Sans défilé ni grand rassemblement, la Saint-Jean n’est pas encore la fête à laquelle nous étions habitués, mais on s’en rapproche. Entre les fêtes de quartier, des spectacles intimes et même un cirque de ruelle, les Montréalais font preuve de créativité pour célébrer, en petits groupes, leur fête nationale.

Cette année, la fête nationale évoque un mot à Delphine Marchand-Roy : bourgeon. Un mot tout simple, mais qui dit tout. « C’est l’espoir d’un Québec nouveau, d’un éveil », dit-elle.

Entre une pandémie et divers mouvements de revendications sociales, « ça a chauffé », ces derniers mois, au Québec. Aujourd’hui, alors que la vaccination roule à plein régime et qu’on se permet d’envisager un retour à la normalité, la province est à la croisée des chemins, croit Delphine. Mais quelle voie choisira-t-elle ?

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Delphine Marchand-Roy

Je trouve qu’on parle trop à la tête et pas assez au cœur. L’avenir d’un peuple, c’est sa culture. C’est ce qui nous rassemble. Pas des politiques, des calculs, des arguments rationnels.

Delphine Marchand-Roy

C’est justement pourquoi la jeune femme – indépendantiste assumée – et ses amis organisent un spectacle pour la fête nationale. Jeudi, des artistes émergents offriront aux passants du parc Laurier une performance intime et, bien entendu, 100 % québécoise.

« C’est important pour nous de valoriser la culture et d’en faire la promotion à la Saint-Jean. Et en même temps, de faire du bruit pour célébrer ! », ajoute Alex Valiquette, coorganisateur de l’évènement et membre du Mouvement des jeunes souverainistes.

PHOTO ALEXIS AUBIN, LA PRESSE

Mélissa Maya Falkenberg

« Mon Québec, c’est ma ruelle »

« Mon Québec, c’est ma ruelle », lance Mélissa Maya Falkenberg. Jeune adulte, elle passait ses 24 juin au milieu d’une foule à danser pieds nus sur des chansons de Robert Charlebois.

Aujourd’hui maman, la Saint-Jean-Baptiste a pris pour elle un sens nouveau, cristallisé par la pandémie. « C’est vrai, je m’ennuie des grands concerts, mais dans ma nouvelle vie d’adulte, je cherche aussi quelque chose de plus simple », raconte-t-elle.

Comme un petit party dans sa ruelle de Rosemont.

L’été passé, je n’avais absolument rien organisé pour la Saint-Jean. Quand je suis sortie dehors, j’ai vu les gens de ma ruelle qui chantaient des classiques québécois. J’avais l’impression d’être dans une chanson de Beau Dommage. C’était vraiment beau.

Mélissa Maya Falkenberg

Cette fête improvisée a marqué le début d’un esprit de communauté « incroyable » entre ses voisins, affirme Mélissa. C’est donc sans surprise qu’ils renouvelleront l’expérience cette année encore, dans le respect des consignes sanitaires.

« Ça fait tellement du bien, des initiatives comme celle-là », souligne Mélissa, le sourire dans la voix.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Anouk Vallée-Charest

Un cirque dans sa cour

Ces derniers jours, l’artiste de cirque Anouk Vallée-Charest croule sous les contrats. Après un an et demi de pause forcée, Montréal reprend vie, et sa scène culturelle aussi. « C’est la folie ! C’est comme si tout le monde se réveille et veut un show ! », s’exclame-t-elle.

Mais son horaire chargé ne l’empêchera pas de monter un spectacle de la fête nationale pour les petits et grands de son voisinage. Le 24 juin, deux autres artistes de cirque, dont le jongleur Dominic Bouchard, se joindront à l’acrobate aérienne le temps d’un numéro privé dans leur ruelle de Villeray.

J’avais fait ça l’an passé aussi et c’était vraiment, vraiment hot. Les enfants étaient tellement contents.

Anouk Vallée-Charest

De son côté, Michel Pauzé, qui organise une célébration à l’occasion de la fête nationale dans le quartier du Plateau Mont-Royal depuis plus de 15 ans, a dû revoir ses façons de faire. Cette année, il invite les résidants et commerçants de l’avenue Laurier, entre Mentana et de Papineau, à décorer la rue aux couleurs du fleurdelisé. Des toiles géantes seront également exposées dans les vitrines des commerces.

« On a cherché à rassembler tout le monde, à être le plus ouvert possible. Tout le monde peut participer. Ça va être très beau », dit M. Pauzé, bénévole pour l’Association pour la promotion des arts sur le Plateau, qui chapeaute l’initiative.

Innover pour pouvoir célébrer

C’est vrai, ce n’est pas encore la Saint-Jean-Baptiste des retrouvailles, confirme Louise Harel, présidente du Comité de la fête nationale de la Saint-Jean à Montréal. Pour ça, il faudra attendre l’année prochaine.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Louise Harel est la présidente du Comité de la fête nationale de la Saint-Jean à Montréal

Mais ça ne veut pas dire qu’il faut oublier les célébrations pour autant. Simplement de les ajuster, avec un peu de créativité, afin qu’elles respectent les mesures sanitaires.

On voulait offrir une façon innovante et sécuritaire de célébrer la fête nationale, et aussi de s’émerveiller.

Louise Harel

Ainsi, elle et son comité ont eu l’idée d’un « défilé inversé ». Au lieu des traditionnels chars allégoriques, c’est la population qui défilera, jusqu’au 24 juin, dans le Quartier des spectacles, où seront exposées cinq installations interactives célébrant le Québec, son histoire et sa langue. Jeudi, la rue Saint-Denis accueillera aussi une exposition à ciel ouvert, réalisée en collaboration avec Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), qui retrace un siècle d’histoire de la fête nationale.

« Les Québécois n’ont jamais été aussi fiers de qui ils sont. La pandémie nous a encouragés à acheter, à consommer local. Il y a eu une conscience "Québec" », remarque Marie-Anne Alepin, présidente de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal. Les boîtes de décorations aux couleurs du Québec que la société donnait sont parties comme des petits pains chauds. « On avait 3000 boîtes et il n’en reste presque plus ! Les gens viennent les chercher avec enthousiasme », témoigne Mme Alepin.

Comme l’année dernière, le grand spectacle de la fête nationale sera enregistré sans public et diffusé sur les quatre grands réseaux de télévision le 24 juin. Sur le thème « Québec tissé serré », la soirée sera animée par Charlotte Cardin, Cœur de pirate, Louis-Jean Cormier, Corneille, Sarahmée et Samian.