Alors que le festival Fierté Montréal bat son plein, des parents d’enfants qui s’identifient à la communauté LGBTQ+ s’ouvrent sur leur réalité. Chaque jour cette semaine, l’un d’eux fait part de ce qu’il a appris du parcours de son enfant. Aujourd’hui, Jean Couvrette parle de sa fille Noée, qui a longtemps été en recherche identitaire et s’identifie maintenant comme une femme trans non binaire.

Noée a 14 ans lorsqu’elle fait une annonce importante à son père : elle veut délaisser son identité en tant que Noé pour devenir Noée avec un e (et adopter le pronom « elle »).

Le choc est immense : « J’étais dans le néant, raconte Jean, un facteur de 49 ans de Montréal. Je me suis dit que je n’y arriverais pas, que j’allais partir et les abandonner. » Il ne l’a pas fait. Il a plutôt tenté de comprendre et a « ouvert [son] cœur »… pour assister à l’épanouissement de sa fille, qui a aujourd’hui 17 ans. « Me fermer et fuir aurait été la pire erreur de ma vie ! » Voici le regard que pose Jean sur son parcours des quatre dernières années.

Communication

« Il faut poser des questions, mais surtout, être à l’écoute. » Jean se décrit comme un père « très proche de ses deux enfants ». Pour lui, les soupers en famille, sans écran, représentent une fierté. « Nos liens sont forts. On a toujours écouté nos enfants et je pense qu’ils se sont toujours sentis soutenus. » Le changement d’identité de Noée ne s’est pas fait sans heurts, mais Jean a choisi de garder la même philosophie. « Un jour, elle avait un rendez-vous à Sainte-Justine avec un endocrinologue. Je me suis dit : “Soit je l’accompagne et j’essaie de comprendre, soit je pars.” » Cette conversation-là, dans la voiture, est un tournant pour Jean. « On a jasé tout le long et Noée a démystifié beaucoup de choses. »

Masculinité

« Comme homme, c’est confrontant. Au départ, j’ai pensé que cela atteignait ma masculinité. » De la honte à la culpabilité, Jean raconte qu’il a « cherché à comprendre » et à trouver des causes à la recherche identitaire de son enfant. En vain. « Les gens pensent que c’est une mode, que c’est quelque chose qui va passer. Mais c’est tout le contraire : c’est un processus et dans le cas de Noée, ce n’était pas un coup de tête. C’était très réfléchi. Ça partait d’elle et c’était profond. »

Relation

« Elle a vu le cheminement que j’ai fait et je pense que notre relation est meilleure qu’avant. » Une fois que Noée a pris son envol, la relation père-enfant s’est améliorée, note Jean. « Étant donné que j’ai fait un grand cheminement, et qu’elle a constaté cela, on dirait qu’elle voit davantage mes qualités que mes défauts maintenant ! Et c’était plus rare qu’on se colle et qu’on se donne des câlins avant, mais c’est plus fréquent aujourd’hui. On est tous les deux à l’aise et ça va super bien. »

Amour

« C’est mon amour pour mon enfant qui m’a donné la force et le courage d’avancer. » Alors qu’il avait des doutes, des questions, des préoccupations et bien des inquiétudes en lien avec la transition de son enfant, Jean souligne que c’est l’amour qui lui a permis d’évoluer. « Elle m’a donné une leçon d’humilité. Elle m’a donné la force de grandir. Il fallait que j’avance, que j’aie le courage de changer ma façon de voir les choses. » Très ému, il s’interrompt, avant d’ajouter : « Au fond, Noée est la même personne qu’avant. Elle est juste plus heureuse et plus épanouie. Elle est elle-même. »