Le jour des 8 ans de son meilleur copain, Justin s’est collé sur sa mère et lui a dit « je t’aime » avant de se sauver en vitesse. Il trépignait d’impatience à l’idée de fêter avec ses amis et de se baigner pour la première fois de l’année, ignorant que cette baignade serait sa dernière. Quelques heures plus tard, la vie a quitté son petit corps rempli d’entrain.

Cela fera bientôt quatre ans que l’horrible drame s’est produit. Ce jour de juin, alors que les enfants jouaient à « qui retient le plus longtemps son souffle », le gagnant a retenu le sien à jamais. Personne n’a pu réanimer Justin, pourtant si vigoureux et plein de vie. Pas même les parents du fêté, tous deux médecins.

Du jour au lendemain, tout a basculé, témoigne sa mère, Marie-Pier Savaria, dans un livre publié ces jours-ci. Un tsunami a frappé, raflant le bonheur, semant un profond sentiment d’injustice et plongeant les protagonistes dans une ronde de « si » et de « pourquoi » : « si j’avais su, si j’avais fait les choses différemment… Pourquoi nous ? »

« Au départ, je me suis demandé si on avait été punis d’avoir été si heureux avant », affirme Marie-Pier Savaria, pour qui ces évènements semblent encore si impensables, si irréels, parfois. Le choc crée une distorsion du temps, dit-elle. Il arrive que cet épisode semble s’être produit il y a 15 minutes. À d’autres moments, c’était il y a une éternité. Parfois, même, la vie se poursuit comme si de rien n’était avec cette façon de vouloir exister malgré tout.

Quand on vit quelque chose comme ça, on est soufflé par une espèce d’énergie qui nous pousse vers l’avant. Même dans les moments les plus creux, il n’a jamais été question pour moi d’aller le rejoindre. Justin a aussi deux petits frères qui ont besoin de leur maman. La vie se poursuit. Mais il est là à chaque instant pour moi, pour nous.

Marie-Pier Savaria

« Un jour, j’irai le rejoindre, mais d’ici ce temps-là, la vie continue à être remplie de belles choses pour nous. »

Renaître après la mort d’un enfant

Marie-Pier n’a jamais pu être la même après l’accident. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé, raconte-t-elle en précisant qu’il n’existe pas de mode d’emploi pour vivre un deuil. « J’étais une femme qui savait où elle allait. J’étais amoureuse, indépendante, forte et en contrôle. On aurait dit qu’il n’y avait rien à mon épreuve ! » C’était avant… Quelque mois après la mort de Justin, elle s’est heurtée à un mur, envahie par une anxiété handicapante, un sentiment de perte de contrôle et une vigilance extrême. Elle s’est résolue à demander de l’aide.

PHOTO JESSICA GARNEAU, LA TRIBUNE

Marie-Pier Savaria, autrice du livre Justin n’avait que 8 ans

La mort de Justin l’a transformée, estime-t-elle maintenant. De belle façon. L’amertume, de toute façon, n’aurait pu le ramener. « Aujourd’hui, je suis capable de remercier Justin de m’avoir permis d’apprendre à lâcher prise, à dire non et à mettre mes limites. Je ne suis pas la même Marie-Pier, mais j’ai retrouvé ma joie de vivre et mes aspirations. Je suis une meilleure personne et une meilleure maman grâce à lui. »

Trouver du sens dans le don d’organes

Les parents de Justin demeurent convaincus, à ce jour, que le meilleur a été fait pour sauver leur fils. Une fois la mort cérébrale constatée, ils ont accepté que Justin puisse faire don de ses organes.

Par un hasard, Marie-Pier avait justement abordé le sujet avec son fils quelques semaines avant sa mort. Justin avait donc signé sa carte d’assurance maladie.

Avec les dons d’organes qu’il a faits — son cœur, son foie et ses reins — quatre enfants de moins de 8 ans ont pu vivre. « C’est sûr que ç’a été une chose à laquelle on s’est beaucoup accrochés. Il est devenu notre héros. Ça nous permet de le savoir encore vivant à travers ces enfants. C’est le plus grand don qu’on puisse faire quand il n’y a plus d’espoir », indique Marie-Pier, qui a trouvé une mission dans la fondation qui porte le nom de son fils et qui vise entre autres à sensibiliser la population au don d’organes et de tissus.

Il existe beaucoup de désinformation à ce sujet, constate-t-elle. « Les gens n’ont pas tant une réticence à donner que des questions quant au fonctionnement. Il ne faut pas avoir peur d’en poser et d’en parler avec nos proches pour faire respecter leurs volontés. » Et même avec les enfants, qui seront les donneurs de demain.

Marie-Pier Savaria se permet aujourd’hui de dire que le bonheur est possible. Même après un tel drame. « Je me suis demandé si j’avais encore le droit de rire et d’aimer la vie. Ma réponse est oui. Je sais maintenant que mon fils ne sera jamais oublié à travers ce qu’on fait et les yeux de ceux qui l’ont aimé. »

La semaine du 18 au 24 avril est celle de la Sensibilisation au don d’organes et de tissus. Pour en savoir plus sur le sujet

Consultez le site de Transplant Québec

Consultez le site de la fondation Justin Lefebvre