Vieillir en santé est un objectif qu’on souhaite tous atteindre. La Presse vous présente des portraits de jeunes et moins jeunes pour qui l’âge n’est pas un frein aux projets.

À 71 ans, Luce Delorme n’a pas peur des nouveaux défis. Vers la fin de l’été, l’ex-enseignante a donné son nom pour devenir suppléante « virtuelle », de façon bénévole, avec les enfants isolés à la maison. Un moyen de participer à l’effort collectif et de poursuivre une mission interrompue par la pandémie.

Depuis 2008, elle s’investissait dans le Courrier des jeunes, un programme du Carrefour d’entraide bénévole de Victoriaville dédié aux élèves du primaire. « Les enfants nous écrivaient comment ils se sentaient et un bénévole leur répondait, sous le couvert de l’anonymat, pour établir une sorte de présence par l’écriture », explique-t-elle.

En 12 ans, elle a entendu parler d’intimidation, de séparation, de deuils, de premiers pas amoureux, de relations avec les enseignants, de notes scolaires difficiles à accepter et de craintes liées au secondaire.

Souvent, on ne dit pas à son parent ou à son prof comment on se sent, mais on est capable de le raconter à une personne externe. L’écriture donne des ailes.

Luce Delorme

Elle a d’ailleurs constaté le caractère précieux de ces correspondances chez les jeunes. « J’ai vu des enfants sortir de leur bureau nos lettres, attachées par un ruban, comme à l’ancienne. Ils les transportaient avec eux, pour éviter que ce soit lu à la maison. Je pense qu’ils auraient bien besoin d’écrire, ces temps-ci. »

Le pouvoir des mots

Luce Delorme croit également aux vertus de la lecture. Pendant trois ans, elle a participé à Lire et faire lire, une initiative lancée par l’écrivain Alexandre Jardin en France, avant d’être reprise au Québec. Durant huit semaines, à l’automne et à l’hiver, des grands-parents rencontraient des enfants de la maternelle pour lire des histoires, une fois par semaine. « Les enfants nous adoptaient vite ! Quand ils nous voyaient arriver, ils parlaient des grands-mamans et de quelques grands-papas qui leur racontaient des histoires. »

PHOTO FOURNIE PAR LUCE DELORME

Luce Delorme croit aux vertus de la lecture ; elle a participé pendant trois ans à l’initiative Lire et faire lire.

Ayant longtemps enseigné à la maternelle et lu plusieurs histoires à ses propres enfants, elle aimait voir certains aînés découvrir le pouvoir de la lecture et les enfants s’attacher à l’activité. « Les petits amenaient souvent leurs parents à la bibliothèque pour retrouver les livres qu’on leur lisait, et ils demandaient plus d’histoires à leurs enseignants. »

La dame a aussi fourni de l’aide aux devoirs aux nouveaux arrivants, dont plusieurs jeunes Syriens, Colombiens et Congolais. « J’avais un enfant attitré durant toute l’année scolaire. Une fois par semaine, je le rencontrais en suivant la marche à suivre de son enseignante. On travaillait ensemble sur plusieurs matières, mais surtout le français avec les plus jeunes. »

Plusieurs de ces projets ont été stoppés par la pandémie, laissant en plan une femme pleine d’énergie, de temps et d’envie d’aider.

J’ai eu beaucoup de peine. Je me suis aperçue que j’étais une personne âgée, alors que je ne me sentais pas comme ça avant. Présentement, je peux difficilement m’inscrire à d’autres activités de bénévolat, car on me répond toujours que je suis dans une tranche d’âge à risque.

Luce Delorme

Luce Delorme parle d’une série de deuils à faire. « Quand l’autobus scolaire passe dans ma campagne, le matin, j’ai toujours un pincement au cœur. J’enseignais depuis 1969, sans arrêt, sauf une année. »

Lorsque la crise a frappé, elle avait même monté un programme d’aide scolaire pour les grands-parents et les parents qui s’occupaient des enfants à la maison. « On appelle ça les capsules courriels ou textos. On a commencé à envoyer aux personnes qu’on connaît des activités, des fiches, des trucs, des jeux et des sites web à consulter, bien avant que le gouvernement n’offre l’école à la maison. »

Une façon de mettre un demi-siècle d’expérience à la portée de tous.