Toutes les piscines du Québec sont fermées depuis le 9 janvier, pour casser la deuxième vague de COVID-19. Toutes ? Pas exactement. De rares formations en sauvetage sont offertes dans certaines piscines. Heureusement, parce que faute de sauveteurs formés en nombre suffisant, la baignade sera compromise — probablement pas à l’été 2021, mais en 2022 et en 2023…

Baisse des inscriptions

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« C’est plus sécuritaire pour tout le monde d’être dans l’eau qu’à l’extérieur de l’eau », fait valoir Raynald Hawkins, directeur général de la Société de sauvetage du Québec. Il n’y a pas de preuve « de risque de transmission de la COVID-19 par l’eau de baignade », confirme l’Institut national de santé publique sur son site internet.

En raison de la pandémie de coronavirus, les piscines ont fermé à la mi-mars 2020. Les formations de sauvetage ont stoppé aussi net. Ce n’est qu’en juin qu’un arrêté gouvernemental a permis la reprise des cours et des requalifications, à un rythme plus lent qu’à l’habitude. Pour devenir sauveteur en piscine, il faut réussir quatre formations, à partir de l’âge de 13 ans : Médaille de bronze, Croix de bronze, Sauveteur national et Premiers soins — général. « En moyenne, 5000 jeunes font le cours de Médaille de bronze dans une année », indique Raynald Hawkins, directeur général de la Société de sauvetage du Québec. « On en a eu 2500, en 2020. Pour le niveau Croix de bronze, normalement c’est 4000, on en a aussi eu 50 %, donc 2000. » La désertion a été moins importante pour le brevet de Sauveteur national, avec environ 1875 inscrits, 75 % du nombre normal. « Des gestionnaires ont décidé qu’ils ne voulaient plus organiser de cours, explique M. Hawkins. On accepte ça. Peut-être que des parents ont décidé que leur adolescent n’irait pas suivre de cours, tant et aussi longtemps que le vaccin n’arrivera pas. C’est correct aussi. »

Effet domino

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Dans l’eau, le port du couvre-visage n’est pas possible, mais les sauveteurs doivent l’enfiler dès qu’ils sortent du bassin. Ici, un sauveteur s’exerce à faire la sortie d’une fausse victime, pour renouveler son brevet de Sauveteur national.

La chute draconienne du nombre de futurs sauveteurs est tout de même inquiétante. « Il va y avoir un effet domino qui va durer facilement de deux à trois ans, estime M. Hawkins. Le jeune qui n’a pas fait Médaille de bronze l’an dernier, il ne fera pas Croix de bronze cette année. Il ne fera pas Sauveteur national l’année prochaine. » Le brevet de Sauveteur national est valide deux ans, si bien que les sauveteurs qui l’ont obtenu en 2019 (soit avant la pandémie) pourront surveiller les piscines l’été prochain. « Je suis plus préoccupé pour 2022 », souligne M. Hawkins. Au Québec, les sauveteurs pratiquent leur art de 18 à 24 ans en moyenne, avant d’accrocher leur sifflet. « Il y a une attrition qui se fait naturellement », souligne le directeur général de la Société de sauvetage du Québec.

Rareté des candidats

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Nancy Rozon, directrice générale adjointe de Loisirs 3000, a accueilli la séance de requalification pour les sauveteurs qui a eu lieu le dimanche 17 janvier. « Le but, c’est qu’on ait des sauveteurs l’été prochain », dit-elle.

Il faut dire que les sauveteurs étaient déjà peu nombreux. « Depuis deux ans, donc avant la COVID-19, c’est dur de trouver des sauveteurs », indique Nancy Rozon, directrice générale adjointe de Loisirs 3000, entreprise de gestion de centres sportifs et de camps de jour. « La pénurie de sauveteurs se fait sentir partout au Québec, et la Ville de Longueuil n’y fait pas exception », dit Carl Boisvert, porte-parole de la Ville de Longueuil. « Bien que la Ville ait reçu moins de CV dans les dernières années, elle a pourvu tous ses postes. » Montréal et Laval affirment aussi trouver suffisamment de candidats. Puisqu’elles offrent de bonnes conditions de travail, les municipalités ont généralement moins de mal à recruter des sauveteurs que les propriétaires de campings, par exemple.

Sauveteurs masqués

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Les sauveteurs sortent la fausse victime du bassin, puis doivent aussitôt mettre un couvre-visage. « Le sauveteur qui était déjà sur le bord doit porter le masque de procédure [médical] », précise Raynald Hawkins, directeur général de la Société de sauvetage du Québec.

Former des sauveteurs en limitant le risque de transmission du coronavirus est possible. Le dimanche 17 janvier, La Presse a assisté à une requalification du brevet de Sauveteur national, organisée par Loisirs 3000 à Montréal, ayant réuni une douzaine de sauveteurs. « On essaie d’éliminer le plus possible les contacts et de garder une distance de deux mètres », dit Angélique St-Laurent, formatrice. L’eau chlorée des piscines ne pose pas problème. Il n’y a pas de preuve « de risque de transmission de la COVID-19 par l’eau de baignade », confirme l’Institut national de santé publique du Québec sur son site internet. Par contre, dès qu’ils sont hors du bassin, les sauveteurs doivent porter un couvre-visage, ce qui n’est pas toujours simple dans le feu de l’action. « C’est un challenge », constate Mme St-Laurent.

Plus jeunes que jamais

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Angélique St-Laurent, formatrice en sauvetage, évalue le massage cardiaque donné à un mannequin.

Depuis le 1er novembre 2020, l’âge minimum pour passer le brevet de Sauveteur national a été abaissé à 15 ans (c’était 16 ans, auparavant). « Derrière cela, il y a le souci du recrutement et la volonté de maintenir les candidats actifs au fil de leur formation », indique Raynald Hawkins. Pour être surveillant-sauveteur, il faut toujours avoir au moins 17 ans (16 ans en cas de pénurie de main-d’œuvre). Les jeunes de 15 ans peuvent être embauchés comme « assistants aides-surveillants ». Mais encore faut-il que les piscines ouvrent leurs portes. Malik Beauvais, sauveteur à la Ville de Montréal, ne travaille pas actuellement. « Ça ne me pose pas de problème pour le moment, mais c’est sûr que j’aimerais recommencer à travailler », dit-il. Francis Sarrasin-Larochelle, sauveteur et coordonnateur technique à Triathlon Québec, reste optimiste. « On ne sera pas là-dedans éternellement ! »