Le bois, le feu, la nuit, les étoiles et la pluie. Ça change une vie, qu’on dit. Pour tous les campeurs en deuil cet été, la saison ayant été annulée, plusieurs se souviennent. Et se racontent.

Isabelle Sicotte a un lien intime avec le camp Olier. C’est là-bas qu’elle a rencontré le père de ses quatre enfants – Jules Hamelin – lorsqu’ils étaient moniteurs, dans les années 1980.

Ce camp fondé par des prêtres Sulpiciens dans les années 1950 accueille aujourd’hui (en partie) des jeunes qui proviennent de milieux défavorisés, ou qui ont été recommandés par des cliniques de pédiatrie sociale. « Ça a un impact énorme sur eux, nous dit Isabelle Sicotte, qui fait partie de la direction [bénévole] du camp. Plus de 60 % d’entre eux reviennent année après année. »

Cet impact positif a été ressenti par les quatre enfants d’Isabelle, que nous avons rencontrés au domicile familial montréalais. Quatre enfants épanouis, loquaces, matures, qui ont suivi les pas de leurs parents.

Les deux plus vieux, Liliane, 22 ans, et Clément, 21 ans, ont tous les deux été campeurs et travaillé comme moniteurs pendant trois ans chacun. Judith, 17 ans, s’apprêtait à travailler comme monitrice et Mylène, 13 ans, devait s’y rendre comme campeuse.

« Ce camp-là a été une partie intégrante de nos étés, commence par nous dire l’aînée, Liliane. C’était nos vacances d’été. On y allait deux fois deux semaines. Quand on était moniteurs, il fallait préparer le terrain au printemps, monter les tentes, sortir les embarcations... »

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Isabelle Sicotte a rencontré son amoureux et le père de ses quatre enfants, Jules Hamelin, l’été de ses 18 ans, lorsqu’elle travaillait comme monitrice au camp Olier.

Clément, lui, parle du camp Olier comme d’une deuxième famille. « Je me suis fait beaucoup d’amis, nous dit-il. Parmi mes meilleurs amis aujourd’hui. » Quand son père est mort [en 2013, à la suite d’un cancer foudroyant], un ex-moniteur du camp, ami de son papa, l’a beaucoup aidé. « Il a été très présent pour moi, il m’a appris à chasser, confie-t-il, même si je n’ai jamais chassé après... »

Isabelle Sicotte nous raconte comment, à la suite des funérailles de son conjoint, « la grande famille du camp Olier », leurs amis et leurs proches, guitares en bandoulière, chantaient les mélodies du « carnet de chants », dont plusieurs composées par Jules.

Transmission naturelle

On parle souvent des valeurs transmises par le camp. Clément croit qu’il s’agit d’une transmission naturelle.

On vit en commune, dans le plaisir. Y a rien de forcé. On le fait parce qu’on a envie, ce sont des valeurs très familiales.

Clément

Liliane acquiesce : « T’arrives au camp, tu ne te définis plus par ta popularité à l’école, t’es comme une nouvelle personne, c’est un nouveau souffle. Un endroit où il n’y a pas de jugement. »

Pour Judith, la fermeture du camp Olier, cet été, a été plus difficile à accepter. C’est que la jeune fille de 17 ans devait faire ses débuts comme monitrice. « C’est frustrant, admet-elle. Ça demande beaucoup de préparation, penser aux jeux, aux activités. Je travaillais là-dessus depuis le mois de février, c’est sûr que j’avais hâte de voir le résultat... J’espère que l’année prochaine, ça va fonctionner. »

PHOTO FOURNIE PAR ISABELLE SICOTTE

Scène de la vie quotidienne au camp Olier

La benjamine de la famille, Mylène, est déçue. Peut-être la plus déçue d’entre tous. Depuis l’âge de 7 ans qu’elle se rend au camp Olier tous les étés. Cette année, elle devait changer de groupe pour passer chez les « grandes » – les Pionnières (de 13 à 15 ans). Comme son grand frère, c’est là qu’elle a rencontré ses meilleures amies.

« Ne pas les voir cet été, c’est comme mettre un couteau dans notre amitié ! », illustre-t-elle. On s’est contactés, c’est sûr qu’on va quand même essayer de se voir, mais c’est pas pareil. »

PHOTO FOURNIE PAR ISABELLE SICOTTE

Liliane, très jeune, a pu grimper sur la roche à exercice au camp Olier.

Clément, qui étudie en communication, essaie d’organiser (bénévolement) des activités en ligne avec les campeurs de cet été « pour garder un lien ». Et Liliane revient sur la chance des jeunes qui n’ont pas les moyens de se payer des vacances. « Pour beaucoup de jeunes, c’est leur seule oasis de verdure, de plein air, donc c’est triste pour eux. »

Entraide, solidarité, empathie, famille... Il y a quelque chose de ces valeurs de camp qui a été transmis, point de doute.