Le commerce spécialisé en vente de jeux de la rue Saint-Denis, le Valet d’Cœur, est normalement plutôt désert un jeudi après-midi. Mais comme rien n’est normal ces jours-ci, familles, couples et colocataires se ruent aux portes des magasins de jeux de société, question de passer le temps d’isolement en s’amusant.

Entre les étagères, des clients scrutent les boîtes de jeu et choisissent minutieusement celui qui occupera leurs temps exceptionnellement libres.

« Je suis enseignant, alors disons que j’ai beaucoup de temps présentement. On s’en va au chalet pour une semaine », dit Stéphane Alvarez, qui tient entre ses mains le jeu de l’heure : Pandemic. Il faut croire que les gens ont un drôle de sens de l’humour, puisque c’est actuellement l’un des plus populaires. 

« Je vends tellement de casse-têtes ! Des dizaines par jour », s’étonne Lucie Emard, caissière au Valet d’Cœur depuis une quinzaine d’années. Elle raconte, amusée, qu’un homme a acheté quatre casse-têtes de 5000 morceaux : « Un pour chacun de ses enfants ! 5000 morceaux, il voulait vraiment les occuper ! »

Antoine Quesnel et Sarah-Claire Caron avaient arrêté leur choix sur Dixit, un jeu d’énigmes de cartes illustrées.

Je suis venu en acheter lundi, et je reviens aujourd’hui. J’aime vraiment beaucoup les jeux. Je préfère ceux de stratégie, mais Dixit, c’est un jeu pour toute la famille, plus simple. Alors on achète celui-là aujourd’hui.

Antoine Quesnel

À la caisse, une cliente refuse de prendre le reçu que lui tend Lucie de ses mains gantées.

« Il y en a beaucoup qui ne veulent pas prendre la facture », glisse-t-elle après avoir salué la cliente.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Lucie Emard (à gauche), caissière au Valet d’Cœur depuis une quinzaine d’années

« Normalement, à ce temps-ci de l’année, c’est plutôt des habitués qui viennent au magasin, mais là, c’est une clientèle variée, comme quand c’est les vacances, observe-t-elle. Les gens achètent des jeux pour les familles, pour différents groupes d’âge. On vend aussi beaucoup de jeux pour jouer à deux, évidemment. »

Évidemment, à moins de vivre à plusieurs personnes sous le même toit, les jeux de groupe ont moins la cote en cette période de distanciation sociale.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Stéphane Alvarez

Jeu-questionnaire en direct

Contraint de fermer temporairement ses pubs ludiques, le Randolph a trouvé une solution pour s’assurer que le sevrage forcé de ses adeptes ne soit pas trop pénible. Ainsi, tous les mardis et jeudis, le comédien Normand D’Amour, cofondateur du Randolph, anime désormais des jeux-questionnaires en direct sur Facebook : à 15 h 30 pour les familles et à 19 h 30 pour les adultes.

Lors de sa première performance, jeudi après-midi, le comédien était lui-même impressionné par la réaction des internautes ayant répondu à l’invitation par milliers.

« La famille Boisclair ! La famille Gagnon est là ! Wow ! Il y a du monde, je suis content ! C’est cool, ça n’arrête pas ! » énumérait-il, plein d’enthousiasme, à mesure que les familles commentaient en direct sous la vidéo du jeu-questionnaire pour se déclarer « présentes ! ».

Le Randolph tient des soirées de jeu-questionnaire dans ses pubs chaque semaine depuis huit ans. Avec cette initiative, la tradition peut se poursuivre, en plus d’offrir la chance aux familles de participer.

« Ce qu’on aime, c’est qu’on offre une activité aussi pour les enfants, et les parents peuvent avoir un break d’une heure pendant que les enfants vont faire le jeu-questionnaire », se réjouit Joël Gagnon, cofondateur du Randolph.

Et pour le soir, ça va être un gros get together. On a vu dans les commentaires des gens qui vont s’appeler et faire des équipes à distance ! Écoute, c’est magique. On s’entraide et ça va être un jeu-questionnaire version quarantaine. Normand va être 100 % autonome, alors ça va durer le temps qu’il faut.

Joël Gagnon, cofondateur du Randolph

À la boutique Randolph de Villeray, la caisse ne dérougit pas non plus. Ça roule à fond de train, tant la vente de jeux que le service de location — semblable au concept d’un club vidéo d’une époque pas si lointaine.

« Pour la location de jeux, on s’assure de mettre les jeux en “quarantaine” quand ils reviennent, assure M. Gagnon. Les gens viennent aussi faire des réserves en boutique, au cas où on devrait fermer. Les jeux deviennent plus essentiels que jamais. Oui, on a Netflix, mais à un moment donné, il y a un bout à être tout le temps devant un écran. »

À essayer

Les huit suggestions de Joël Gagnon, responsable de l’édition des jeux du Randolph

• Wasabi — 2 à 6 joueurs

« C’est un jeu extrêmement populaire dans les écoles et les familles. Ça se joue avec des dés. C’est vraiment simulant parce que tu penses toujours que tu es sur le bord de gagner, mais tes adversaires peuvent t’envoyer des dés et tout changer entre chaque tour. Tant qu’à jouer à Uno, allez jouer à ça, c’est beaucoup plus excitant. »

• Poule-Poule — 2 à 8 joueurs

« C’est un jeu magnifiquement illustré, un jeu de réflexes et de calculs. Tout ce qu’on a à faire, c’est de compter cinq œufs grâce aux actions des cartes avec des œufs, des poules et des renards. Ils ont mis dans le jeu des personnages supplémentaires. Donc tu as l’impression de ne jamais avoir fait le tour. Il y a quelque chose de très chaleureux dans ce jeu qui semble enfantin au départ, mais qui se complexifie à mesure que tu avances. »

• Zombie Kids — 2 à 4 joueurs

« C’est un jeu évolutif. On joue ensemble contre les zombies et à chaque partie, on gagne des autocollants qui nous font progresser. À mesure qu’on joue des parties, on ouvre des enveloppes qui donnent des habiletés spéciales aux zombies — ça prend environ deux parties pour gagner une enveloppe. C’est un jeu universel qui n’a pas trop l’air bébé non plus. »

• Pandemic — 2 à 4 joueurs

« Pandemic, c’est un choix thématiquement intéressant pour le moment. Il se joue bien à deux. C’est une heure par partie environ et ça met en perspective ce qu’on est en train de vivre. »

• Patchwork — 2 joueurs

« C’est un jeu dans lequel il faut construire une courtepointe avec des tuiles de jeu de tissus et de boutons. C’est un beau petit jeu intéressant, très aimé des adultes. »

• Corridor — 2 à 4 joueurs

« Les jeux Gigamic sont des jeux abstraits en bois un peu comme les échecs. Leur plus populaire est Corridor, qui est un jeu de labyrinthe. On essaie d’avancer de l’autre côté du plateau, mais on place des murs pour bloquer son adversaire sans pouvoir l’enfermer. Ça a l’air simple, mais on peut jouer des centaines de parties. »

• Sherlock Holmes Détective Conseil — 1 à 8 joueurs

« C’est un jeu plus ambitieux dans lequel on est les francs-tireurs et on doit aider Sherlock Holmes à résoudre des mystères. Il se joue bien à deux parce que c’est plus tranquille et le jeu devient presque un troisième joueur. C’est presque un roman à lire à deux. Les règles ne sont pas complexes, mais l’histoire est extrêmement bien ficelée. »

• Goblivion — 1 ou 2 joueurs

« C’est un jeu de construction de paquets de cartes de style [jeu de tours défensives], tower defense. On doit défendre notre château. C’est un jeu conçu pour jouer seul, mais il peut se jouer à deux. Il faut ajuster notre stratégie à chaque partie, parce qu’il y a des niveaux de gradation de difficulté. C’est un jeu super bien conçu — par un gars de Québec — très malin à jouer. Pour gagner, il faut avoir joué plusieurs parties. C’est un bon challenge. »

En ligne

De nombreux magasins ont une boutique en ligne ; une option à privilégier dans les circonstances actuelles, tant pour encourager l’achat local que pour limiter ses déplacements. Bien des jeux ont aussi une variante électronique que l’on obtient par une application à télécharger.

> Consultez le site du Randolph

> Consultez le site du Valet d’Cœur

> Consultez le site de la boutique Société Jeux

> Consultez le site de Renaud-Bray

> Consultez le site d’Archambault