseaux. Ce n'est pas comme le recensement des oiseaux nicheurs, où il faut vraiment connaître les oiseaux : on les entend plus qu'on les voit. En hiver, on parle notamment d'oiseaux comme le geai bleu, le cardinal, le harfang des neiges : ce sont des oiseaux qui sont assez faciles à identifier. »

Il est possible de participer au recensement des oiseaux de Noël au parc du Mont-Royal samedi et dimanche. Plusieurs groupes sont organisés. Les places sont limitées.