Dans le métro, un passager a déjà demandé un mouchoir à Élodie Briant. « Je lui ai donné un mouchoir réutilisable, dit-elle, en précisant : il ne faut pas le jeter, il faut le laver. » Il y a déjà plusieurs années qu’Élodie Briant a renoncé aux mouchoirs en papier. « C’est un des premiers articles que j’ai changés, se souvient la cofondatrice de l’Association québécoise zéro déchet. C’est quelque chose de simple, qui ne me rebutait pas du tout. »

Au Canada, on utilisait 40 000 tonnes de papiers-mouchoirs par an en 2012, selon Cascades. On n’ose imaginer la quantité jetée en temps de pandémie… Selon le manufacturier, si tout ce papier-mouchoir était fait de fibres 100 % recyclées, la coupe de plus de 350 000 arbres serait évitée. L’utilisation de mouchoirs de tissu sauve aussi des arbres, bien que d’autres plantes soient nécessaires à leur conception.

À Boisbriand, Öko créations fabrique des mouchoirs lavables en satin de coton biologique, garnis d’une couture colorée. « C’est un tissu pour draps de lit, ça dure très, très longtemps, assure Karine Létourneau, vice-présidente et directrice des communications et du marketing d’Öko créations. Il est d’ailleurs assez facile d’en faire à la maison, avec de vieux draps qu’on coupe en morceaux. »

PHOTO FOURNIE PAR ÖKO CRÉATIONS

Un ensemble de quatre mouchoirs lavables en satin de coton bio (de taille moyenne, 25 cm sur 25 cm), fabriqués au Québec par Öko créations, coûte 18,95 $.

Des mouchoirs lavables qui ressemblent aux jetables

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Comme bien d’autres, Marie-Ève Lupien, propriétaire de l’entreprise montréalaise Bateau Bateau, se mouche régulièrement. « Quand je sors, surtout l’hiver, ça fait couler mon nez », constate-t-elle. Aucun mouchoir lavable ne lui convenait avant qu’elle crée les siens, particulièrement doux — on les a testés.

Marie-Ève Lupien, propriétaire de l’entreprise montréalaise Bateau Bateau, offre quant à elle des mouchoirs composés à 70 % de viscose de bambou et à 30 % de coton biologique. Leur particularité ? Ils sont plus petits et sans couture, pour ressembler le plus possible à des mouchoirs jetables.

C’est que les mouchoirs à carreaux que les grands-pères remettaient dans leur poche (ou dans leur manche…) après s’être mouchés lèvent le cœur de Marie-Ève Lupien. Elle a donc conçu un « système d’utilisation » plus hygiénique. Il est formé de mouchoirs réutilisables entrelacés dans une boîte de tissu et d’un panier où déposer ceux qui ont servi. « Sinon, c’est juste chiant de toujours devoir aller au panier de lavage, observe Marie-Ève Lupien. Il ne faut pas se casser la tête si on veut que les gens entreprennent une démarche écologique. »

Il suffit de vider régulièrement le panier de mouchoirs sales dans la laveuse, avec le reste de sa lessive, en réglant l’eau à 60 °C pour combattre les virus. « Un passage à la sécheuse pourrait aider à s’assurer d’avoir éliminé le plus de microorganismes possible », suggère Laurence Bernard, professeure agrégée à la Faculté des sciences infirmières de l’Université de Montréal.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Bateau Bateau propose des ensembles comprenant 12 mouchoirs en tissu fabriqués localement, une boîte et un panier, pour 44,95 $ (pour 24 mouchoirs, c’est 65,95 $). Les boîtes et les paniers sont faits par Textil’art, une entreprise-école sans but lucratif d’intégration professionnelle et sociale. Quant aux mouchoirs, ils sont entrelacés par Main-Forte, un organisme d’emballage et d’assemblage qui emploie des personnes handicapées.

Sécuritaires pendant la pandémie ?

On en vient à la question qui tue : les mouchoirs lavables sont-ils sécuritaires en pleine pandémie de coronavirus ? Tout dépend de la situation. C’est envisageable si on est à la maison, moins si on fréquente une classe d’école secondaire bondée. « Étant donné le télétravail et en l’absence de COVID-19 au sein des membres d’une même maisonnée, l’utilisation de mouchoirs réutilisables chez soi pourrait être acceptable si leur manipulation est appropriée, estime Laurence Bernard. Toutefois, ils présentent davantage de risques selon moi que des mouchoirs jetables. Personnellement, je ne les recommanderais pas pour une utilisation en dehors de chez soi. »

La recommandation officielle, c’est d’utiliser un mouchoir en papier, de le jeter rapidement dans une poubelle et de se laver les mains. « Sauf que si on est dehors, on n’a pas de lavabo et on va souvent replacer le mouchoir jetable dans sa poche », observe Karine Létourneau. La solution consiste à déposer les mouchoirs sales dans une pochette fermée en attendant d’en disposer… ou de les laver.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

« J’utilise une pochette pour stocker mes mouchoirs », indique Élodie Briant. Elle est séparée en deux : un côté pour les mouchoirs propres et l’autre pour ceux qui ont servi.

Plus écolo ?

Reste à savoir si se moucher avec du tissu est vraiment plus écologique. Laure Patouillard, coordonnatrice scientifique au Centre international de référence sur le cycle de vie des produits, procédés et services (CIRAIG), a creusé la question à l’émission Moteur de recherche d’ICI Première, en mai 2020. Verdict : les mouchoirs lavables sont écoresponsables seulement si on les utilise fréquemment, pendant de nombreuses années. Ça tombe bien : avec les hivers québécois, les pandémies et les allergies, on n’avait pas prévu d’arrêter de se moucher.