La magie de Noël n’a plus de secret pour Raoul et Hélène Lebarbé, tout deux centenaires et qui célèbrent leur 75Noël ensemble cette année. « C’est incroyable », lance Raoul Lebarbé, ému.

« Nous ne sommes pas les seuls qui sont centenaires ! », s’exclame Raoul Lebarbé, que nous avons rencontré dans son appartement de Griffintown. « Je ne pensais jamais vivre jusqu’à 100 ans, c’est pas mal, quand même », explique Raoul, devenu centenaire le 30 octobre dernier.

Le couple a toujours aimé fêter Noël, entouré de toute sa famille, ses deux enfants, quatre petits-enfants et six arrière-petits-enfants. « À l’époque, il y avait de grandes tablées avec les cousins et cousines, les enfants, petits-enfants, oncles et tantes. Évidemment, cette année, Noël, ce sera très calme, tout comme le 1er janvier », souligne Françoise Lebarbé, 73 ans, fille du couple.

Dans la famille, on vit assez âgé en règle générale. Mais 100 ans, c’est extraordinaire, je suis étonnée !

Françoise Lebarbé

« Ce qui est incroyable, c’est que non seulement je suis centenaire, mais je suis encore marié à la même femme ! », s’exclame Raoul Lebarbé. Le couple célébrera ses 75 ans de mariage, en mars prochain. « J’ai rencontré ma femme pendant la Seconde Guerre mondiale, en France, en Bretagne, d’où nous sommes tous les deux originaires. » Il se rappelle cette période très difficile, où il vivait avec sa mère, veuve, qui élevait seule ses cinq enfants.

« On s’est mariés le 22 mars 1947. Un gars de la ville qui mariait une fille de la campagne, ça ne se faisait pas à l’époque en France. Notre fille est née un an plus tard, en 1948. » Il évoque la France d’après-guerre, quand il voulait se lancer en affaires à Carhaix, sa ville natale dans le Finistère, lui fils de quincailler. Mais ce n’était pas le bon moment dans cette France en reconstruction.

En route vers le Canada

Un jour, sa mère lui a dit : « Nous partons au Canada, viens-tu avec nous ? » « Nous sommes arrivés le 1er avril 1951 à Montréal après une semaine à bord du Georgic Transatlantic, raconte Raoul Lebarbé. La traversée de l’Atlantique n’a pas été facile. Il y avait les femmes et les enfants d’un côté, les hommes de l’autre. Il y avait, dans ce bateau, en plus de ma femme et de ma fille, ma mère, mon frère et ma sœur. »

Le bateau les a menés jusqu’à Halifax, où ils ont pris un train jusqu’à la gare de Montréal. « Il y avait beaucoup d’immigrants dans le bateau, notamment des Bretons comme nous, avec de grosses malles. »

PHOTO FOURNIE PAR LA FAMILLE LEBARBÉ

Photo de mariage de Raoul et Hélène Lebarbé, le 22 mars 1947

Une nouvelle vie commençait pour le jeune couple et sa fille de 3 ans. En quelques jours, il a trouvé un logement, puis un travail. La petite famille a déménagé quelques mois à Sorel où elle a vécu le choc de son premier hiver québécois. Les trois sont finalement revenus à Montréal où ils se sont installés. Le couple a ensuite eu un deuxième enfant, un fils né en 1956, et a acheté une maison. « Montréal était un grand village lorsque nous sommes arrivés. Il y avait le tramway. C’était formidable. Je me rappelle l’ambiance rue Sainte-Catherine. »

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Raoul Lebarbé, dans son appartement dans le quartier Griffintown

Raoul et Hélène Lebarbé ont acheté leur première maison sur le boulevard Dorchester. « On l’a payée 22 000 $ ! Une maison dans Westmount. On vivait au sous-sol et on louait, sur les deux étages, des chambres à la semaine, c’est comme ça que tout a commencé », résume-t-il.

Ça marchait bien, puis on a déménagé sur la rue Sherbrooke au coin de Berri pour y faire la même chose. On louait des chambres, dans de grandes maisons, c’était un petit hôtel.

Raoul Lebarbé

De quoi est-il le plus fier dans sa vie ? « D’avoir été mon propre patron. Ça me plaisait. Il y avait ce sentiment de liberté, c’était à mes yeux un accomplissement. On travaillait beaucoup, mais se lancer en affaires, c’était prendre des risques qui valaient la peine. On s’est lancés dans l’hôtellerie alors qu’on n’y connaissait rien ! Je me dis qu’on a eu une belle vie, on a travaillé fort. Mais pour moi qui n’avais pas de diplôme, qui venais de Bretagne, et ma femme qui a été élevée sur une ferme bretonne, on se dit qu’on en a fait, du chemin. Jusqu’ici et jusqu’à notre 100anniversaire. Ça me fait plaisir d’avoir 100 ans finalement. »