Pierre répare le vélo de Lyne. En retour, Lyne cuisine une lasagne à Doris, qui offre ensuite un cours d’anglais à Pierre. Entre ces transactions, aucune monnaie n’a circulé. Que du temps et de la générosité. Depuis 25 ans, la Banque d’échange communautaire de services gère un réseau d’entraide dans le Grand Montréal. Tout le monde peut participer… à condition de savoir jongler avec les heures !

Lorsque sa tante s’est blessée gravement, Micheline Raymond a eu besoin d’aide. Beaucoup d’aide. C’est un membre de la Banque d’échange communautaire de services (ou plus joliment BECS), une certaine Inès, qui l’a aidée à garder la tête hors de l’eau.

Elle visitait sa tante à l’hôpital, lui apportait son courrier et des vêtements propres. « Je lui disais : il me semble que tu ne réclames pas assez d’heures pour ce que tu fais ! », s’exclame Mme Raymond.

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La BECS fonctionne avec un système très simple : un service contre un service. Ça peut aller de l’aménagement paysager à l’épilation, en passant par de la sauce à spaghetti et des cours de photographie.

Si on prête une heure de son temps à un membre, on gagne une heure du temps d’un autre. Et la BECS comptabilise tout ça. Mais ce qu’elle ne mesure pas toujours, c’est la générosité parfois sans borne des membres. Comme celle d’Inès.

« Ma tante est maintenant en résidence. Je n’ai pas plus besoin d’aide, mais Inès continue à l’appeler pour sa fête et la visite parfois ! Elle est d’une générosité incroyable », confie Mme Raymond.

La grandeur idéale

Des histoires comme celle-là, Michel Gaudreault, cofondateur de l’organisme, pourrait en raconter des heures durant.

En 1995, année de la création de la BECS, les principes d’écologie sociale étaient dans l’air du temps. On parlait d’esprit de communauté, de liens sociaux, de valorisation de l’individu et de ses savoirs. Inspirés par des initiatives d’ailleurs, Michel Gaudreault et deux de ses amis ont ainsi eu l’idée de créer un réseau de solidarité ici, à Montréal.

« On ne voulait pas faire de la charité, mais fonder un réseau de réciprocité. On voulait créer une équité entre les personnes. Une heure, c’est une heure pour tout le monde. Il n’y a pas de spéculation possible, c’est une valeur pure », dit Michel Gaudreault, fonctionnaire à la retraite.

Ainsi est née la BECS, devenue organisme à but non lucratif en 1996. À ses débuts, il n’y avait qu’une quarantaine de membres, mais elle a rapidement atteint la marque des 200 membres au tournant des années 2000. Depuis 2021, la comédienne Eve Landry est son ambassadrice.

Sans surprise, la pandémie a réduit les activités du réseau, qui se faisaient en majorité en présentiel. Mais son noyau actuel de 120 membres répartis dans la grande région de Montréal (jusqu’à Lanaudière !) est toujours aussi actif. Lors de la dernière année, l’organisme a répertorié presque une transaction par jour (360, pour être exact) pour un total de 3318 heures de services rendus.

Nous croyons à une grandeur de réseau idéale. Un réseau de milliers de personnes dénaturait la notion de proximité. On préfère un petit réseau avec des personnes très impliquées qu’un gros réseau avec des personnes moins investies.

Michel Gaudreault, cofondateur de la BECS

Justement, n’entre pas dans la BECS qui le veut. Il faut démontrer son engagement, pouvoir consacrer suffisamment de temps à la réalisation des échanges et, le plus important, avoir un service à offrir.

Micheline Raymond, par exemple, connaissait l’organisme longtemps avant de s’y inscrire, en 2014. « Avant, j’avais l’impression que je n’avais rien à offrir au groupe. Je ne voulais pas être juste un nom dans le réseau. Je voulais pouvoir donner quelque chose de concret », raconte-t-elle.

Lorsque son conjoint a reçu un diagnostic de la maladie de Parkinson, il y a de cela plusieurs années, elle a étudié la massothérapie pour l’aider à rester actif. Elle avait finalement trouvé son service ! « La massothérapie est un soin qui coûte cher. Je suis contente de pouvoir l’offrir gratuitement et, en retour, savoir que je pourrai compter sur quelqu’un si j’en ai besoin. »

Quelqu’un comme Inès.

Consultez le site de la BECS