Avoir des problèmes de santé mentale n’est pas une fatalité. La websérie Parfaitement imparfait présente des duos formés de jeunes et de personnalités atteints d’un même trouble, qui racontent comment ils s’en sortent. Un espoir qui arrive à point nommé alors que la pandémie pèse sur bien des gens.

Le comédien Antoine Desrochers, qu’on a vu récemment dans les films Antigone et Jeune Juliette, avait environ 18 ans quand il s’est rendu compte qu’il souffrait d’anxiété sociale. « Je suis arrivé à un point dans ma vie où j’avais du mal à me gérer partout où il y avait plus que… moi, raconte-t-il. Dès que j’étais en public, j’avais du mal à me gérer. »

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« L’anxiété, c’est une émotion. Elle devient un problème, un trouble, lorsqu’elle prend une ampleur démesurée, qui n’est pas cohérente avec la réalité, mais qui est représentative d’un besoin qui n’est pas nourri », explique Antoine Desrochers, qui souffre d’anxiété sociale. Il vit désormais avec Flynn, chien de soutien émotionnel.

Sa tête lui « jouait des tours » depuis des années, nourrissant des pensées négatives, dévalorisantes, et des scénarios catastrophes, mais il mettait ça sur le dos de l’école, qu’il « n’aimait pas ». Une fois sorti du secondaire, il a dû se rendre à l’évidence que ça n’avait rien à voir. Il pouvait glisser sur la « pente fatale de l’anxiété » dans n’importe quel lieu public.

« J’avais envie de participer à la vie sociale, et je suis acteur, fait-il valoir. Rencontrer du monde que je ne connais pas, ça fait pas mal partie de ma job, alors je me suis dit qu’il fallait que je trouve une solution. » Six ans plus tard, il va mieux : une formation en communication non violente l’a aidé à mieux canaliser ses pensées et il vit désormais avec un chien de soutien émotionnel.

Des voix lumineuses

Il y a des dizaines d’histoires comme celles d’Antoine Desrochers dans Parfaitement imparfait, websérie documentaire offerte à compter de mardi sur ICI Tou.tv. Chacun des épisodes, d’une dizaine de minutes, montre un tandem formé d’un jeune et d’une personnalité qui échangent, en jouant de la musique, en faisant de l’équitation ou en se livrant à une autre activité, sur le trouble ou le problème de santé mentale avec lequel ils doivent composer.

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« Pendant très longtemps, je n’ai pas pu trouver de l’aide dans le système de santé. Les fois où j’ai fait des crises de panique, où j’ai manqué d’air, où je suis tombée presque sans connaissance et qu’on m’a emmenée à l’hôpital, j’ai vu un médecin et on m’a renvoyée chez moi », explique l’écrivaine Natasha Kanapé Fontaine.

Le dramaturge et auteur Simon Boulerice aborde sa lutte contre les troubles alimentaires. L’actrice et chanteuse Mélissa Bédard parle des défis liés à son TDAH. La poète Natasha Kanapé Fontaine raconte comment se reconnecter avec sa culture autochtone l’a aidée à vivre avec la dépression et l'anxiété.

Le point commun dans ces histoires : l’espoir.

En effet, tant les personnalités publiques impliquées que les ados ou les jeunes adultes qui racontent leurs histoires, comme Frédérique Giguère, 18 ans, atteinte d’un trouble de la personnalité limite, ont cheminé pour apprendre à vivre avec leurs enjeux de santé mentale et trouver une voie vers l’apaisement.

« Ce n’est pas fini, mais c’est un chemin que je trouve lumineux », précise Natasha Kanapé Fontaine, qui n’a pris conscience que récemment de ses enjeux de santé mentale. La transmission de son parcours, à travers sa poésie et sa rencontre avec Johnny Boivin, jeune autochtone aux prises avec des problèmes semblables, fait aussi partie de sa marche vers la guérison.

Briser les tabous

La santé mentale occupe un espace grandissant dans le discours public, en particulier dans le contexte de la pandémie. Or, afficher publiquement ses troubles ne va pas de soi. Frédérique Giguère admet que le tabou demeure quand on parle d’un diagnostic plus complexe que la dépression ou l’anxiété, deux des enjeux les plus fréquemment évoqués.

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« J’ai toujours eu des réactions différentes, exagérées. On ne s’en est pas soucié, parce que j’étais jeune et que ça pouvait être des troubles de comportement. […]. C’est moins pire maintenant. Je me connais, j’ai des outils », souligne Frédérique Giguère, 18 ans.

« Je suis très à l’aise [d’en parler], là où je suis dans ma vie, dit toutefois la jeune femme. Aider à démystifier tout ça, ça ne me dérange pas. Au contraire, je suis fière d’instruire les gens par rapport à mon trouble [de personnalité limite]. »

Antoine Desrochers a lui aussi pris la parole pour contribuer à faire tomber des barrières et dans l’espoir que le fait de parler de son parcours puisse faire en sorte que d’autres se sentent moins seuls. « Je vois beaucoup de gens autour de moi qui ont des problèmes de santé mentale : boulimie, anorexie, anxiété, pensées suicidaires », constate-t-il.

Un jeune Québécois sur cinq souffre d’un trouble de santé mentale, selon les statistiques citées dans les documents accompagnant la websérie Parfaitement imparfait. L’adolescence est un moment charnière sur ce plan puisque la plupart des pathologies psychiatriques se déclarent à cet âge, selon Frédéric Benoît, psychiatre et conseiller scientifique de la websérie.

Il y a probablement une fenêtre de fragilité qui est plus grande à l’adolescence à cause du rebrassage développemental. C’est une période de bouillonnement neurobiologique qui fait qu’il y a une plus grande sensibilité à développer ces maladies-là.

Frédéric Benoît, psychiatre et conseiller scientifique de la websérie

En particulier s’il y a des antécédents familiaux.

Le fait de parler de dépression, d’anxiété ou de TPL dans une série documentaire sur la santé mentale a du sens. Toutefois, on s’étonne de voir le TDAH, communément considéré comme un trouble d’apprentissage, parmi ces maladies mentales.

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« Des capsules comme ça et le fait que des gens connus en parlent, ça déstigmatise et favorise les démarches par les jeunes, qui vont faire les premiers pas plus rapidement », explique Frédéric Benoît, psychiatre et conseiller scientifique de la websérie Parfaitement imparfait.

Le DBenoît, lui, n’y voit pas de problème. « Je traite des gens qui ont des TDAH tous les jours », dit-il. Le médecin souligne que ce trouble est inclus dans le DSM-5, référence en matière de diagnostic psychiatrique, et qu’il est souvent associé à d’autres enjeux de santé mentale (dépression, anxiété, régulation émotionnelle, etc.).

Au-delà du partage d’expérience, Natasha Kanapé Fontaine espère que la websérie pourra contribuer à changer des choses concrètement. Elle a eu du mal à trouver de l’aide, lorsqu’elle en a eu besoin, même en allant directement à l’hôpital. « Si on est racisé, si on est autochtone, la situation est plus lourde », précise-t-elle.

« On sait que l’accès aux soins de santé mentale était déjà difficile [avant la pandémie]. On en parle de plus en plus depuis la dernière année. Est-ce qu’il va se passer quelque chose de concret ? On ne le sait pas, poursuit-elle. Il faut en parler, lever le voile sur la santé mentale et demander une aide qui soit adéquate. »

Une première version de ce texte attribuait un TSA à Mélissa Bédard et un trouble de personnalité limite à Natasha Kanapé Fontaine. Nos excuses.