C’est une idée toute bête, mais plutôt attachante : un couple de Shannon récupère des cordes d’escalade en fin de vie pour les transformer en laisses et longes pour chiens. Un point de dépôt vient d’être inauguré à Montréal et devrait aider la microentreprise temporairement parvenue au bout du rouleau faute de matière première.

Tout est parti d’un Sushy. Ce labrador adopté par Marie-Eve Pelchat et Jean-Daniel Paquet, qui a sans doute la fibre du plein air, a eu droit à une laisse pas comme les autres. Ses maîtres avaient en effet acheté de la corde d’escalade vendue au mètre en magasin, noué un nœud grossier et affublé le tout d’un vieux mousqueton qui traînait à la maison. « Les autres propriétaires de chiens autour de nous ont vu ça et trouvaient que la prise en main était agréable et souple. On nous demandait comment s’en procurer », raconte Mme Pelchat, une kinésiologue qui s’est déjà essayée à l’escalade de bloc.

Le couple a rapidement attaché les demandes et les besoins ensemble : et si cette laisse en corde de varappe devenait une étoile montante dans le monde canin ? Il n’était cependant pas à l’aise avec l’idée d’utiliser du matériel neuf et de produire davantage de rebuts. Mais M. Paquet, en tant qu’ancien grimpeur, savait très bien que les cordes d’escalade ont une durée de vie limitée et finissent régulièrement dans des bennes, cessant d’être sécuritaires pour une utilisation sportive, même si leur état paraît toujours excellent. Pourquoi ne pas les récupérer et changer leur vocation ?

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE PATH

Des clients envoient régulièrement des photos de leur chien avec leur nouvelle laisse. La corde n’est certes plus sécuritaire pour l’escalade, mais elle est toujours assez résistante pour retenir un gros pitou.

Début 2020, Mme Pelchat et M. Paquet ont donc mis les pattes dans les centres de grimpe autour de la capitale, comme Délire Escalade, qui a offert avec enthousiasme des lots de cordes fatiguées, puis officiellement lancé leur microentreprise, baptisée Path. Ensuite, vous savez quoi est arrivé, fermant les salles d’entraînement, rompant les liens et forçant le couple à se tourner vers les particuliers, en lançant des perches par le truchement des associations et réseaux.

La fibre de la récupération

Le concept a vite séduit la clientèle, avec différents diamètres et couleurs, selon le type de corde disponible, mais aussi diverses longueurs (une poignée à 25 $, une laisse de 5 pi à 30 $, une autre de 10 pi à 35 $) ; des tailles sur mesure pouvant également être demandées.

Les boucles aux deux extrémités, d’abord cousues à la main et résistant déjà à une tension de 750 lb, sont désormais fixées avec de la broche et collées, les rendant encore plus solides.

Régulièrement, des chiens des quatre coins du Québec publient des autoportraits avec leur laisse « neuve-usagée » sur la page Facebook de la mini-entreprise. Mais ces derniers temps, ça sent la fin de rouleau temporaire, le stock de cordes s’étant épuisé. La boutique a ainsi dû s’exclamer « À sec ! », pour reprendre la formule consacrée lancée par les grimpeurs exténués sur les parois.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE PATH

Les cordes d’escalade sont souvent vivement colorées, ce qui donne un certain style à ces laisses. La disponibilité des coloris est, bien entendu, tributaire des dons de corde.

« La réponse des donateurs particuliers a été très bonne, mais pour récupérer les cordes à Montréal, c’était un peu loin. En ce moment, nous n’avons pas de stock et beaucoup de gens sont en attente », indique Marie-Eve Pelchat, qui réside à quelque 250 km de la métropole. C’est ici que la Fédération québécoise de la montagne et de l’escalade (FQME) est intervenue pour donner un peu de corde au projet, aux sens propre et figuré : depuis le 19 juillet, une malle a été installée à Montréal pour que les athlètes locaux puissent y déposer leur matériel en bout de course. À intervalles réguliers, son contenu sera envoyé chez Path qui, en passant, cède 10 % de ses bénéfices aux Chiens Togo, un organisme qui éduque des pitous orphelins pour les transformer en animaux d’assistance psychologique.

On le répète : faire du neuf avec du vieux, c’est parfois tout bête, surtout quand on a du chien.

Le point de dépôt à Montréal : FQME, entrée RLSQ, au 4545, avenue Pierre-de-Coubertin.
Pour les dons de corde dans la région de Québec, contactez Path directement.

Consultez la page Facebook de Path

Quand couper la corde ?

Comment savoir si une corde d’escalade n’est plus bonne pour grimper ? Il y a beaucoup de variables, dont la fréquence et le type d’utilisation. Éric Lachance, directeur général et ancien directeur formation à la FQME, nous rappelle les principes de base.

  • Systématiquement consulter les recommandations du fabricant pour estimer la durée de vie.
  • Cesser l’utilisation après une chute particulièrement violente (de facteur 2).
  • « Après un contact avec des produits chimiques [ex : lavage à l’eau de Javel], les fabricants s’entendent tous pour dire qu’il faut la changer », souligne le directeur de la fédération.
  • Surveiller l’usure : « Aussitôt qu’on voit l’âme de la corde [la partie intérieure], ou si elle est devenue hyper rigide et ne reprend pas sa forme, ce sont des signes qu’il faut la remiser », indique M. Lachance.