Le bonheur est rarement facile ou permanent. Qu’à cela ne tienne, cet état de grâce est à la portée de tous, malgré les épreuves de la vie, voire grâce à elles. La Presse rencontre chaque semaine quelqu’un qui semble l’avoir apprivoisé.

Chantal Lacroix a passé sa vie à s’occuper du bonheur des autres. Elle a récemment décidé de prendre le sien en main. Sa quête est documentée dans une série de quatre épisodes intitulée Maintenant ou jamais et diffusée à Canal Vie depuis le 14 mai. Entretien avec une grande altruiste plus épanouie que jamais.

Sentant qu’elle s’était oubliée, que sa vie de fou cachait un grand vide et qu’elle était à quelques millimètres du gouffre, l’animatrice/conceptrice/productrice de 54 ans a voulu mettre sa vie sur pause. On pourrait dire qu’elle a commencé à pratiquer ce qu’elle prêche depuis toujours et qu’elle s’est enfin « choisie ».

« Cette expression qui est au cœur de mon message vient de ma mère, raconte l’enfant unique. J’étais à son chevet et elle m’a dit : “Tu sais, ton père et moi, on a toujours été très fiers de toi et de ce que tu fais, mais je vais te dire une chose : si tu ne te choisis pas, je ne sais pas qui va le faire pour toi.” Ça m’est resté. J’en ai même fait un bracelet. »

Celle que les Québécois associent évidemment à l’émission Donnez au suivant est tournée vers les autres depuis ses années de secondaire, surtout, où elle a développé l’habitude de prendre les laissés-pour-compte sous son aile. Et puis, elle a fini par faire de la bonté et de la générosité sa carrière. « Je me levais le matin pour procurer du bonheur. C’est pas le plus beau métier du monde ça ? »

Mais les dernières années ont été drainantes. « J’étais toujours en train d’aider, d’aider et d’aider. Je ne l’ai jamais fait avec regret. C’est ma nature. Mais il n’y avait plus de fin. “Tu ne peux pas sauver le Québec”, me disait mon mari. » La générosité de Chantal Lacroix a fini par atteindre ses limites. 

Aujourd’hui, je me trouve moins généreuse et je n’aime pas ça. Mais je dois me protéger.

Chantal Lacroix

Le premier grand changement que la femme de cœur a fait dans sa vie, pour tenter de retrouver joie et épanouissement, a touché à son couple. Elle s’est séparée de son mari, avec qui elle élève sa fille Camly, et s’est acheté une petite maison au bord de l’eau. Pour l’accompagner dans sa quête de bonheur, elle a consulté de nombreux professionnels. Maintenant ou jamais nous la montre en consultation dans les bureaux d’une série d’experts : psychologue, neuropsychologue, spécialiste du stress, hypnothérapeute, etc.

« Je n’avais pas l’intention de faire une émission de télé avec ce que j’allais vivre, nous assure celle qu’on voit souvent avec les yeux dans l’eau pendant les deux premiers épisodes. Mais on m’a dit que si j’avais le courage de le filmer, ça pourrait sans doute aider bien des gens. Je sens que je suis loin d’être seule dans cette quête de bien-être, en ce moment. Il me semble qu’on est à une espèce de tournant. Mon mode de vie à moi a complètement changé, en tout cas. »

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Chantal Lacroix : « Je n’avais pas l’intention de faire une émission de télé avec ce que j’allais vivre. Mais on m’a dit que si j’avais le courage de le filmer, ça pourrait sans doute aider bien des gens. »

Le psychologue Paul Simard est l’un de ceux qui ont aidé Chantal Lacroix à retrouver son chemin. « Il m’a dit de me reconnecter avec des lieux ou des activités que j’avais aimés, mais que j’avais arrêté de fréquenter ou de pratiquer pour toutes sortes de raisons. Je me suis souvenu qu’à 16 ans, j’avais un chum qui m’avait initiée au ski alpin. On s’est laissés et après, je n’y suis jamais retournée, parce qu’il n’y avait personne dans mon entourage qui skiait. Alors j’ai décidé de m’acheter une paire de skis ! »

C’est ainsi que Chantal s’est retrouvée dans la poudreuse autrichienne, cet hiver. Elle est aussi passée par Paris pour rencontrer l’auteure Raphaëlle Giordano, qui l’avait fortement marquée avec son roman Ta deuxième vie commence quand tu comprends que tu n’en as qu’une. À son retour d’Europe, l’état d’urgence sanitaire était déclaré.

« Le confinement, c’est le plus beau cadeau que la vie pouvait me donner. Je réalise que c’est comme s’il y avait deux sociétés en ce moment. Celle dans laquelle on vit bien la situation et celle dans laquelle les gens travaillent dans le tapis ou vont très mal. De mon côté, le confinement m’a permis de m’assurer que ce que j’avais mis en place tenait la route. Ça me laisse aussi le temps de poursuivre la réflexion amorcée. »

Maintenant, je sais que je n’ai plus envie de travailler 49 semaines par année et d’avoir 3 semaines de vacances. Je cours après quoi ? Qu’est-ce que j’essaie de prouver ? À qui ?

Chantal Lacroix

Dans la série, c’est le médecin Serge Marquis qui exprime le mieux la réponse à ces questions : c’est l’insatiable ego qui en veut toujours plus. Notre être véritable, lui, peut se contenter de bien moins. Il suffit de lui offrir notre attention, notre présence, notre conscience pour qu’il s’épanouisse.

Chantal Lacroix a décidé de se défaire de sa boîte de production. Fini le rythme de fou. Elle sent qu’il lui reste encore une émission à mettre au monde, puis basta. « Je ne peux pas faire de changements en continuant à vivre comme je vivais avant. Il y a des choses qu’il faut laisser derrière et dont il faut faire le deuil. C’est vraiment un deuil. C’est difficile. Mais j’ai envie d’un mode de vie plus équilibré. »

Maintenant ou jamais est présenté à Canal Vie les jeudis à 21 h, avec rediffusions. Les épisodes sont également offerts en ligne.

> Consultez le site de l’émission pour voir les épisodes

Questionnaire du bonheur

Après cet autoexamen particulièrement rigoureux, qu’est-ce que tu retiens d’essentiel à ton sujet ?

« J’aime profondément l’être humain et je suis une personne rassembleuse. Ça ne changera pas. Tout mon cercle d’amis est fait de personnes qui ne se connaissaient pas avant, mais qui sont maintenant amis entre eux. »

Dans toutes les approches que tu as essayées pour l’émission, qu’est-ce qui n’a pas fonctionné pour toi ?

« Je dirais que les longues méditations où je suis assise sur un coussin pendant 30, 40 minutes ne sont pas pour moi ! Je fais MA méditation. Elle n’est pas traditionnelle, mais elle me permet de me poser. L’autre jour, j’ai décidé de passer le râteau sur mon terrain, chose que je donnais toujours à contrat parce que je n’avais pas le temps. Ça m’a fait un bien fou. C’était peut-être une forme de méditation ça aussi. »

Ta plus belle découverte de confinement ?

« Je suis seule et je suis bien ! »