Qui a dit que les drag-queens étaient des créatures de la nuit confinées au monde des bars ? Certainement pas Barbada de Barbades ! Après avoir consacré le mois de mai aux tournages de Call Me Mother, une compétition de drag nouveau genre, et animé un spectacle 40 fois en 10 jours à Juste pour rire, la Montréalaise s’apprête à tourner une émission jeunesse. 

« Ce sera une première au Québec : une drag-queen qui anime une émission pour enfants », affirme fièrement Barbada, alias Sébastien Potvin, qui enseigne la musique au primaire et lit des contes dans les bibliothèques depuis des années. « Le projet était au stade de création depuis 2017. Il a été retardé par la pandémie, mais on vient d’avoir le go pour aller en production. Ce sera probablement diffusé sur une plateforme web. »

La drag-queen sera aussi l’une des vedettes de la chaîne OUTtv, qui diffusera à l’automne Call Me Mother, une téléréalité durant laquelle des drags canadiennes de tous genres (drag-queens, drag-kings, bio queens, etc.) relèveront d’innombrables défis en équipes.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Barbada dans sa loge

« Contrairement à Drag Race, où chaque participante est en compétition en solo, Call Me Mother est plus familiale, dit-elle. Ça reste une téléréalité, mais c’est plus humain. On prend le temps de découvrir chaque personne. C’est aussi plus inclusif. Ça me ressemble davantage. »

Parmi les grandes

Au début de l’aventure, les participantes sont sélectionnées dans l’une des maisons (houses) dirigées par trois icônes : Peppermint, une drag américaine connue durant la neuvième saison de RuPaul’s Drag Race, Crystal, une drag canadienne révélée durant la première saison de Drag Race UK, ainsi que la Québécoise Barbada.

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Barbada de Barbades

Quand j’ai su qui étaient les deux autres têtes d’affiche, la pression est montée d’un cran ! Je me suis dit : “Attends une minute. Je suis placée à leur niveau ? Même sans avoir participé à ce genre d’émission avant ?” J’ai parfois tendance à me dévaloriser, mais j’ai vite constaté qu’on a tous nos forces et nos faiblesses.

La drag-queen Barbada de Barbades

Après quatre jours de tournage, Barbada a compris qu’elle apportait non seulement une spontanéité non formatée par les émissions à franchise, mais également un talent, une expérience et un réel souci de prendre soin des « enfants ». « La production était très à l’écoute, mais j’ai senti que les jeunes artistes n’osaient pas dire ce qui leur plaisait moins, de peur que ça nuise à leurs chances de poursuivre l’aventure. Moi, je ne pouvais pas être éliminée, alors je suis allée voir la production pour parler de ce qui ne fonctionnait pas. »

Du début à la fin, elle a été une joueuse d’équipe. « On prépare tous les défis ensemble. À l’écran, le processus de création sera très présent. Quand on compétitionne en groupe, on n’a pas le choix d’échanger entre nous et d’expliquer aux autres ce qu’on a en tête. »

De North Bay à Montréal

Alors qu’elle rentrait d’un mois de tournage en Ontario, Barbada a reçu un appel d’Alex Perron. En effet, l’humoriste et metteur en scène lui a proposé d’animer le Show drôlement musical, un spectacle de Juste pour rire qui lui a valu des critiques élogieuses à la mi-juillet.

Au cours de l’été, Barbada a aussi été engagée par le Festival de Lanaudière pour créer 10 capsules éducatives sur la musique classique destinées aux enfants de 6 à 12 ans. Le reste de son agenda est composé de spectacles, de drag brunchs, d’animation de mariages et de séances d’enregistrement du balado Big, Black and Beautiful avec la drag-queen Gabry Elle.

Quand les fans de Canada’s Drag Race demandent à Barbada quand elle s’inscrira à l’émission, la drag-queen a une réponse toute prête. « Ma comparaison est peut-être tirée par les cheveux, mais ce serait comme si on demandait à Lara Fabian de s’inscrire au Festival de la chanson de Granby en 2021 ! dit-elle sans prétention. À mes yeux, j’ai déjà fait mieux que Drag Race. »

Un saut dans le vide

Pour vivre l’aventure Call Me Mother, la drag-queen a perdu tous ses acquis en enseignement. Après avoir demandé un congé sans solde d’un mois pour le tournage, plaidé sa cause auprès du directeur des ressources humaines de sa commission scolaire et proposé de filmer ses cours sur vidéo pour que ses élèves continuent leurs apprentissages avec lui en présence d’un remplaçant, Sébastien Potvin a frappé un mur.

« Ils n’ont rien voulu savoir, dit-il. Après 16 ans à travailler avec eux et à donner du temps très souvent non payé, lorsque j’ai eu besoin d’un petit quelque chose, j’ai eu une fin de non-recevoir. Comme je ne pouvais pas passer à côté de Call Me Mother, j’ai choisi de mettre ma carrière d’enseignant sur reset. »

Ce n’est toutefois pas en septembre prochain que Sébastien Potvin recommencera à zéro. « Avec tous mes projets qui s’en viennent à l’automne, dont les auditions pour le film de la réalisatrice Sophie Dupuis sur l’univers de la drag, je dois être disponible. J’ai donc décidé de prendre une pause de l’enseignement. » C’est dommage pour ses élèves, mais pas pour les centaines de milliers de personnes qui auront l’occasion de la voir briller de tous ses feux…