Sept chercheuses et étudiantes entament une odyssée sur le Saint-Laurent afin de documenter l’ampleur de la pollution plastique dans le cours d’eau. Ce projet écoféministe nouveau genre alliera scientifiques et créatrices littéraires.

L’équipage de l’Expédition Bleue quittera le port de Sept-Îles vendredi à bord du deux-mâts ÉcoMaris pour ensuite voguer vers Anticosti, Natashquan, Tête-à-la-Baleine et les îles de la Madeleine, où le périple se terminera le 11 septembre. Plusieurs participantes en étant à leur première expérience de navigation, elles seront accompagnées de quatre membres de l’équipage de ce voilier-école, ainsi que d’une équipe de production vidéo.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Kateri Lemmens, Camille Deslauriers, Érika Arsenault, Anne-Marie Asselin (directrice générale), Charlotte Belleau et Laura Rowenczyk : six des participantes à l'Expédition Bleue, un projet initié par l'organisme pour la conservation de l'environnement Organisation Bleue, qui sensibilisera la population à l’égalité des genres, à la crise climatique et, plus particulièrement, à la pollution plastique le 26 août prochain sur le golfe du St-Laurent.

« On souhaite montrer cette beauté-là aux Québécois pour leur rappeler que c’est chez nous, souligne la biologiste marine Anne-Marie Asselin, fondatrice de l’organisme Organisation Bleue et cheffe de mission. C’est inexploité, c’est inhabité, mais c’est vraiment teinté de notre problématique comportementale de surconsommation. »

Durant l’expédition, organisée en collaboration avec le Réseau Québec Maritime, elle et d’autres scientifiques poursuivront leurs recherches sur les micro- et macroplastiques qui se retrouvent dans les eaux du Golfe ainsi que sur ses berges. Si beaucoup reste à connaître encore, Anne-Marie Asselin a une bonne idée de ce qu’elles vont y trouver. Des gens de la Côte-Nord lui ont parlé de nombreuses zones touchées par les déchets de plastique qui n’ont pas été documentées.

C’est hypothétique, mais on risque de se buter à des plages qui sont, ma foi, assez polluées. L’industrie de la pêche teinte beaucoup nos littoraux, l’industrie de la restauration rapide également.

Anne-Marie Asselin, fondatrice de l’organisme Organisation Bleue

Tout au long de la mission, les participantes publieront leurs découvertes et leurs récits sur les réseaux sociaux et dans un blogue qui mariera texte et vidéo, ainsi qu’une émission balado animée par la biologiste Lyne Morissette. Le réalisateur Mathieu Boudreau sera aussi à bord pour produire un long métrage documentaire.

Fragments de plastique… et de récits

Les créatrices littéraires, enseignantes et étudiantes à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR) composeront des microrécits, des fragments et des cartes postales poétiques à partir des expériences qu’elles auront vécues.

« Le projet s’inscrit dans une posture géopoétique, c’est-à-dire que les lieux dans lesquels on est vont nous inspirer, les lieux tels qu’on les vit, explique Camille Deslauriers, professeure au département des lettres et humanités et autrice. Ce qu’on va apprendre des eaux, de la berge, ce qu’on va trouver, on va s’inspirer de tout ça pour écrire des microtextes. »

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Les cordages de bateaux sont nombreux sur les côtes d’Anticosti.

Leur mission à elles sera de traduire les constats de leurs collègues scientifiques et les problématiques observées dans des « perspectives personnelles, sensibles », poursuit Kateri Lemmens, également professeure à l’UQAR.

C’est vraiment une grande question pour la littérature aujourd’hui : comment on traduit notre inquiétude par rapport au climat, comment on écrit ça dans une perspective de création littéraire ?

Kateri Lemmens, professeure à l'UQAR

« Comme Don’t Look Up, ajoute Erika Arsenault. Il y a un souci de partager le savoir qu’elles vont aller chercher par la mission scientifique pour sensibiliser. »

« Dans cette mission-là, on est toute une gang d’écoféministes, et on veut que ça soit un geste d’espoir, ajoute la productrice Charlotte Belleau. C’est sûr que si tout le monde se dit qu’il n’y a rien à faire, on va continuer dans cette voie-là. Je pense qu’on n’est pas assez conscients qu’on porte la responsabilité de la plus grande source d’eau potable au monde. »

En rassemblant une équipe de recherche entièrement féminine, dont certaines membres sont issues de la communauté LGBTQ2S+, Anne-Marie Asselin souhaite élever les voix de celles qui sont sous-représentées dans le discours scientifique, et ce, bien que les femmes occupent une place importante dans l’action climatique. « Ultimement, ce qu’on souhaite, c’est inspirer les jeunes femmes à entreprendre des carrières dans des domaines plus surprenants, plus intersectoriels », affirme-t-elle.

Pas obligé de rentrer dans une boîte, d’être un homme blanc en sarrau pour faire de la science !

Anne-Marie Asselin, fondatrice de l’organisme Organisation Bleue

Hors de leur laboratoire, les scientifiques se pencheront principalement sur le gyre, un grand tourbillon d’eau situé au large d’Anticosti. Dans les océans, les gyres sont connus pour leur concentration de débris de plastique.

« On veut voir s’il y a des effets d’accumulation des microplastiques au sein de ces courants et savoir s’il y a un transfert de ces microplastiques vers les sédiments, explique la chercheuse en génie chimique Laura Rowenczyk, qui a participé à la publication d’une étude récente visant à quantifier la présence de microplastiques dans l’eau de surface du fleuve Saint-Laurent. Si ces microplastiques coulent, ça serait problématique parce que ça voudrait dire que ça entre plus facilement en contact avec la vie aquatique et aussi forcément avec ce qu’on exploite dans le Saint-Laurent. »

Projet de l’Organisation Bleue, vouée à la conservation de l’environnement et à la vulgarisation scientifique, l’expédition fera l’objet d’une campagne de sociofinancement.

Consultez le site de l'Organisation Bleue