Tuque grise sur la tête, Sarah-Maxine Racicot court dans un corridor de l’école Louis-Joseph-Papineau, dans le quartier Saint-Michel, à Montréal. Elle est en retard. En pleine semaine de relâche.
Ce n’est pas un cauchemar : l’adolescente de 15 ans joue dans Je voudrais qu’on m’efface, une série tournée dans cette école secondaire publique au look de bunker.
Elle n’est pas la seule à profiter du congé pour jouer aux écoliers. Ryan Ralph Yakam, 15 ans, est figurant dans cette série qui sera diffusée en huit épisodes à l’automne sur Tou.tv. C’est sa première expérience devant une caméra, un travail pas trop difficile. « Je dois être en classe et m’asseoir, explique-t-il. Des fois, on me demande de faire des réactions étonnées, comme What the fuck ? » Il juge intéressant que des ados soient embauchés pour incarner les élèves. « Si on voit juste des acteurs, ce n’est pas la vraie vie », souligne-t-il.
Roman transposé
Je voudrais qu’on m’efface, c’est d’abord un roman d’Anaïs Barbeau-Lavalette suivant les trajectoires de jeunes habitant un immeuble d’Hochelaga-Maisonneuve. Eric Piccoli, réalisateur et cofondateur de Babel Films (Temps mort, L’écrivain public), a transposé l’histoire dans Saint-Michel. « Tout le monde roule sur la 40 et tout le monde ignore le quartier qui est entre les deux carrières, observe-t-il. Un quartier qui est délimité par des fosses, c’est quand même fou. Là, le highlight est sur Saint-Michel, mais à Montréal, il y a plein de quartiers moins jolis, où des gens essaient de faire des miracles avec rien. »
En plus des comédiens Julie Perreault, Jean-Nicolas Verreault et Schelby Jean-Baptiste dans les rôles d’adultes, Eric Piccoli a tenu à embaucher des dizaines de figurants pour les scènes scolaires. « On parle des classes qui débordent, c’est une réalité, dit-il. Je voulais une trentaine de jeunes – du public, pas du privé. »
Le réalisateur de 34 ans a lui-même fait son secondaire à l’école Georges-Vanier, rue Jarry, à l’est de Christophe-Colomb. « J’ai joué au basket ; je me tenais avec des Haïtiens et des Vietnamiens », se souvient-il.
Entremetteur à l’école
Pour recruter des jeunes d’origines variées, l’équipe a fait appel à Philippe Lussier, enseignant à l’école publique Paul-Gérin-Lajoie-d’Outremont. « C’est une super belle expérience pour eux, estime-t-il. Et ils sont tellement contents de faire de l’argent, à cet âge-là ! »
Alejandro Valerdi Ledezma, 14 ans, n’a pas hésité à sacrifier une partie de son congé pour participer à Je voudrais qu’on m’efface. « Je n’avais pas d’autres plans », fait-il valoir. Tourner les scènes plusieurs fois ne l’a pas dérangé. « Je m’attendais à les répéter encore plus », dit-il.
Netflix omniprésent
Quelles séries québécoises ces jeunes regardent-ils ? « Aucune, répond avec franchise Ryan Ralph Yakam. Je regarde juste Netflix, Disney+ et YouTube. » C’est pareil pour Alejandro Valerdi Ledezma. « Je regarde Netflix sur mon téléphone », dit-il. Sarah-Maxine Racicot, qui tient un premier rôle dans Je voudrais qu’on m’efface, a commencé à regarder Fugueuse. « Mais je regarde plus de séries américaines sur Netflix ou sur Fox », précise-t-elle.
« Peut-être que si on leur offre du contenu qui leur ressemble, ils vont s’y intéresser un peu plus », observe Eric Piccoli. Le réalisateur trace un parallèle : à l’âge de 12 ans, il n’écoutait pas de musique québécoise. « Au secondaire, tu ne disais pas que t’aimais la musique francophone, sinon tu faisais rire de toi, se souvient-il. T’es en processus de définir ton identité. »
Avec Je voudrais qu’on m’efface, il espère ouvrir quelques horizons. « Ici, je vois des bougies d’allumage, souligne Eric Piccoli. Il y a des jeunes qui sont valorisés et je trouve ça beau. Il y en a peut-être dans la gang qui se cherchent, qui n’ont pas de passion, rien ne les intéresse. Durant le tournage, il peut y avoir une étincelle… »
Je voudrais qu’on m’efface, du réalisateur Eric Piccoli, écrite par Florence Lafond et Eric Piccoli d’après le roman d’Anaïs Barbeau-Lavalette, produite par Babel Films, sur Tou.tv à l’automne