(Paris) Plus d’espace, un potager, moins de bruit et de pollution : chez certains citadins, la crise sanitaire a fait mûrir des projets de changement de vie, pour être plus près de la nature et tendre vers un mode d’existence plus durable.

Avant la COVID-19, Olivier et sa compagne pensaient déjà à quitter le centre de Paris « pour s’agrandir ». Après deux mois de confinement, ils ne cherchent plus un appartement : ce sera « une maison avec jardin ».

« On cherche vraiment avec un espace extérieur, quitte à aller un peu plus loin » : la proximité d’un métro « n’est plus une obsession », dit-il.

Pierre, 40 ans, avait « depuis cinq ans » le projet de « se rapprocher de la nature » et la crise va « précipiter un peu les choses ».

« Sans tomber dans la collapsologie pure et dure, il nous arrive quelque chose que je pressentais. Je voudrais y être préparé : avoir au moins un lopin de terre pour pouvoir faire un peu d’agriculture et faire en sorte que nous soyons autonomes avec mon épouse », explique-t-il.

Cadre dans l’informatique, il faisait déjà « pas mal de télétravail » et l’activité de sa femme, couturière, ne lui semble « pas incompatible » avec ce nouveau mode de vie.

Pour Anaïs*, journaliste de 29 ans et son compagnon, « le confinement a été un vrai déclic ». À deux, ils vont « changer de mode de vie » d’ici la fin de l’année pour gérer un gîte en Drôme-Ardèche.

« À Paris, on n’a pas le temps de vivre. On court à droite à gauche et surtout, on surconsomme », estime-t-elle. « Ça nous a fait nous rendre compte qu’on n’avait plus du tout envie de cette vie-là. Qu’on avait envie d’espace, d’air, de nature et de changer vraiment de rythme ».

« Vivre différemment »

« La pollution », « le manque de nature » sont aussi évoqués par Jana, qui s’installe avec sa famille près de Lorient (Morbihan). « Le confinement a permis d’en faire un projet familial, d’en discuter avec les enfants, ce dont ils rêvaient et ce qu’on pouvait réellement se permettre », raconte cette intermittente du spectacle.

Paris ? « On n’y reviendra pas », assure-t-elle.

Ces aspirations sont sensibles dans les recherches immobilières. Pendant le confinement, le site Leboncoin a noté une hausse de 30 % des recherches en zones rurales et de 20 % dans les zones urbaines moins denses, par rapport à la même période de 2019.

Sur Seloger.com, « plus de recherches ont été effectuées en province qu’avant le confinement », avec « une appétence accentuée pour les maisons », indique le site.

Dans son agence des Herbiers, commune de 16 000 habitants en Vendée, Fabrice Abraham a constaté depuis le déconfinement une augmentation des demandes venant de « grandes villes », notamment d’Île-de-France.

« Ce sont des personnes qui sont en télétravail et qui peuvent profiter d’une surface de 100, 120 mètres carrés, pour un prix de vente moyen de 200 000 euros », décrit-il. « C’est ce qui a vraiment changé : ça sent l’envie d’avoir plus grand, d’avoir un bout de jardin et de vivre différemment ».

« Feu de paille ? »

Le phénomène n’est pas nouveau : depuis les années 1980, de plus en plus d’actifs quittent les grandes agglomérations, indique Pascal Chevalier, géographe à l’Université de Montpellier. « Ce sont en général des cadres qui étaient dans le tertiaire » et partent pour « retrouver une qualité de vie ».

S’il y a 10-15 ans, ces départs s’effectuaient vers les espaces ruraux plutôt isolés, « aujourd’hui, les gagnants de cette mobilité sont les petites villes, les bourgs », qui « associent qualité de vie et services », souligne M. Chevalier.

« Il y a un critère presque paradoxal qui est la proximité du rural avec des axes de circulation », confirme Cédric Szabo, directeur de l’Association des maires ruraux de France. « L’autre paramètre devenu incontournable, c’est la qualité du débit internet » — ce qui exclut certains territoires.

De façon générale, il est « beaucoup trop tôt » pour savoir si ces envies entraineront un réel « exode », souligne Thomas Lefebvre, de la plateforme immobilière MeilleursAgents. « Est-ce un feu de paille ou une vraie volonté ? » Ces projets sont « conditionnés à beaucoup de choses », ajoute-t-il, notamment « l’emploi » et le « crédit ».

*prénom modifié