L’une roule des yeux en clamant que « c’est juste une grippe » ! L’autre rouspète quand ses activités sont annulées et tient à voir ses amis. Comment faire en sorte que les ados mesurent l’ampleur de cette pandémie et agissent en conséquence ?

« Exaspéré », c’est le mot qu’a choisi un père de famille pour qualifier son état d’esprit à l’égard de ses ados insouciants face à la COVID-19. « Ça fait trois jours [que], comme parents, on s’obstine avec nos deux ados et qu’on passe pour les seuls parents ingrats qui limitent les activités et les sorties », écrit-il sur Facebook. L’argument massue de ses ados ? Celui qu’on a tous entendus : « tous leurs amis » ont des parents moins liberticides.

Ce papa a expliqué à ses enfants comment un virus se propage. Il demande aux autres parents « de mettre des limites » à leurs ados qui pensent comprendre la menace, mais qui sont toujours prêts à « aller chiller » avec leurs amis.

Le comportement des ados n’est pas anodin. Lundi, le directeur national de santé publique, Horacio Arruda, leur a demandé de s’abstenir de partager une bière ou de faire des « échanges biologiques »… Mardi, le premier ministre du Québec, François Legault, a ajouté que ce n’était pas le moment de faire des partys et a demandé aux célébrités appréciées des ados de les inciter à écouter les directives gouvernementales.

Impression d’invincibilité

Si les ados se croient souvent invulnérables, c’est le propre de leur âge, rappelle la neuropsychologue Johanne Lévesque. Les informations qui circulent tendent à leur donner raison : les jeunes en santé ne font pas partie des populations les plus exposées à des complications graves ou à la mort… « Ça peut renforcer leur perception [d’invincibilité] », observe-t-elle.

La psychologue et autrice Ariane Hébert souligne par ailleurs que leur cerveau n’est pas encore arrivé à pleine maturité, ce qui peut les inciter à adopter des comportements à risque. « Le danger est plus diffus pour eux », précise-t-elle.

L’adolescence est aussi l’âge où l’enfant développe son autonomie et cherche à se distinguer de ses parents.

Il y a cette volonté de penser par eux-mêmes et de déterminer eux-mêmes leurs actions. Ils vont avoir tendance à se faire leur propre idée et à décider ensuite s’ils vont s’isoler ou pas.

Johanne Lévesque, neuropsychologue

Les aider à s’informer

Que faire alors ? Les accompagner dans leur recherche d’informations fiables, d’abord. « Ça ne veut pas dire d’écouter les nouvelles en boucle, mais d’aller chercher des informations valides à partir desquelles ils peuvent se forger une opinion », précise Ariane Hébert. « Il faut que la source ait une crédibilité à leurs yeux », insiste toutefois Johanne Lévesque.

« On avait beau leur expliquer, quand ça venait de nous, c’était moins crédible », raconte d’ailleurs Vicky Marois, mère d’adolescentes de 17 et de 14 ans. Alors elle a eu l’idée de regarder avec elles le point de presse du gouvernement. « J’ai senti qu’elles étaient rassurées et que là, elles comprenaient, dit-elle. On a décidé de continuer, pour qu’elles aient la bonne information et qu’elles puissent suivre la situation. »

L’autre élément clé pour faire saisir aux ados l’importance des mesures imposées actuellement, c’est de ramener la situation près d’eux. « Il faut leur donner du pouvoir, fait valoir Johanne Lévesque. Leur dire : toi, c’est vrai que tu as peu de risques d’en mourir, mais pense aux gens qui te sont chers et qu’il est important de protéger. »

Le slameur et romancier David Goudreault, aussi travailleur social, croit que la crise actuelle offre « une occasion exceptionnelle de faire de l’éducation auprès des ados » : parler d’infectiologie, mais en outre du devoir qu’on a de ne pas devenir vecteur de contagion. 

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

David Goudreault

Il faut profiter de ce temps où les ados sont un peu otages de leur propre maison pour avoir une vraie discussion autour des responsabilités sociales.

David Goudreault

Et les anxieux ?

Que faire avec un ado qui, loin de se sentir invincible, ressent de l’anxiété ? L’aborder avec mesure et lui rappeler ce sur quoi il a du pouvoir : ne pas sortir et se laver les mains. Johanne Lévesque ajoute que les ados anxieux ont aussi besoin d’être informés. « L’anxiété va être calmée par deux choses : une source d’information fiable – ni alarmiste ni trop optimiste – et un plan d’action. Les gens anxieux ont besoin de savoir ce qui va se passer. »

Il est donc important de discuter de ce qui serait mis en place au sein de la famille si l’un ou l’autre était touché par la COVID-19.

David Goudreault croit que, s’il faut être alertes aux réactions de nos jeunes en ce moment, il faudra l’être à bien plus long terme, même une fois la crise terminée. « Il est important de s’informer au jour le jour de l’état de nos proches, mais il faudra aussi être attentifs à ce que ça peut induire à moyen et long terme. Je pense que ça va avoir un effet réel sur nos relations sociales, dit-il. Ménageons-nous et aménageons-nous du temps pour nous regarder aller. »