Photographe de 29 ans, Simon Émond a réalisé, il y a deux ans, n’être ni un homme ni une femme. Originaire du Lac-Saint-Jean, l’artiste autodidacte qui se dit « transidentitaire » connaît une ascension professionnelle en partie liée au bien-être ressenti depuis la révélation de sa non-binarité.

Invariablement, la vie réserve de bonnes surprises à ceux et celles qui décident d’aller de l’avant en affirmant fièrement leur unicité. C’est le cas de Simon Émond, qui expose ses œuvres, depuis la mi-juillet, dans le cadre d’une expo collective présentée dans la nouvelle galerie Jano Lapin, à Verdun.

Œuvres exposées chez Jano Lapin
  • Sans titre, série Rebâtir le ciel, 2020, Simon Émond, photographie numérique

    PHOTO FOURNIE PAR L’ARTISTE

    Sans titre, série Rebâtir le ciel, 2020, Simon Émond, photographie numérique

  • Sans titre, série Rebâtir le ciel, 2020, Simon Émond, photographie numérique

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    Sans titre, série Rebâtir le ciel, 2020, Simon Émond, photographie numérique

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Quand La Presse a rencontré Simon Émond au square Saint-Louis, l’artiste arrivait de Métabetchouan, pour apporter ses photographies à la galeriste Anne Jano. Premiers mots échangés. Sa voix est douce, posée et délicate.

Simon Émond se définit comme « créateurice ». Ni créateur ni créatrice. Entre les deux ? Non, ailleurs.

L’artiste souhaite qu’on utilise le néologisme « iel » à la place de « il » et « elle », pour décrire la réalité de son identité de genre. Mais ce n’est pas encore dans les mœurs. « C’est parce que je n’ai pas de genre, affirme Simon Émond. Le genre construit autour de notre sexe n’est que du langage. On nous a éduqués de façon binaire. On serait un ou une. Cette distinction me fait violence dans mon identité. Je suis transidentitaire. »

Réfléchir à son identité

Cette transidentité – une particularité tout à fait naturelle depuis des lunes dans bien des premières nations de la planète – a longtemps fait souffrir Simon Émond. « J’avais une anxiété généralisée. Je ne comprenais pas pourquoi. Quand j’ai commencé le projet de Rebâtir le ciel, j’ai compris ce que je n’arrivais pas à nommer. Ça m’est rentré dedans comme un tsunami. Comme si je voyais enfin clair. »

Rebâtir le ciel est le livre que Simon Émond a publié à compte d’auteur l’an dernier, avec Michel Lemelin, également transidentitaire. Il s’agit d’une combinaison de photos de Simon Émond et de textes de Michel Lemelin qui découlent de témoignages de membres de la communauté LGBTQ+ du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Un ouvrage sensible qui connaît un bon succès de librairie, pour un livre à compte d'auteur.

Consultez le site de Rebâtir le ciel
  • Couverture de Rebâtir le ciel, de Simon Émond et Michel Lemelin

    PHOTO SIMON ÉMOND, FOURNIE PAR L’ARTISTE

    Couverture de Rebâtir le ciel, de Simon Émond et Michel Lemelin

  • Intérieur de Rebâtir le ciel

    PHOTO SIMON ÉMOND, FOURNIE PAR L’ARTISTE

    Intérieur de Rebâtir le ciel

  • Intérieur de Rebâtir le ciel

    PHOTO SIMON ÉMOND, FOURNIE PAR L’ARTISTE

    Intérieur de Rebâtir le ciel

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Les entrevues avec des personnes LGBTQ+ ont fait réfléchir Simon Émond à propos des caractéristiques de son identité, jamais abordées avec ses parents ou sa sœur. « J’ai vécu comme j’étais, sans avoir le besoin de me justifier. Le monde sentait qu’il y avait quelque chose d’intériorisé en moi. On disait : “Il est gai.” C’est comme ça qu’on nommait les choses. Hétéro ou gai. Aujourd’hui, heureusement, le spectre est plus large. »

Simon Émond dit être sans genre dans un système « économique et social » qui lui en a imposé un, ce qui l’a fait énormément souffrir. « J’étais le souffre-douleur de mon école. Les profs et la direction ne faisaient rien. On me disait efféminé. On réprimait ça, car le féminin n’était pas dans un corps de fille. Dès que j’ai eu 4 ans, le mot “fif” est apparu. À cause de mon ton de voix et du fait que je jouais autant avec des Barbie qu’avec des petites voitures. »

Se déconstruire

Simon Émond ne se définit pas comme une personne homosexuelle puisque cette étiquette est attachée aux hommes qui aiment les hommes. L’artiste dit avoir des envies pour des personnes intéressantes, pas pour un sexe donné. Pour saisir sa réelle identité, il a fallu que Simon Émond se « déconstruise » à l’aide d’une psychothérapeute.

Une identité est une combinaison unique de caractères. Sur la couverture de Rebâtir le ciel ont été imprimés des mots liés à l’astronomie, car la variété des identités est plus vaste que le cosmos, dit l’artiste.

Simon Émond est persuadé que des mots seront adoptés un jour pour refléter la réalité des identités bafouées. « On dira par exemple : bonjour à toustes, dit l’artiste. L’organisme Les 3 sex a même sorti un guide, Apprendre à nous écrire, pour démasculiniser l’orthographe. »

Consultez le site de l'organisme Les 3 sex

Barbe et maquillage

Avant de publier Rebâtir le ciel, Simon Émond n’avait jamais songé à se maquiller. Maintenant l’artiste ose mettre du mascara sous les yeux, mais conserve sa barbe et s’épanouit grâce à la photographie. Sa compagne quotidienne depuis 2012.

Cette année-là, Simon Émond a loué le magasin général abandonné de son village natal pour ouvrir un studio photo… sans avoir jamais fait de photographie ! « Je me suis acheté un appareil avec le reste de mes prêts et bourses. J’ai découvert que j’avais un regard particulier. La lumière me fascine. Mon œil est attiré comme un phalène. Je ne regarde pas une maison, je regarde la lumière qui se dessine sur la maison. »

  • Sans titre, série Passer Noël, 2019, Simon Émond, photographie numérique

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    Sans titre, série Passer Noël, 2019, Simon Émond, photographie numérique

  • Sans titre, série Noir sirène, 2019, Simon Émond, photographie numérique

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    Sans titre, série Noir sirène, 2019, Simon Émond, photographie numérique

  • Sans titre, série Noir sirène, 2019, Simon Émond, photographie numérique

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    Sans titre, série Noir sirène, 2019, Simon Émond, photographie numérique

  • Sans titre, série Portrait, 2017, Simon Émond, photographie numérique

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    Sans titre, série Portrait, 2017, Simon Émond, photographie numérique

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Simon Émond a découvert petit à petit le milieu de l’art contemporain, obtenant prix, bourses et résidences artistiques. Son solo au Zoom Photo Festival Saguenay, en 2018, lui a fait prendre son essor. Sa renaissance en tant que trans a mis son art en phase avec son identité.

Je me sens mieux. J’ai l’impression que j’accueille plus les autres dans ma vie depuis que je ne suis plus dans une identité qui n’était pas la mienne.

Simon Émond

Le désir de créer motive l’artiste qui veut aussi ouvrir des portes à la communauté transidentitaire, car de plus en plus de personnes découvrent que leur identité ne cadre pas avec la dualité homme-femme. « Les choses changent, dit Simon Émond. Dans quelques décennies, on parlera de cette révolution du genre qui se poursuit. »