(Montréal) L’ennui que l’on ressent lorsque nous sommes privés de la compagnie de gens qui nous sont chers active les mêmes zones du cerveau que celles associées à la faim, a constaté le prestigieux Massachusetts Institute of Technology.

Des chercheurs ont en effet cartographié pour la toute première fois les zones du cerveau activées aussi bien par l’ennui que par la faim : dans les deux cas, il s’agissait des zones cérébrales associées à la récompense et à la motivation.

En cette période de confinement et de distanciation sociale, cette nouvelle étude, qui est publiée par bioRxiv, démontrerait donc que notre besoin de socialisation et de compagnie est aussi fondamental que notre besoin de nous alimenter.

« Ça ne me surprend pas, a réagi la professeure Cécile Van de Velde, du département de sociologie de l’Université de Montréal. Plusieurs individus que j’ai interrogés et qui étaient en souffrance de solitude [...] parlaient de la solitude avec des mots de la maladie. [...] Il y avait vraiment une idée de souffrance physique. »

Les chercheurs américains ont utilisé l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle pour étudier la réaction du cerveau de 40 adultes qui avaient été privés soit de nourriture, soit de contacts sociaux pendant dix heures.

On a ensuite présenté aux cobayes des images de leur aliment préféré, de leur interaction sociale préférée et, en guise de contrôle, de fleurs. Plus les sujets rapportaient une faim ou un ennui intenses, plus la zone cérébrale était fortement activée.

Qui plus est, un ordinateur à qui on avait appris à reconnaître les signaux de la faim a ensuite été capable de repérer les signaux de l’ennui, même si cela ne lui avait jamais été « enseigné ».

Les chercheurs en viennent donc à la conclusion que la faim et l’ennui suscitent des réactions cérébrales extrêmement similaires.

« J’ai entendu des métaphores proches de la soif et de l’asphyxie, a indiqué Mme Van de Velde. Ça ne m’étonne pas qu’il y ait cette connexion possible avec des besoins qui sont extrêmement physiologiques, parce que la façon dont les gens l’expriment, c’est extrêmement proche de la faim, de la soif, de la mort ou de la maladie. »

Le confinement actuel est une « épreuve collectivement d’isolement, a-t-elle ajouté. On peut être isolés, mais ne pas se sentir seuls. »

Certaines personnes s’accommoderont très bien de leur solitude, poursuit-elle, mais il s’agira habituellement de gens qui l’ont choisie. Pour d’autres, la solitude pourra être synonyme de souffrance, surtout si elle se manifeste dans toutes les sphères de la vie.

« Ceux qui étaient déjà beaucoup en lien et qui peuvent maintenir la connexion peuvent être dans une coprésence, a expliqué Mme Van de Velde. Mais là où c’est dramatique, c’est pour ceux qui étaient déjà isolés, dont les relations tenaient à de petites relations de sociabilité au travail ou dans le voisinage, et ça quand c’est coupé, il n’y a plus rien.

« Tout le monde ne vit pas une grande solitude en ce moment, mais elle est là, elle rôde autour de nous et on ne peut pas y échapper. »