Pianiste bénévole dans un CHSLD, Gisèle Forcier Dupuis a été forcée d’interrompre ses visites musicales en raison de la pandémie. Confinée chez elle, c’est vers le téléphone qu’elle s’est tournée pour amener la musique dans les foyers de quelques dizaines d’aînés.

Un jour d’avril, alors qu’elle était confinée dans son appartement, situé dans une résidence pour personnes âgées, Jeanine Liboiron Piché, 91 ans, a reçu un appel. Une dame qu’elle n’avait jamais rencontrée lui proposait de lui jouer un air de piano, Parlez-moi d’amour, une pièce composée par Jean Lenoir, devenue un classique de la chanson française.

En temps normal, Gisèle Forcier Dupuis joue cette pièce pour les résidants du CHSLD Ovila-Légaré. Avant la pandémie, elle s’y rendait toutes les deux semaines depuis environ 13 ans. Une autre Gisèle, Duguay celle-là, l’accompagnait au chant, tout comme plusieurs résidants, dont cette dame de 93 ans « qui connaît à peu près toutes les chansons ». La COVID-19 s’étant imposée entre elle et son piano, Gisèle Forcier Dupuis est parvenue à joindre la dame dans sa chambre, il y a trois semaines, avec l’aide de la technicienne en loisirs du CHSLD.

« Elle a apporté son cellulaire dans la chambre et je lui ai joué trois mélodies au piano, ses chansons préférées : La vie en rose, Le joyeux promeneur et Le plus beau tango du monde, raconte la pianiste de 85 ans. Elle était très heureuse. »

Puis, l’ancienne professeure de piano, qui a notamment été chargée de cours à l’École de musique Vincent-d’Indy, s’est mise à appeler les membres d’une chorale qu’elle accompagnait jadis au piano. « C’est une pianiste hors pair, souligne Andrée Simoneau, l’une des membres de ce groupe. Elle peut jouer n’importe quoi. » C’est ainsi que, seule chez elle, Mme Simoneau a chanté des pièces de Gilles Vigneault pendant que son amie Gisèle, au bout du fil, l’accompagnait au piano.

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Gisèle Forcier Dupuis est une ancienne professeure de piano, qui a notamment été chargée de cours à l’École de musique Vincent-d’Indy.

De bouche à oreille

De fil en aiguille, les gens qu’elle appelait lui donnaient des noms. Une sœur, un ami ou la mère d’une amie, toutes des personnes âgées de 70 ans et plus, vivant seules pour plusieurs, qui sauraient bénéficier de l’appel de Gisèle. Alors, elle leur a téléphoné pour leur jouer des airs de Félix Leclerc, d’Édith Piaf, d’Elvis Presley et de bien d’autres.

« C’est agréable et il faut prendre les choses agréables quand elles passent, dit Jeanine Liboiron Piché. On n’est pas débordé de ça ces temps-ci. »

Je pense que ça a fait plaisir à beaucoup de monde. Ça les a touchés. Certains étaient même en larmes au téléphone.

Gisèle Forcier Dupuis

« C’est juste un petit moment de bonheur, un moment d’ensoleillement dans leur vie. Quand j’ai réalisé que ça faisait plaisir à ce point, j’ai commencé à faire une liste. »

Une liste qui comptait une quarantaine de noms il y a quelques jours. Quand elle arrive au bout, elle commence une nouvelle ronde d’appels.

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La liste des personnes à qui Gisèle Forcier Dupuis joue du piano comptait une quarantaine de noms il y a quelques jours.

« Gisèle, c’est un petit cœur sur deux pattes », déclare Gisèle Duguay, qui a fourni à son amie plusieurs des noms de la « liste ». « Je la connais depuis 13 ans, poursuit-elle. On s’est rencontrés alors que j’étais bénévole à Ovila-Légaré. Mon grand regret, c’est de ne pas l’avoir rencontrée plus tôt. Quand est-ce que qu’on va pouvoir y retourner chanter ? On ne sait pas. »

« La musique, ça élève l’âme, philosophe Mme Forcier Dupuis. On a besoin de ça dans notre vie, surtout dans des périodes comme celle-là. »