Plus de 160 aînés nous ont écrit pour nous raconter leur quotidien en confinement, partager avec nous leurs inquiétudes et leurs moments de douceur. Nous publions ici quelques témoignages reçus.

Manon Tardif

Ce qui nous aide, nous, les personnes de 70 ans et plus, c’est la résilience qui vient avec l’âge. Une résilience acquise par des expériences bien pires que le confinement. Toutes les personnes âgées ont traversé au cours de leur vie de grandes souffrances comme le deuil ou la maladie chronique d’un enfant ou d’un conjoint, la violence physique, verbale ou émotionnelle, la dépression, l’abandon de ses rêves, des difficultés financières ou la faillite. Alors même si rester chez soi sans sortir est difficile et que la solitude pèse, vous remarquerez que la majorité d’entre nous ont écouté les consignes.

Claudette Roy

C’est un évènement que nous n’aurions jamais pensé vivre, un grand bouleversement dans nos vies. Ce n’est certainement pas facile, mais ça nous rapproche, mon mari et moi. Après 56 ans de vie commune, deux enfants et cinq petits-enfants, cet évènement a créé un rapprochement très fort qui nous unit et qui nous aide à tenir le coup. Ça nous fait réaliser à quel point nous avons besoin l’un de l’autre, à quel point on apprécie chacun ce que nous sommes. Le confinement imposé, c’est aussi l’occasion de se rappeler notre vie, nos souvenirs, nos voyages. La parfaite occasion pour enfin prendre le temps de relire toutes ces cartes postales sur lesquelles mon mari décrivait nos récits de voyage. Mon Dieu qu’on a eu une belle vie ! Je trouve cela extraordinaire d’avoir cette chance de reconnaître comment nous avons été, plutôt que comment nous sommes, heureux ensemble.

Jean-Claude Fournier

Ah, le confinement... J’ai, comme plusieurs, brusquement été placé face à une incontournable réalité et, non sans difficulté à l’admettre, j’ai dû prendre conscience de l’impact que mon groupe d’âge avait sur l’incroyable marasme dans lequel les humains sont plongés présentement. Oui, je fais partie de ces 70 ans et plus ! J’ai trois enfants, huit petits-enfants... C’est vrai que ça sonne vieux... mais pas dans ma tête, ni dans mon corps. Bien que retraité du monde de l’éducation, le confinement me fait vivre des deuils particuliers comme l’absence de mes huit heures de pickleball par semaine, ou mes cinq heures de chant choral, mes visites au CHSLD pour y rencontrer ma belle-mère plus que vieillissante et surtout les multiples rencontres avec toutes ces personnes que je côtoie, famille, amis, partenaires de sport et voisins qui m’apportent tant de joie de vivre. Heureusement, avec mon épouse, nous sommes deux à la maison et la musique, le chant, la lecture, les mots fléchés, la marche, la télé et le cinéma comblent ces nombreuses heures libres, gracieuseté de ce mystérieux virus qui n’attend qu’à être vaincu le plus vite possible.

Nicole Arnault

Ce que je trouve le plus dur, c’est de ne pas aller visiter ma sœur de 98 ans qui vit seule dans sa grande maison. Elle trouve ça très dur, le confinement... et surtout de ne pas avoir de visites comme avant. Hier, je suis allée lui porter quelques bières devant sa porte... Elle aime tellement prendre sa petite bière à 4 h de l’après-midi. Elle a bien hâte de vivre comme avant.

Louis Menard

J’ai eu 74 ans cette semaine... en confinement. J’ai décidé de raconter à mes trois petits-fils l’histoire de l’homo sapiens depuis son arrivée sur notre planète jusqu’à maintenant. Comment l’homme a évolué en trouvant des solutions aux plus gros problèmes auxquels il a dû faire face et leur dire que l’avenir n’est pas aussi noir pour eux que le prétendent les alarmistes si, par leur conviction et leur comportement dynamique, ils savent être débrouillards. Comme le confinement se prolonge, j’ai le temps de faire plus de recherches sur l’internet. Alors, puisque j’en suis rendu à 12 chapitres, ce ne sera pas une simple lettre, je crois que ce sera un petit livre rédigé avec des mots justes, mais simples, le ton familier et franc qu’ils ont connu de moi jusqu’à présent. Dernier d’une famille de 12 enfants qui bannissait la médiocrité, on m’a incité à m’élever au-dessus de la moyenne. Le titre de mon petit livre sera HUNECOCH-Ô-TSU et ce sera leur cadeau de fête (les 3 sont nés la même semaine en octobre).

Suzanne Poulin

Nous sommes plusieurs centaines d’aînés dans cette résidence à Québec. Nous avons vue sur la cour intérieure, donc je ne vois pas ce qui se passe dans le vrai monde : aucune auto, aucun commerce, etc. Bien sûr, nous avons la permission de sortir prendre l’air deux fois par jour, soit à 10 h et 14 h pour environ 45 minutes. Ce que je trouve difficile, c’est la surcharge de la ligne téléphonique de la résidence qui n’a pas été conçue pour recevoir tant d’appels et faire des appels à l’extérieur. Je suis plutôt du genre relationnelle et, pour moi, ne pas pouvoir parler à ma famille et mes amies rend ce confinement lourd par moment. Et il semble que la direction ne peut rien faire pour améliorer cet état des choses.

Micheline Losier

J’ai 74 ans et vis seule dans mon condo. Durant les trois dernières années, j’ai fait des road trips dans mon petit VR de 19 pieds en solitaire et en « boondocking » (camping dans la nature en autonomie). Durant ces voyages, j’ai apprivoisé la solitude, l’isolement, et avec le temps j’ai réalisé que j’étais capable de beaucoup choses. Il suffisait d’aller puiser dans mon coffre à outils pour découvrir tout ce que j’avais acquis au fil de mon existence et que malheureusement j’avais oublié ou laissé de côté. Alors, je regarde mon confinement et je me dis que je suis bien, lit douillet, eau, chauffage, livraison de l’épicerie, bain ou douche quand je veux, électricité qu’il fasse soleil ou nuageux, sécurité assurée, ami (es) à qui je peux parler. Seul le décor n’est pas très changeant, mais le printemps est là et j’apprécie le vert des arbres qui se manifeste timidement.

Pauline Beaudoin

Au temps du coronavirus

C’est le temps du coronavirus

On se lave les mains en « maususse »

On a hâte que ce soit fini

Pour reprendre notre vie

Pour ne pas s’ennuyer

Nos habitudes, il faut changer

On peut cuisiner, marcher, bricoler

Au téléphone, se parler

Faire un peu de ménage, des rénos, de la peinture

Tout ça occupe, c’est sûr

On en a encore pour un bon moment

Alors, agréablement passons le temps

J’ai nettoyé mon patio

D’où j’observe les oiseaux

J’écoute leurs chants

Qui annoncent le printemps

J’écoute le premier ministre Legault

Et le sympathique Horacio

Ils nous disent de ne pas lâcher

Et que ça va bien aller

Un appel a été lancé

Des groupes d’aide se sont formés

Toute cette solidarité

C’est beau à regarder

Y’a encore du bon monde

Tous ces gens qui répondent

Pendant cette épidémie

Restons unis

Nous pouvons continuer de nous aimer

Sans nous toucher.

Yolande Bergevin

J’ai l’impression d’être submergée par une gigantesque vague et comme je ne sais pas nager, je me noie, un cauchemar éveillé qui se répète jour après jour et pour un temps indéfini. Chose impossible dans la vraie vie, je réussis à surfer. Est-ce que je tiendrai le coup ? Je j’espère, je n’ai jamais baissé les bras devant les difficultés et là, il faut faire face à la réalité. Ma bouée de sauvetage, le téléphone et l’internet, qui me permettent de garder le contact avec les gens que j’aime.

Claudette Larivée

Mon plus grand objectif dans ce temps de crise, c’est de continuer à me lever tous les matins et de trouver une force mentale pour passer au travers de la journée assez répétitive. Le contact physique de mes amies et de ma famille me manque. Cette liberté naturelle de faire de mes journées ce que je veux me manque. J’essaie de faire de l’exercice physique, mais encore là, mes amies de gym me manquent. Finalement, ce que je réalise dans ce confinement, c’est le manque de relations avec les autres qui est le plus difficile. Ça va bien aller, c’est ce que j’espère. Mais je peux vous dire une chose, l’investissement que j’ai fait dans mes relations avec mes amies, mes enfants et petits-enfants, aujourd’hui je vois que c’est le meilleur investissement. Tout ce monde me soutient dans ces moments difficiles. J’attends avec impatience leur coup de fil, leur texto, leur livraison qui égayent ma journée et qui contribuent à ma force mentale. Après le confinement, je m’en promets.

Madeleine et Eugène Prévost

Mon mari et moi sommes confinés dans notre appartement au Manoir Saint-Jérôme. Merveilleux d’avoir des nouvelles par téléphone d’un tas de vieux amis ! Merveilleux de voir le soin que la direction apporte à notre confort ! Chaque jour en après-midi, on frappe à la porte pour nous offrir une gâterie avec un grand sourire et des remerciements pour notre obéissance aux consignes ; éclair au chocolat, gâteau à la framboise, mousse aux trois chocolats, etc. Les téléphones de nos enfants et de nos petits-enfants qui s’inquiètent de nous et nous offrent leur aide pour l’épicerie ou pour nous dépanner quand nous sommes empêtrés avec des problèmes d’informatique. Comment pourrions-nous nous plaindre ? De balcon en balcon, des inconnus nous envoient des saluts et des baisers... et puis ces livres que nous ne trouvions pas le temps de lire et qui nous apportent l’évasion ! Mais... nous avons quand même bien hâte que tout ça finisse, et ça, sans dommages pour les gens que nous aimons. Merci à tous ceux qui contribuent à faire que la vie vaut encore pleinement la peine d’être vécue !

Lisette Beaulieu

Nous vivons comme tout le monde des moments difficiles. Ma mère est décédée le 30 mars dernier. Elle était âgée de 91 ans et vivait dans un CHSLD de Montréal depuis environ sept mois où elle y recevait de bons soins. Malheureusement, elle est décédée subitement d’un arrêt cardiaque, donc il a été impossible pour nous d’assister à ses derniers moments. Heureusement, elle n’est pas décédée d’une longue maladie et du coronavirus. Morte dans son sommeil. Elle semblait être paisible, car nous avons pu la voir, quelques membres de la famille, tout en respectant les consignes. Pour les funérailles, on ne sait pas encore comment tout ça va se dérouler. Nous occupons notre temps, mon époux et moi, de toutes sortes de manières. Rangement, ménage, marche à l’extérieur, bouffe. Méditation et yoga en ce qui me concerne. La lecture fait aussi partie de ces moments et nous ne manquons jamais le point de presse de notre premier ministre et de son équipe. Nous espérons que tout aille bien !

Diane Émard

Je suis une femme de 72 ans qui vient de basculer dans le groupe des aînés depuis le début de la COVID-19, à ma grande surprise. Étant en excellente santé, autant physique que mentale, je suis présidente du C. A. d’un OBNL et toujours avide de participer à notre société québécoise. Depuis le début du confinement, j’ai vu rétrécir mon horizon et peut-être mon espérance de vie vu que le confinement de notre groupe sera le dernier à être levé, selon toute probabilité. Je crains que ma santé se dégrade puisque je ne peux plus avoir de suivi médical, je me sens écartée du système de santé et ça m’inquiète. Un an sans suivi, c’est hasardeux quand on vieillit. Est-ce ça des victimes collatérales ?

Jean Archambault, Montréal et Saint-Mélanie

Mon épouse (73 ans) et moi (70 ans), nous avons décidé d’aller vivre dans notre chalet dans la région de Joliette en fonction des besoins de nos quatre enfants. Cette décision remonte déjà à cinq semaines. Malheureusement, vu notre âge, nous avons dû nous confiner et voir les petits-enfants à une distance de deux mètres. Cependant, seulement nous voir permet aux enfants de comprendre que grand-maman et grand-papa vont bien. Il y a beaucoup de sourires, mais pas de caresses. Nous sommes conscients que nous sommes des personnes privilégiées et nous aidons nos proches. Nous sommes aussi très impliqués dans nos milieux de vie. Je suis un bénévole de l’Association québécoise des retraités de la fonction publique et parapublique (AQRP). Déjà, depuis octobre 2019, nous avons formé un groupe de travail et d’action sur l’hébergement collectif des aînés de l’île de Montréal. Nous avons partagé avec ceux et celles qui peuvent faire des pressions politiques pour nos aînés certaines informations inédites issues de nos travaux. J’ai aussi fait des pressions sur certains politiciens que je connais pour que les aînés ne soient pas oubliés dans cette pandémie. Je pense que les aînés doivent demeurer actifs, avoir des journées bien réglées et aider par des appels téléphoniques les autres personnes qui vivent isolées. Courage.