Dans son ouvrage Comme un roman, l’auteur Daniel Pennac présente les « dix droits du lecteur ». Voici donc, inspirés du créateur de la saga Malaussène, les dix droits du confiné de la COVID-19.

Cela vous permettra de mettre de côté la culpabilité, la satanée culpabilité, qui nous habite en ce moment. Mais aussi, et surtout, de vous sentir moins seul.

Car face à ce type d’épreuve, nous oublions que nous sommes tous bien souvent pareils.

Le droit de dénoncer

Au départ, j’avais un grave problème avec l’incitation à la dénonciation. Et pas que moi. « Oh, mon Dieu ! Si j’avais vécu durant la Seconde Guerre mondiale, je crois que j’aurais été un collabo », m’a écrit un ami catastrophé. Mais depuis quelques jours, alors que le nombre d’exemples de personnes indisciplinées et insouciantes afflue, j’ai changé mon fusil d’épaule. Je ne sais pas pour vous, mais je n’ai pas tellement envie d’être encore confiné le 15 août à cause d’une bande de morons.

Le droit de quitter le lieu de confinement en solitaire

Après plusieurs jours de confinement, les personnes qui le vivent en cellule familiale ont le droit (s’ils ne font l’objet d’aucune restriction) de quitter la maison et d’aller faire une marche en solitaire avec des écouteurs sur les oreilles (un peu de Lady Gaga au lieu du thème de Passe-Partout, ça détend quelques nerfs tendus). Je dirais même que cette balade en solitaire est recommandée pour la survie d’un couple.

Le droit d’être découragé

Il y a trois semaines, le Québec avait des données fort encourageantes quant au nombre de cas et de décès. Là, c’est autre chose. On se pose plein de questions. On se décourage. On déprime. On a le droit d’exprimer ce découragement. On a le droit de pousser des gros mots quand on apprend de mauvais chiffres. Un bon « tabarnak » bien placé fait du bien !

Le droit de s’offrir de la « nourriture-qui-remonte-le-moral »

On a tous nos plaisirs alimentaires coupables. Croustilles Miss Vickie’s au vinaigre, biscuits Oreo, poutine La Galvaude, macaronis Kraft Dinner et j’en passe. Durant cette période, il faut s’offrir ces plaisirs sans aucune culpabilité. Je répète : sans aucune culpabilité ! Au fait, j’y pense, je suis rendu au fond de mon pot de jujubes !

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

« Après plusieurs jours de confinement, les personnes qui le vivent en cellule familiale ont le droit (s’ils ne font l’objet d’aucune restriction) de quitter la maison et d’aller faire une marche en solitaire avec des écouteurs sur les oreilles (un peu de Lady Gaga au lieu du thème de Passe-Partout, ça détend quelques nerfs tendus) », écrit notre chroniqueur Mario Girard.

Le droit de faire des folies

Quand j’ai entendu parler de cette fille qui a quitté ses vêtements mous afin de s’habiller ultra chic uniquement pour sortir ses poubelles, j’ai compris le rôle que jouent les moments de folie dans un tel contexte. À go, on fait preuve de créativité !

Le droit de se comparer

On ne devrait pas, en principe, comparer notre situation à celle d’autres pays ou d’autres provinces. Les méthodes de calcul, les contextes géographiques, le nombre de tests, les types de voyage effectués par les habitants, tout cela a une influence sur le nombre de cas et de décès. Mais faire cet exercice nous permet de mieux comprendre ce qui se passe sur la planète. Et chez nous.

Le droit de regarder des séries télévisées bonbon

C’est bien beau de regarder les séries C’est comme ça que je t’aime (absolument géniale) et La Maison-Bleue (très drôle), mais il n’y a rien comme se taper une série télévisée dont on connaît la moitié des répliques et l’issue des intrigues. C’est un édredon moelleux sur notre angoisse. Ce paragraphe a été écrit par celui qui regarde en ce moment les 75 épisodes de La Petite Patrie sur YouTube.

Le droit de faire une pause des médias

C’est comme ça chaque fois que survient une crise dans le monde : on s’abreuve jusqu’à plus soif auprès des médias. Mais quand tu réalises qu’Horacio Arruda t’a plus longuement parlé dans la journée que ton chum ou ta blonde, tu peux t’accorder une pause. Mais pas trop longtemps, les journalistes et chroniqueurs de La Presse ne s’en remettraient pas.

Le droit de refuser une invitation

Après trois semaines de confinement, les gens ont besoin de contacts humains. Skype, FaceTime et Zoom sont des outils formidables, mais on se tanne vite de prendre un verre avec un ami qui fige à tout bout de champ sur l’écran. C’est alors qu’on reçoit l’invitation à une balade « à deux mètres de distance ». C’est vrai que c’est tentant. Mais cela comporte une part de risque. On peut alors refuser. Mieux vaut figer sur un écran que dans un lit d’hôpital.

Le droit de parquer ses enfants devant la télé

C’est extraordinaire de faire des casse-tête, des charades et des biscuits au beurre d’arachide avec les enfants, mais à un moment donné, il faut faire le vide. Et du télétravail. Il ne faut donc pas hésiter à louer un bon film afin d’avoir la paix pendant 1 heure 40. Allez, chère Reine des neiges, monte sur tes glaciers et pousse-nous encore une fois ton grand succès ! « Libééérée ! Délivrééée ! »