À la maternelle, votre fils savait déjà lire ? Votre petite-fille est une pro du calcul mental ? Ces deux exemples semblent mettre en scène des jeunes doués, aussi appelés enfants à haut potentiel. Mais qu’en est-il réellement ? Voici cinq questions pour comprendre la douance intellectuelle chez les jeunes.

Les premiers de classe sont-ils automatiquement des enfants doués ?

« Pas du tout », répond d’entrée de jeu l’éducatrice spécialisée Rachel Ouellet. « On s’imagine beaucoup l’enfant qui a une douance comme un jeune ultra-performant en mathématiques ou en français. Ça, souvent, c’est un enfant brillant qui réussit bien à l’école [...], mais ce n’est pas nécessairement le doué. »

La neuropsychologue pédiatrique Marie-Josée Caron abonde dans le même sens : « Il y a plusieurs personnes qui vont avoir des sphères de hautes habiletés sans tomber dans la définition de douance. »

Qu’entend-on alors par douance ? « C’est un cerveau qui est neurologiquement plus efficace [...], qui performe mieux, qui traite l’information plus rapidement et qui a des zones plus développées », explique Rachel Ouellet.

Côté quotient intellectuel (QI), les jeunes doués ont un score de 130 et plus. Les chercheurs estiment que de 2 à 5 % des enfants sont concernés par la douance.

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Rachel Ouellet, éducatrice spécialisée

Mais attention, ce n’est pas parce qu’il a un cerveau plus performant que le jeune doué le développe à son plein potentiel. « Moi, je dis souvent : ce n’est pas parce qu’on a une bonne intelligence qu’on sait l’utiliser », plaisante Rachel Ouellet.

Un enfant à haut potentiel réussit-il dans tous les domaines ?

Une fois de plus, la réponse est négative. « Le doué va aimer apprendre ce qui le stimule, ce qui l’intéresse », affirme Rachel Ouellet. Pour certains, ce sera jouer d’un instrument de musique. Pour d’autres, ce sera mener des expériences scientifiques ou encore cuisiner.

« Douance, ça ne veut pas nécessairement dire qu’on va travailler à la NASA », résume l’éducatrice spécialisée, qui a écrit Douance, la boîte à outils.

La douance est-elle un atout ?

« C’est un atout, certainement », affirme Marie-Josée Caron. Contrairement à certains mythes véhiculés, « la majorité des jeunes avec un haut potentiel intellectuel n’ont pas de difficultés d’adaptation ».

« Ce n’est pas une garantie de bonheur, mais la douance est associée à plusieurs aspects positifs pour la majorité des enfants qui en sont porteurs. [...] Ça va généralement les conduire vers de meilleures performances et un plus haut niveau d’éducation », explique-t-elle. À condition toutefois que l’enfant soit motivé et bien entouré, précise la neuropsychologue.

« Une fois rendues à l’âge adulte, de façon générale, les personnes en douance vont se dire globalement plus satisfaites que les autres de leur carrière, de leur vie personnelle, de leur vie sociale », assure-t-elle.

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Marie-Josée Caron, neuropsychologue pédiatrique

Deux types d’enfants doués sont toutefois susceptibles de faire face à des difficultés.

D’abord, les rares jeunes qui ont un très haut potentiel intellectuel, en raison du grand décalage avec leurs camarades du même âge.

Puis, les enfants qui sont en situation de double exceptionnalité. « On parle de quelqu’un qui aurait à la fois une douance et un ou plusieurs troubles neurodéveloppementaux. Être doué, ce n’est pas un bouclier contre tout ce qui peut arriver. Tu n’es pas à l’abri d’hériter du TDAH de ton père ou de la dyslexie de ta mère », explique la coautrice de 10 questions sur la douance et la double exceptionnalité chez l’enfant et l’adolescent. Or, la douance vient parfois masquer cet autre problème, qui va tarder à être diagnostiqué.

Y a-t-il plus d’enfants doués aujourd’hui que par le passé ?

Pas nécessairement. « On en parle plus », répond Marie-Josée Caron, qui croit que cela amène davantage de parents à faire évaluer leur enfant.

D’ailleurs, à quoi ressemble ce genre d’évaluation ? « C’est une évaluation globale, explique la neuropsychologue. Le QI fait partie des mesures [...], mais c’est beaucoup plus large que ça. »

Si l’on pense que notre enfant est concerné par la douance, est-il souhaitable de le faire évaluer ? Rachel Ouellet croit que oui. « C’est vraiment important que le jeune ne passe pas des années à se demander pourquoi il est différent, pourquoi il s’intéresse à des choses qui n’intéressent pas les autres de son âge. » Ça permet aussi aux parents et à l’école de s’adapter et de mieux répondre aux besoins de l’enfant, affirme-t-elle.

Comment peut-on outiller un enfant doué ?

« Laissez l’académique à l’école », conseille Rachel Ouellet. « Si l’enfant a déjà vu à la maison toute la matière qui est présentée en classe, il va trouver l’année scolaire longue », justifie l’éducatrice spécialisée, qui a vécu cette situation avec son aîné.

Que peut-on faire alors comme activités pour l’aider à développer son haut potentiel ? « Faites-leur faire des boîtes à savon, des constructions de cabanes à oiseaux, de l’art, de la danse... », énumère Rachel Ouellet.

Et à l’école ? Elle conseille de leur donner la matière, comme à tous les autres. « Mais une fois que c’est terminé, que c’est bien fait, on passe à autre chose. »

L’établissement scolaire où elle travaille propose, par exemple, des trousses de douance comprenant « toutes sortes d’activités et de jeux pour stimuler l’ensemble du cerveau [...] : de la robotique, des microscopes, des jeux de logique... »

De son côté, Marie-Josée Caron souligne que les programmes enrichis, qu’ils soient à vocation musicale, scientifique ou sportive, répondent généralement bien aux attentes des doués.

En 2020, le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, a d’ailleurs annoncé des investissements pour aider les enfants doués à développer leur plein potentiel, notamment grâce à du mentorat et à la création de classes qui leur seraient destinées.

« Il y a un changement dans les pratiques qui est en cours et qu’on peut sentir sur le terrain. C’est vraiment incroyable », dit Marie-Josée Caron.

Douance, la boîte à outils

Douance, la boîte à outils

Les Éditions de Mortagne

10 questions sur la douance et la double exceptionnalité chez l’enfant et l’adolescent

10 questions sur la douance et la double exceptionnalité chez l’enfant et l’adolescent

Les Éditions Midi Trente