Le gène qui prédispose à une faible consommation d’alcool intervient dans le choix du conjoint, selon une étude britannique. La génétique intervient aussi dans le couple des gens qui boivent beaucoup ou modérément. On choisit donc de partager sa vie avec quelqu’un qui boit comme soi pour des raisons génétiques.

De gènes et d’alcool

Laurence Howe est un spécialiste des liens entre gènes et comportement. Le généticien de l’Université de Bristol, en Angleterre, s’est demandé l’an dernier quel effet pouvait avoir une mutation génétique rendant très désagréable la consommation d’alcool, appelée rs1229984. « C’est pire que l’intolérance qu’on retrouve souvent chez les Asiatiques, les bouffées de chaleur, dit M. Howe, qui est l’auteur principal de l’étude publiée en novembre dans la revue Nature Communications. Nous nous sommes dit que les gens qui ont cette mutation génétique ne devaient pas se tenir dans les pubs. Or, les pubs sont un lieu de socialisation important en Angleterre. Souvent, c’est là qu’on rencontre son conjoint ou qu’on l’amène à un premier rendez-vous. » En épluchant une base de données d’un demi-million d’adultes britanniques, M. Howe a confirmé que les gens qui ont cette mutation génétique sont souvent en couple avec leurs semblables. L’effet est encore plus marqué chez les gens qui ont deux copies, ou allèles, de cette mutation génétique. Au passage, le généticien de Bristol a confirmé que les gens qui consommaient beaucoup d’alcool ont tendance à fréquenter des gens qui boivent aussi beaucoup.

L’impact chez les hommes

La mutation génétique rs1229984 a beau rendre la consommation d’alcool désagréable, elle n’a pas le même effet sur les hommes et sur les femmes. « Les hommes ont quand même une consommation modérée d’alcool, alors que chez les femmes, c’est proche de zéro, dit M. Howe. Plus du quart des hommes qui ont deux allèles identiques, où l’effet désagréable est maximal, prennent tout de même 13 consommations ou plus par semaine. Ça peut refléter l’influence plus grande de l’alcool dans la socialisation des hommes, ou alors une tolérance plus grande à la gueule de bois et aux nausées liées à la consommation d’alcool. Il serait intéressant de voir s’il y a la même différence hommes-femmes dans les pays où en théorie personne ne boit d’alcool. »

Instruction et taille

L’effet de l’alcool sur le choix du partenaire est fort, mais il y a des variables encore plus importantes. « L’instruction a un impact très fort, probablement parce que chez les gens qui vont à l’université, beaucoup y rencontrent leur futur conjoint, dit M. Howe. Il y a aussi un effet de la taille : les grands fréquentent les grands. Ça a été observé il y a plus de 100 ans par le statisticien britannique Karl Pearson, à partir d’un échantillon de Néerlandais. L’alcool a un effet plus fort que la taille, mais moins que l’instruction. »

L’influence familiale

La prochaine étape dans l’étude de l’influence de la mutation rendant désagréable la consommation d’alcool est la prise en compte de l’influence familiale. « Selon les habitudes d’une famille, l’effet sur la consommation d’alcool peut être différent, dit M. Howe. Si les autres membres de la fratrie n’ont pas la mutation, ou ont un allèle plutôt que les deux, quels sont les effets sur le comportement ? Ça sera une occasion en or pour évaluer l’effet relatif de la génétique et des habitudes acquises au sein de sa famille, l’inné et l’acquis. »

Quelques chiffres

- 3 à 4 % de la population mondiale a une mutation génétique rendant désagréable la consommation d’alcool

- 0,3 % de la population mondiale a les deux allèles de la mutation génétique rendant désagréable la consommation d’alcool

- 12 consommations par semaine : consommation moyenne d’alcool au Royaume-Uni chez les gens qui n’ont pas la mutation génétique rendant désagréable la consommation d’alcool

- 7 consommations par semaine : consommation moyenne d’alcool au Royaume-Uni chez les gens qui ont un allèle de la mutation génétique rendant désagréable la consommation d’alcool

- 2 consommations par semaine : consommation moyenne d’alcool au Royaume-Uni chez les gens qui ont deux allèles de la mutation génétique rendant désagréable la consommation d’alcool

Source : Nature Communications