(Montréal) L’annonce était sensationnelle : des chercheurs thaïlandais affirmaient avoir identifié un produit entièrement naturel capable non seulement de stopper la progression de la calvitie, mais aussi de stimuler la croissance de nouveaux cheveux.

Il n’en fallait pas plus pour que plusieurs médias de la planète, dont un grand quotidien britannique, s’emparent de l’affaire.

Pas si vite, dit toutefois un expert québécois qui prévient que nous ne disposons pas pour le moment des preuves scientifiques qui permettraient d’y voir clair.

« Il ne faut pas négliger que ça pourrait être quelque chose d’intéressant, mais il faudrait vraiment aller vers des études plus scientifiques, a dit le docteur Yves Hébert, de la clinique de chirurgie esthétique du même nom.

« C’est certain que c’est intéressant parce que c’est non médicinal, c’est plus “naturel”, mais à mon avis c’est une étude qui est peu probante parce qu’elle ne suit pas vraiment les règles de l’art quand on fait des études médicales. »

Les chercheurs de l’université thaïlandaise Chulalongkorn affirment s’intéresser à l’extrait en question, l’avicequinon-C, depuis des années, et ils auraient récemment reçu un prix du Conseil national de la recherche de leur pays.

L’avicequinon-C aurait été extrait d’un arbre, l’Avicennia Marin, qui pousse dans la mangrove thaïlandaise. Selon les chercheurs, le produit interfère avec les enzymes qui entraînent une augmentation des taux d’hormones et provoquent la chute des cheveux aussi bien chez les hommes que chez les femmes.

L’avicequinon-C a fait l’objet d’une étude (de petite ampleur et de piètre qualité) il y a de très nombreuses années, et une firme privée espère maintenant en tirer un produit commercial.

« C’est probablement un antioxydant qui a probablement un effet au niveau de la qualité des cheveux, je n’ai pas trop de difficulté à l’admettre, mais est-ce que ça agit vraiment au niveau de la calvitie comme telle ? L’étude ne semble pas vraiment le prouver hors de tout doute », a dit le docteur Hébert.

Même les photos présentées en « preuve » de l’efficacité du produit, du genre avant-après, sont douteuses, selon lui.

L’industrie pharmaceutique est très impliquée dans le domaine de la restauration capillaire, ajoute-t-il, mais il y a « plusieurs appelés et peu d’élus ».

Pour l’instant, l’éventail de solutions qu’on peut offrir aux patient(e)s demeure limité, admet le docteur Hébert. Un nouveau traitement prometteur utilise les plaquettes de l’organisme pour stimuler les follicules et combattre leur vieillissement.

Il y a aussi bien évidemment sur l’internet une prolifération d’offres « qui ne tiennent pas la route sur le plan purement scientifique », a-t-il prévenu.

« C’est sûr qu’on essaie de trouver des solutions non médicinales, sans médicaments qui auraient des effets secondaires, a conclu le docteur Hébert. La communauté médicale n’est pas du tout contre l’apport du monde animal ou du monde botanique ou marin, mais il faut qu’il y ait des études probantes avant qu’on envisage de le recommander à nos patients. »