Du wokisme à Occupation double, Mounir Kaddouri ne craint aucun sujet. Rencontre avec un youtubeur plus politisé que la moyenne.

Vous trouvez que la campagne municipale de Laval est plate ? C’est parce que vous ne connaissez pas le Maire de Laval.

Enfin… pas celui-là.

Le Maire de Laval, de son vrai nom Mounir Kaddouri, est une personnalité à part dans le petit monde des youtubeurs québécois.

Sa chaîne YouTube compte près de 50 000 abonnés. Certaines de ses vidéos ont dépassé les 100 000 vues. Il en compte 5,3 millions depuis ses débuts, il y a deux ans et demi.

Sans parler de sa balado (Fait divers) et de ses multiples plateformes sur les réseaux sociaux, TikTok, Instagram, Twitch, alouette…

Si vous avez plus de 30 ans, possible que son nom ne vous dise rien. Mais parlez à un millénarial de votre entourage : les chances sont bonnes qu’il soit un fan.

Son succès peut paraître étonnant, vu les sujets qu’il aborde.

Alors que la plupart des youtubeurs parlent de jeux vidéo, de shampoing ou de bouffe, Mounir préfère s’épancher sur les enjeux de société, la politique et la culture populaire.

Mais son style unique et son éclectisme lui ont permis de trouver un créneau, tout particulièrement chez les 18-25 ans.

Qu’il parle de wokisme ou d’Occupation double, de la loi 21 ou de Guillaume Lemay-Thivierge, ses chroniques en ad lib font sourire et réfléchir. L’humour est son levier, il a le sens critique aiguisé. Sans parler de son franglais à la puissance 10, actuellement en vogue chez les jeunes Montréalais, qui est l’une de ses marques de commerce. No shit man, on est down avec le maire de Laval parce qu’il parle fucking bien…

Un « vulgarisateur »

Quand on lui demande s’il se voit comme un influenceur, ce sympathique gaillard à la carrure de joueur de football répond qu’il est plutôt un « vulgarisateur ». Pour lui, les sujets « triviaux » sont une porte d’entrée pour intéresser les jeunes à des enjeux plus sérieux. Occupation double un jour, Joyce Echaquan le lendemain…

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

La chaîne YouTube de Mounir Kaddouri compte près de 50 000 abonnés. Certaines de ses vidéos ont dépassé les 100 000 vues.

Apparemment, la recette fonctionne. « Je ne sens pas une diminution d’intérêt », dit-il, quand on le rencontre dans un café du quartier Villeray.

Au contraire.

Selon lui, les jeunes sont beaucoup plus politisés et curieux qu’on pourrait le penser. « C’est juste que ça ne se rend pas à eux ou que le format est une barrière, explique-t-il. D’ailleurs, quand les gens me parlent, ils me remercient de packager ça pour eux. »

Idéologiquement, Mounir se veut du reste « le plus neutre possible », bien que son jupon dépasse très souvent, à gauche de préférence.

« Je suis engagé sans être [militant] », dit-il.

Quand on le questionne sur la campagne municipale à Laval, il refuse d’ailleurs d’afficher ses couleurs. Mais ne se gêne pas pour donner son opinion sur les enjeux prioritaires, à commencer par les transports en commun, un problème qui a duré trop longtemps.

Pour le reste, il ne semble pas très impressionné par les huit candidats, hormis l’indépendant Nicolas Lemire, le seul qui semble trouver grâce à ses yeux. Selon lui, le départ de Gilles Vaillancourt a laissé un immense vide à Laval, pour le meilleur et pour le moins bon.

« Ça fonctionnait tellement de la même manière depuis toujours que ça a endormi la vie politique lavalloise et que ce n’est plus intéressant pour plusieurs générations », tranche-t-il.

Fondamentalement québécois

Mounir Kaddouri, 24 ans, est né à Laval de parents marocains arrivés au Québec en 1983.

Même s’il a passé ses vacances au Maroc et qu’il observe encore le ramadan pour des raisons culturelles et non spirituelles, il se dit « fondamentalement québécois ».

Son éducation est nord-américaine. Il a joué au football américain, grandi en regardant Infoman et le Daily Show, étudié au cégep Lionel-Groulx, écouté en masse de rap américain et québécois.

Conscientisé « depuis toujours », il a aussi remporté un concours en 6année, qui lui a valu de prononcer un discours à la mairie de Laval. D’où son avatar : Maire de Laval.

Cette envie de communiquer ne l’a jamais quitté. En mars 2019, profitant d’une grève à l’UQAM, où il étudie en médias et en philo, il lance ses premières vidéos sur YouTube. Le personnage se précise. Avec l’aide de sa blonde, de sa sœur ou de son frère, il développe avec le temps une sorte de « free style » narratif, rempli de « jump cuts » qui lui permettent de couper dans le gras. Pour lui, le texte s’écrit « après », par la magie du montage.

Après deux ans et plus de 220 vidéos, on le sent prêt pour une nouvelle étape. Il ne cache pas que les médias traditionnels l’intéressent.

Étonnant venant d’une vedette des réseaux sociaux. Mais il le dit sans complexe : ce n’est pas là qu’est l’argent. YouTube n’est pour lui qu’un « levier » pour passer à la vitesse supérieure. « Il faut juste que je devienne meilleur à ce que je fais. »

Modeste… mais aussi plein d’assurance. Mounir sait que ce n’est qu’une question de temps. Il se voit déjà sur une quelconque radio québécoise, à croiser le fer avec « Pat Lag’ » ou Mathieu Bock-Côté. À commenter l’actualité sans complexe, avec son franglais et son humour caustique.

Municipales ou pas, le Maire de Laval n’a sans doute pas fini de faire parler de lui.

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