Les Québécois pourront renouer avec les partys de Noël cette année. C’est une belle « récompense », mais après 21 mois de restrictions, et dans un contexte d’augmentation du nombre de cas, la perspective de se revoir en grands groupes peut générer des questions, des inquiétudes, du stress. Petit guide pour s’y retrouver.

Pour la première fois depuis mars 2020, Kim Lavoie est allée au restaurant cette semaine, avec trois amis. Elle a pu constater à quel point on reprend vite son aisance, ses repères.

« Dans le restaurant, il y avait un gros groupe d’une vingtaine de personnes, et ils n’avaient pas l’air très inquiets ! », résume Kim Lavoie, professeure au département de psychologie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). « C’est la nature humaine : quand on se retrouve, les anciennes habitudes reviennent spontanément. »

Bref, on peut affirmer sans trop se tromper que bien des gens se réjouissent à l’idée de fêter Noël en groupes de 20 personnes vaccinées et qu’ils renoueront spontanément avec ces traditions. Cela dit, « c’est sûr qu’un relâchement de certaines mesures de prévention, ça peut inquiéter beaucoup de gens », convient Kim Lavoie.

Et ce stress est tout à fait normal, indique Catherine Raymond, doctorante en neurosciences et coanimatrice de la balado Selon une étude.

Voilà 21 mois qu’on nous répète que l’autre est possiblement un vecteur d’une maladie potentiellement mortelle, rappelle Catherine Raymond.

PHOTO FOURNIE PAR CATHERINE RAYMOND

Catherine Raymond

Là, on nous dit : ‟vous pourrez être avec 19 personnes qui, potentiellement, peuvent donner le virus”. C’est la façon dont le cerveau peut décoder cette situation-là, surtout chez les gens qui ne se sont pas rassemblés dernièrement, qui n’y sont pas allés de façon graduelle.

Catherine Raymond

Pour diminuer le stress, on peut commencer à s’exposer graduellement, d’une part, mais aussi à afficher ses couleurs auprès de ses proches, en leur disant qu’il est possible qu’on garde ses distances, qu’on se lave les mains plus fréquemment, qu’on parte plus tôt que d’habitude, énumère Catherine Raymond.

Sans la COVID-19, le temps des Fêtes est déjà une période stressante, rappelle-t-elle. Nos réflexes habituels – faire les choses à l’avance, tenir un agenda, faire du sport, méditer, prendre du temps pour soi – deviennent plus pertinents que jamais.

Ça peut paraître fleur bleue, mais exprimer sa gratitude envers ses proches aide aussi à se sentir bien, ajoute Catherine Raymond. « Ça amène la sécrétion de plein d’hormones, comme l’ocytocine. Ça a un effet apaisant sur le système de stress. »

Et si nous n’en avons pas envie ?

Si la Santé publique a statué qu’on pouvait se permettre ces rassemblements, il n’en demeure pas moins que le nombre de cas augmente et que l’ombre du variant Omicron plane sur la planète. Pour certaines personnes, plus vulnérables ou plus inquiètes, l’idée de se rassembler à 20 personnes peut être très anxiogène. Et pour d’autres, qui ont appris à être plus sélectives dans leurs relations, revoir la famille élargie n’est pas la panacée.

« Il faut se rappeler une chose, note Christine Grou, présidente de l’Ordre des psychologues du Québec : se rassembler à 20 personnes, c’est une autorisation, pas une obligation. »

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Christine Grou

Chaque personne, dit-elle, devrait se demander si c’est de ça qu’elle a besoin, ou pas. « Si ça nous stresse énormément de recevoir 20 personnes, pourquoi on se l’imposerait ? », demande Christine Grou, qui souligne qu’on peut très bien se voir en plus petits groupes.

Il faudra aussi respecter la décision des autres. « L’autre ne pense pas comme moi, ne réagit pas nécessairement comme moi et n’a pas nécessairement la même perception ou la même compréhension de la situation », rappelle la psychologue.

Comment préserver ses relations ?

Au Québec, 89 % des personnes de 12 ans et plus sont adéquatement vaccinées, ce qui implique que 11 % ne le sont pas. Mardi, le DHoracio Arruda a été clair : parce que ce sont elles qui se retrouvent hospitalisées en raison de la COVID-19, il n’est pas recommandé de les admettre dans les groupes de 20 personnes.

La situation revêt un « grand degré de complexité », convient Christine Grou, qui espère que les familles divisées sauront préserver leur relation. « Mais c’est sûr qu’il faut protéger les gens qui vont être présents », dit-elle.

La personne qui reçoit ne doit pas tomber dans le biais cognitif de se dire : ‟c’est moi qui porte l’odieux de refuser”. Non. Elle a une directive de la Santé publique qui lui demande de protéger les 20 personnes qui seront chez elle. C’est aussi la décision de tous les gens qui sont reçus aussi.

Christine Grou, présidente de l’Ordre des psychologues du Québec 

Selon Kim Lavoie, il ne faut pas hésiter à demander à ses proches s’ils sont vaccinés ou non. Et à faire preuve de transparence, en expliquant aux non-vaccinés qu’on ne les juge pas, mais qu’on est mal à l’aise avec cette exposition au risque. « Le but n’est pas de persuader, mais de respecter ses limites », résume-t-elle.

PHOTO FOURNIE PAR KIM LAVOIE

Kim Lavoie

Catherine Raymond suggère de faire preuve de créativité en incluant les gens non vaccinés par visioconférence, par exemple, ou en les invitant à aller patiner le lendemain du réveillon. « Ça aide à regagner un sentiment de contrôle sur la situation », dit-elle.