Les applications de vidéoconférence comme Teams et Zoom se sont certainement classées parmi les grandes vedettes de la pandémie de la COVID-19. Et si on utilisait ces plateformes pour jouer ensemble ?

Le phénomène Among Us est l’exemple parfait de l’utilisation ludique des outils de vidéoconférence. Le petit jeu vidéo coopératif a été lancé par les studios Innersloth en 2018, avec un succès bien moyen. Mais cette année, son succès est devenu planétaire en raison des mesures de confinement qui ont forcé les gens à trouver de nouvelles façons de socialiser. D’abord popularisé sur les plateformes de diffusion Twitch et YouTube, le jeu a franchi la barre des 100 millions de téléchargements en septembre, alors qu’en octobre, le contenu relié de près ou de loin au jeu a été visionné à plus de 13 milliards de reprises sur TikTok. Il y a même sur YouTube une série en dessins animés consacrée aux petits astronautes loufoques.

Le succès d’Among Us réside dans le fait que l’on peut y jouer ensemble, en direct, avec comme objectif commun de trouver l’imposteur qui se cache parmi l’équipage de notre vaisseau spatial. L’imposteur est déterminé au hasard parmi les joueurs au début de chaque partie, son objectif à lui étant de se débarrasser de ses collègues ou de saboter le vaisseau. Quand un membre de l’équipe entretient un doute, il organise une réunion d’urgence qui se déroule en parallèle grâce à n’importe quelle application de vidéo ou de téléconférence. On passe ensuite au vote, un peu à la manière du Loup-Garou de Thiercelieux.

IMAGE FOURNIE PAR INNERSLOTH

Au début de chaque partie d’Among Us, les joueurs se voient attribuer un rôle au hasard : membre d’équipage ou imposteur.

Selon Mia Consalvo, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’étude et la conception du jeu de l’Université Concordia, jouer ensemble en ligne peut être beaucoup plus significatif dans nos relations sociales virtuelles que le fait d’avoir une simple discussion.

« Jouer offre une activité commune, ça permet d’orienter la conversation, soutient la chercheuse américaine à l’origine de nombreuses publications sur le jeu et ses différentes manifestations. Le jeu coopératif en ligne permet non seulement de partager une activité, il nous offre aussi de réaliser un objectif commun. »

Aussi, en plus d’avoir du plaisir, le comportement de certains joueurs nous donne l’occasion d’en apprendre un peu plus sur leur personnalité, bien souvent davantage que si on se limite à simplement discuter.

Mia Consalvo, professeure à l’Université Concordia

Si Mia Consalvo soutient que la popularité du jeu en ligne va se résorber quand la pandémie de COVID-19 sera finalement contenue, elle est convaincue que l’on devrait tirer profit de ce que l’on vit actuellement. « C’est certain que les gens vont être tannés de Zoom, ils n’en pourront plus de regarder leur écran, affirme-t-elle en riant au bout du fil. Mais je l’ai constaté avec mes amis et mes étudiants ; le jeu leur a permis de se retrouver et de développer des liens sociaux qu’ils vont chercher à entretenir dans le temps, malgré la distance.

« Mais actuellement, jouer en ligne est l’une des seules activités sociales qui sont permises, ajoute-t-elle d’emblée. Les gens sont créatifs et c’est merveilleux de voir qu’ils continuent de socialiser et d’avoir du plaisir ! »

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Évasion à domicile

PHOTO FOURNIE PAR IMMERSIA

Les décors du jeu d’évasion à distance Le Cabaret Piccadilly, imaginés par Immersia.

Victimes du confinement comme bien d’autres commerces, certains jeux d’évasion ont fait preuve d’imagination pour tenter de conserver leur clientèle. Alors que certains ont conçu des applications s’apparentant à des jeux d’observation et d’énigmes, d’autres ont poussé l’audace jusqu'à intégrer la véritable dynamique d’un jeu d’évasion à travers une plateforme virtuelle. C’est le cas d’Immersia, qui possède deux succursales à Laval et à Boisbriand. « Il y a quelqu’un de notre équipe qui joue le rôle d’un avatar qui diffuse ce qu’il voit dans la salle de jeu, explique la copropriétaire Marilyn Fillion. Les joueurs dirigent donc l’avatar en direct. »

Quand l’un des joueurs veut analyser un objet, il demande à l’avatar de le saisir et il apparaît ensuite dans l’inventaire de l’interface web développée par Immersia. « Dans un jeu d’évasion conventionnel, les gens se divisent en petits sous-groupes pour réfléchir aux indices, l’application permet donc de travailler sur des énigmes en parallèle. C’est beaucoup plus interactif comme expérience. »

L’équipe d’Immersia, dont fait partie la plongeuse médaillée olympique devenue journaliste sportive Roseline Fillion, s’est inspirée d’initiatives américaines pour développer leurs expériences virtuelles. « Ça marche super bien, surtout pour les entreprises qui veulent organiser des partys de Noël, affirme Marilyn Fillion. L’expérience est suffisamment concluante pour que ça reste après la pandémie, assurément pour des activités de teambuilding. »

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Zoom sur les jeux de rôles grandeur nature

IMAGE FOURNIE PAR BRUMELANCE

Extrait de la séance d’Aux frontières du vide à laquelle a participé le groupe d’amis de Catherine Chouinard-Litalien (deuxième rangée à droite).

Des plateformes existent pour jouer à des jeux de rôle en ligne avec des amis, comme en fait foi la CyberConv, première convention de jeu de rôle francophone en ligne qui se déroule du 27 au 29 novembre. La convention, une initiative de rôlistes français, propose des tables rondes, des kiosques virtuels, des parties de jeu de rôle, mais aussi des séances en grandeur nature en ligne. Parce qu’il est en effet possible de « faire du GN » à l’aide des plateformes de vidéoconférence. Chez nous, l’équipe de Brumelance a justement exploité à fond les possibilités d’un outil comme Zoom, créant un jeu immersif unique.

Aux frontières du vide se déroule dans un univers de science-fiction où les joueurs, membres de l’équipage d’un vaisseau spatial, incarnent des rôles prédéterminés, un peu à la manière d’un souper meurtre et mystère. Chacun est invité à utiliser une image en arrière-plan pour rendre l’environnement futuriste crédible, une trame sonore est même fournie pour contribuer à l’ambiance – il est aussi recommandé de revêtir quelques éléments de costume appropriés. « Ça ressemble en fait à un film dont vous êtes le héros, nous explique Emmanuel Laramée, maître de jeu et copropriétaire de Brumelance. C’est un jeu d’évasion virtuel narratif où les gens ont beaucoup plus de possibilités. » C’est pourquoi il y a en filigrane certains éléments propres aux jeux de rôle – les capacités d’action des personnages sont à l’occasion déterminées par des jets de dés.

« J’ai passé une journée dans l’espace avec des amis, c’était vraiment des vacances, on était pourtant devant nos ordinateurs, nous assure Catherine Chouinard-Litalien, qui a participé à l’une des séances organisées cet automne. J’ai vraiment vécu une belle expérience d’immersion. S’il y a d’autres décollages, j’embarque ! » On nous confirme qu’il y en aura d’autres, probablement jusqu’à cinq ou six chapitres en tout, le deuxième sera lancé dès janvier.

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Applis pour jouer malgré la distance

La plupart des jeux sont des jeux de table qui ont habilement été intégrés à un environnement numérique. On a demandé à l’influenceur québécois David Couto, alias Professeur Board Game, de nous faire part de ses coups de cœur.

Similo

IMAGE FOURNIE PAR HORRIBLE GUILD

Extrait de la version numérique du jeu Similo

C’est la version en ligne du jeu de cartes où tous les joueurs font équipe pour découvrir un personnage secret à la faveur d’indices révélés par un participant qui tient le rôle de maître de jeu. Un seul joueur peut télécharger le jeu, il lui suffit ensuite de partager son écran au bénéfice de tous. L’éditeur italien Horrible Guild continue par ailleurs de développer de nouveaux ensembles de cartes virtuelles qui sont offerts pour moins de 5 $ sur Android, IOS et Steam.

L’avis de Professeur Board Game :

« C’est un jeu de déduction par l’image très accessible, avec un côté visuel très attrayant. Si on veut ajouter une touche de difficulté, il est aussi possible de mélanger différents paquets de cartes, les liens sont alors moins évidents à faire. »

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Mysterium

IMAGE FOURNIE PAR ASMODÉE DIGITAL

Extrait de la version numérique du jeu Mystérium

Un autre jeu de déduction par l’image. On doit ici trouver le coupable d’un meurtre, l’endroit et la façon dont il a été commis. Cette fois, le maître de jeu tient le rôle du fantôme de la victime, il partage ses indices avec les joueurs, de réputés médiums. À la différence de Similo, chaque joueur prend ses propres décisions, même si c’est un jeu collaboratif. Encore une fois, un seul participant peut partager son écran à l’aide d’une application de vidéoconférence et permettre à tout le monde de jouer.

L’avis du Professeur Board Game :

« Le concept, qui ressemble un peu au jeu Clue, est assez rassembleur, c’est un thème engageant. La qualité des images est remarquable, c’est vraiment une superbe transformation d’un jeu de plateau en application mobile. L’interface numérique offre la même expérience que le jeu traditionnel, mais à distance. »

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Spirit Island

IMAGE FOURNIE PAR HANDELABRA GAMES

Extrait de la version numérique du jeu Spirit Island

On parle ici d’un titre pour joueurs confirmés, mais qui est rendu considérablement plus accessible dans son incarnation numérique. D’abord, par son prix – 28,99 $ par joueur au lieu de 105 $ pour le jeu physique –, mais aussi par le fait que plusieurs éléments du jeu sont assurés par l’application. Les joueurs incarnent les esprits élémentaires d’une île qui doivent coopérer pour repousser les colons envahisseurs. Il est aussi possible de jouer seul à Spirit Island.

L’avis du Professeur Board Game :

« C’est l’un de mes jeux coopératifs préférés. Et le gros avantage de l’application est que tu n’as pas à gérer le tour des envahisseurs, ça évite beaucoup d’erreurs et de manipulations. Aussi, comme il s’agit d’un jeu complexe, l’application propose un excellent tutoriel qui permet d’apprendre à jouer individuellement. En personne, expliquer les règles prend de 20 à 30 minutes ! »

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