Il n’y a pas que le virus qui soit contagieux; la solidarité se propage tout autant. Pour preuve, d’innombrables groupes d’entraide locaux se sont montés, autant sur Facebook qu’au sein des microquartiers, et laissent voir à quel point les Québécois ont soif de rendre service à leur prochain.

Tout comme la COVID-19, ils ont commencé à être quelques-uns, puis se sont multipliés et ont même muté. Heureusement, eux, ils ne font de mal à personne, bien au contraire : les groupes d’entraide mis sur pied par des bénévoles cherchent à mettre en contact des volontaires prêts à donner un coup de main et ceux pour qui la pandémie rime avec contraintes et besoins – notamment les Québécois en quarantaine et les personnes vulnérables ou âgées cloîtrées chez elles. Le nombre de groupes Facebook créés dès le tout début de la crise est passé d’une poignée à la pléiade, instaurés surtout dans les principaux arrondissements montréalais. Le principe est simple : on y propose son aide, ou on la demande.

  • Sylvain Néron et Michel Tassy ne se connaissaient pas. Ce qui n’a pas empêché l’un d’aller promener le chien de l’autre.

    CAPTURE D’ÉCRAN 

    Sylvain Néron et Michel Tassy ne se connaissaient pas. Ce qui n’a pas empêché l’un d’aller promener le chien de l’autre.

  • Nombreux sont les résidants à proposer leurs services au sein de ces groupes d’entraide.

    CAPTURE D’ÉCRAN 

    Nombreux sont les résidants à proposer leurs services au sein de ces groupes d’entraide.

  • Louis-François Chénier André, serveur en quarantaine, n’a pas hésité à demander un coup de main à la communauté. 

    CAPTURE D’ÉCRAN 

    Louis-François Chénier André, serveur en quarantaine, n’a pas hésité à demander un coup de main à la communauté. 

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Marie-Pascale Ayotte, résidante du quartier Hochelaga, fut l’une des premières à échafauder l’un d’eux, « Entraide soutien Coronavirus Hochelaga », aussitôt que la situation s’est enflammée. « Quand il y a eu la fermeture des écoles et que les gens devaient continuer à travailler, ça a créé du stress pour beaucoup de familles. Aussi, dans mon coin, il y a beaucoup de personnes âgées ou vulnérables, et je me suis demandé ce qu’on pouvait faire dans cette situation. J’ai pensé monter un groupe pour que les gens puissent s’entraider et qu’il y ait une forme de solidarité », explique cette étudiante de 25 ans. La réponse ne s’est pas fait attendre, la barre du millier d’inscrits ayant été franchie en quelques jours, et l’offre de soutien dépassant largement les demandes : des inconnus proposent bénévolement leur aide pour effectuer des achats, prêter leur auto, faire du gardiennage d’enfants ou tout simplement converser avec les personnes isolées.

C’est ainsi que Sylvain Néron, un résidant d’Hochelaga confiné en raison de maladies chroniques, a croulé sous les offres d’aide pour faire promener son chien Bob. Parmi les dizaines d’inconnus à avoir levé la main pour lui dégourdir les pattes se trouvait Michel Tassy. « J’étais disponible samedi après-midi. Après avoir vu son message sur le groupe, je lui ai simplement proposé mon aide », raconte-t-il.

PHOTO HUGO-SEBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Janie Poitras, une résidante d’Hochelaga, avait croisé à plusieurs reprises son voisin Sylvain Néron dans le quartier. Quand ce dernier a lancé un appel dans un groupe d’entraide Facebook pour faire promener son chien (M. Néron est à risque à cause d’une santé précaire), elle a tout de suite proposé son soutien.

C’est aussi une façon de resserrer les liens : Janie Poitras, une voisine de M. Néron, a vu son appel et y a répondu. « C’est mon voisin et je l’avais déjà croisé avec son chien. Je l’ai reconnu sur le groupe d’entraide et je me suis dit : “Il vit vraiment juste à côté, c’est parfait !” » Sylvain Néron, très reconnaissant, n’en oublie pas pour autant les risques potentiels des sorties de son corgi : « Je donne pour consigne aux promeneurs et promeneuses de ne pas faire flatter le chien », nous écrit-il, dans le droit fil des recommandations de l’Ordre des vétérinaires du Québec.

Servir un serveur

Du côté de Rosemont, on n’est pas en reste. Louis-François Chénier-André, dont le colocataire est récemment revenu de France après avoir séjourné en Italie, s’est imposé une quarantaine très responsable. Ce travailleur autonome officiant dans les spas et les restaurants comme serveur a annulé tous ses contrats pour s’isoler à domicile. Pour lui, pas question d’aller déambuler à l’épicerie; il a plutôt lancé un appel sur le groupe Facebook « Entraide soutien coronavirus » rosemontois.

« Plusieurs personnes ont répondu en une demi-heure », indique-t-il. Le lendemain, un inconnu déposait des sacs de provisions sur son palier. « On avait des amis Facebook communs, mais on ne se connaissait pas du tout », dit celui qui est prêt à proposer ses services aux autres sitôt que son confinement sera terminé.

Ces groupes d’entraide sont aussi l’occasion pour des organismes, tels que le Centre de ressources et d’actions communautaires de La Petite-Patrie, de puiser des bénévoles pour effectuer des livraisons de denrées aux personnes vulnérables. Cette semaine, la volontaire Émilie Lafontaine n’a pas hésité à enfourcher son vélo pour distribuer, à plusieurs reprises, des paniers de nourriture. « Les gens sont tellement reconnaissants ! », témoigne-t-elle.

Messages non virtuels

Les groupes Facebook d’entraide grossissent, quartier par quartier, mais on ne saurait oublier des initiatives hyper locales, parfois à l’échelle de simples quadrilatères. C’est le cas des Voisins de la Burelle verte, un regroupement de résidants de La Petite-Patrie, qui ne s’est pas cantonné à offrir de l’aide sur le web, mais a distribué également des feuillets dans les boîtes aux lettres du coin avec noms et numéros de téléphone de voisins proposant du soutien. « Si vous êtes à risque ou plus âgés, vous n’êtes pas seuls… contactez-nous ! » peut-on notamment y lire.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Pour créer une meilleure proximité, mais aussi communiquer avec les personnes âgées pas forcément sur Facebook, Eva et son groupe de bénévoles ont distribué des messages dans les boîtes aux lettres du quartier, avec les noms et contacts de cinq résidants du quartier prêts à aider. 

Un bon moyen pour informer les aînés, qui ne surfent pas forcément sur Facebook, mais aussi de rassurer les personnes potentiellement dans le besoin. « Les gens sont peut-être gênés de demander de l’aide, on s’est dit que si c’est plus personnalisé, ils se sentiront peut-être plus à l’aise de nous appeler », table Eva Falk Pedersen, l’une des instigatrices de l’initiative, qui joue déjà les bons Samaritains pour un trio d’amis en isolement, l’un d’eux étant revenu en catastrophe d’un voyage au Panamá.

Macro-financements et micro-offres

Parfois, ce sont des groupes de professionnels qui se mobilisent, comme ce noyau d’enseignants ayant lancé une campagne de sociofinancement baptisée « SosFamillesVulnérablesCoronavirus ».

En bons pédagogues, les membres du groupe cherchent aussi à clarifier les manières d’obtenir du soutien pour les familles démunies.

Nous travaillons sur la création d’un site web afin de vulgariser l’information sur l’aide financière disponible en ces temps de crise. Beaucoup de personnes comprennent mal l’aide offerte et les manières d’y accéder.

Hélène Moïse, l’une des maîtres d’œuvre du mouvement

Ainsi, chaque jour, de nouvelles actions collectives fleurissent, se structurent, s’improvisent. Mais il y a aussi les plus petites des échelles, faisant fi des groupes et du web. Sur un poteau de Montréal, à l’angle de Saint-Denis et Saint-Zotique, une résidante a apposé une affiche où se lit : « Besoin d’un coup de main pour des courses ou autre pendant la quarantaine ? Appelez-moi ou textez-moi. Attention à vous ! »

Si la propagation du virus provoque des fronts enfiévrés, celle de la solidarité, elle, fait chaud au cœur.