Tout a commencé en septembre 2018, quand Judith Petitpas a appris que son poste, au travail, changerait. Elle passerait d’employée à travailleuse autonome.

Judith Petitpas allait bien, elle était en harmonie avec ses choix professionnels et comblée par son nouveau rôle de mère. Qui plus est, ce changement de poste n’aurait pas un grand impact sur son quotidien. Et pourtant…

« Ça m’a vraiment propulsée dans une espèce de remise en question beaucoup plus large », raconte Judith Petitpas, qui s’est mise à réévaluer toutes les sphères de sa vie. Elle avait 42 ans. « Je me suis dis : ben voyons donc, c’est donc bien fort, qu’est-ce qui se passe ? Est-ce que ça existe, la crise de la quarantaine ? »

Ses recherches lui ont permis de conclure que oui, il s’opère bel et bien une transition en milieu de vie, entre la trentaine et la cinquantaine. Et que cette période – une crise pour certains, une transition plus en douceur pour d’autres – s’avère souvent positive.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Judith Petitpas

« L’objectif, entre guillemets, de passer à travers ça, c’est qu’il y a quelque chose de très beau qui en ressort en fin de compte, assure Judith Petitpas, dont le livre Bien vivre la crise de la quarantaine vient d’être publié. Ça devient moins forçant de vivre, d’être au travail, d’être en relation. On devient beaucoup plus près de qui on est réellement. »

Judith Petitpas, qui détient une maîtrise en travail social et un baccalauréat en anthropologie, a mis un mot sur le processus qui lui semble central dans la transition vécue au milieu de la vie : l’individuation, un concept défini il y a plus de 100 ans en psychanalyse. On a passé la première moitié de sa vie à se construire en fonction du regard des autres pour faire partie de groupes d’appartenance ; on a maintenant assez de maturité pour faire les choix pour nous.

Jocelyne Bounader, psychologue clinique et psychothérapeute, voit elle aussi cette période de la vie comme une « chance » de prendre conscience des choix qu’on a faits, des rôles qu’on a joués. Rôles qui, parfois, ne nous conviennent plus.

PHOTO FOURNIE PAR JOCELYNE BOUNADER

Jocelyne Bounader

Pour qu’il y ait un changement quand la situation ne nous plaît pas, il faut qu’il y ait un inconfort, un déséquilibre. Et certaines personnes sont prêtes à essayer de comprendre ce qui se passe.

Jocelyne Bounader

Le mitan de la vie n’est pas un long fleuve tranquille, rappelle Judith Petitpas. Le corps vieillit, la ménopause et l’andropause pointent à l’horizon, les enfants gagnent de l’autonomie, les parents en perdent. Des proches tombent malades, d’autres meurent…

« On a toujours su qu’on est mortels, mais là, ça devient une évidence, résume Jocelyne Bounader. Et ça devient une évidence que, si on ne veut pas que la deuxième moitié de sa vie ressemble à la première, c’est le moment ou jamais. »

Vive le baseball !

INFOGRAPHIE LA PRESSE

C’est souvent un événement qui provoque la transition de milieu de vie. Pour Patrice Derome, qui l’a vécue en douceur, ç’a été d’écouter à la télévision le match des Blue Jays de Toronto qui marquait le retour ponctuel du baseball au Stade olympique de Montréal, en mars 2014.

Une cascade de souvenirs et d’émotions l’a emporté, laissant sur leur sillage l’envie irrépressible de retrouver cette passion oubliée quelque part dans le tourbillon de la vie. Patrice Derome allait jouer au baseball.

« J’étais quand même bon en sport en général, dit l’homme de 51 ans. Et je me disais qu’à l’âge où j’étais rendu, je pouvais encore me permettre d’apprendre de nouveaux sports et de me dépasser en les pratiquant. C’était maintenant ou jamais. Je n’attendrais pas encore cinq ou dix ans. »

Sa femme était « un peu sous le choc », convient-il. « Ça arrivait du champ gauche ! »

Patrice Derome s’est inscrit à des cours (« avec des jeunes de 10 à 16 ans », précise-t-il en riant) et a mis sur pied une équipe, qui entame cet été sa sixième saison.

PHOTO FOURNIE PAR PATRICE DEROME

Patrice Derome entouré de sa conjointe Nathalie Bélanger
 et de ses filles Virginie, Alexane et Laurence Derome

« Ça me permet d’être dans un milieu plus masculin, parce que je suis constamment dans un milieu féminin avec mes trois filles, ma femme et ma famille. » Le baseball lui procure aussi un sentiment de fierté.

Tolérer l’inconfort

Si certaines personnes sont prêtes à essayer de comprendre ce qui se passe en elles, d’autres croiront que les autres sont responsables de leur mal-être, constate Jocelyne Bounader.

« “Si je change de conjoint ou de conjointe, j’irai mieux.” “C’est à cause de mon travail.” Parfois, c’est le cas, mais pas toujours, rappelle la Dre Bounader. C’est pour ça qu’il est important de prendre le temps de bien comprendre ce qui se passe avant de décider quels changements faire. »

Bref, il faut tolérer l’inconfort pour mieux le comprendre, l’accueillir, sans prendre de décisions de façon impulsive.

Certains finiront par prendre des décisions majeures. D’autres feront de petits changements imperceptibles aux yeux des autres, mais significatifs, note Judith Petitpas : intégrer une activité qui donne du sens à leur vie, laisser tomber certaines habitudes, mieux s’affirmer, faire la paix avec des aspects de soi, pardonner. 

Ou même « renouveler ses vœux » envers son travail, son conjoint, sa famille et ses amis, comme l’a fait Judith Petitpas au terme de sa transition de milieu de vie.